29 janvier 1915. Froid très vif, ciel sans nuages.



29 janvier 1915. Courtieux

Froid très vif, ciel sans nuages. J’aperçois là-bas, sur la rive droite, les paquets de fumée des obus qui frappent Sacy, Hautebraye et Berry. Ici, c’est la paix, la plus douce de toutes, la paix champêtre. Je déjeune à la 8ème compagnie, à Montigny-Lavallée : des œufs frais, du beurre frais, des pissenlits frais !…

A 4h je vais à Vic retrouver Plaisant. « Hé bien ? cher ami, et le colonel ?… » Pendant une heure qui me paraît être une minute, Plaisant de sa belle voix et de sa belle parole me peint à larges traits le colonel Naulin. Le régiment a fait une acquisition de la meilleure qualité. Officier d’état-major chez Joffre, d’abord, ensuite chez Foch, le colonel Naulin a 44 ans, a été …colonel dans l’armée péruvienne, a passé très brillamment les concours de l’Ecole de guerre, se pique d’être très parisien, d’avoir fréquenté les couloirs du Temps et Eugène Tardieu ; à l’état-major Foch il faisait partie du 2ème bureau (renseignements) et, comme tel, possède d’inépuisables réserves de « tuyaux ». J’en note quelques-uns pêle-mêle.

Sur l’Yser, les Allemands nous ont attaqués avec 800.000 hommes, parmi lesquels 180.000 hommes de six corps d’armée nouveaux, surgis on ne sait d’où et on ne sait comment. Proportion des alliés contre les Allemands : 2 contre 5. Bataille de l’Yser considérée par nous comme une éclatante victoire, infiniment supérieure en valeur militaire à la victoire de la Marne.

Le pourquoi de cette attaque d’une violence inouïe : le désir, chez les Allemands de conquérir toute la Belgique afin de l’annexer plus aisément en vertu des codes de guerre internationaux. ( ?)

Opérations actuelles : Allemands de plus en plus épuisés mais de plus en plus cramponnés au terrain qu’ils ne lâcheront qu’en demandant la paix. Peu d’espoir de libérer le territoire dans ces conditions-là. Durée X mois. Point faible de l’ennemi : la Champagne (région de Perthes) excellent terrain pour notre excellente artillerie.

Forces nouvelles que les Allemands pourront nous opposer au printemps : pas plus de trois ou quatre corps d’armée, non pas faute d’hommes, mais faute de cadres et de matériel.

Par contre, 500.000 Anglais sont actuellement débarqués en France et d’autres suivront. Anglais, soldats de premier ordre dans la défensive, même dans la contre-attaque, inutilisables dans l’offensive.

Les Allemands voient disparaître de leur front un minimum de 300.000 hommes par mois, tant tués que blessés, évacués, prisonniers. Les Anglais, 11% de leur effectif (130 % par an !)

L’action en Alsace ne prendra pas les développements auxquels le public s’attend.

On verra !…

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Une réponse à 29 janvier 1915. Froid très vif, ciel sans nuages.

  1. P.Ponsard dit :

    ce fameux colonel Naulin succédant au brave Pichoud, sans doute moins humain que lui, très informé en raison de ses affectations antérieurs et impressionnant de ce fait ses officiers, a fait une très belle et rapide carrière après son passage à la tête du régiment…

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