22 janvier 1915. Vic
Notre colonel va nous quitter. Il est trop vieux ; le svelte Villaret n’en veut plus. Notre Pichoud va nous quitter. Aucun colonel de l’armée française ne savait mieux jurer que lui !… Mais c’était un brave homme. Il a passé sa matinée accoudé à la table à laquelle j’étais assis, sanglotant, la tête entre ses mains, balbutiant à travers ses sanglots : « Mon pauvre petit Bedel !… Mes pauvres enfants !… Mes soldats !… Ah ! quitter mes soldats… » En effet, il est trop vieux.
Journée calme. Quelques shrapnells sur Sacy, sur Hautebraye, sur Berry.
A 5h, le colonel revient. Il roule des cigarettes en versant des larmes. Je lui joue, au phonographe, quelques musiques espagnoles… Il pleure quand même…
Après le dîner, le colonel, ses larmes et sa cigarette. Il me voit écrire dans ce cahier. « Qu’est-ce que vous écrivez, toubib ? – Oh ! rien mon colonel. – Mais quoi encore ? – J’écris que vous pleurez… » Et le voilà qui éclate en sanglots.
A 11h, dans la nuit, un avion passe à 200m au-dessus de Vic et lance deux bombes, qui font deux petits trous, près de la gare, dans une prairie.
trop vieux sans doute ce brave Pichoud, en tout cas humain, et il n’y en avait pas tant que cela dans les armées! la dérision voilée de Bedel passe mal en ce qui concerne…
Alors bonjour les fanas de l’offensive à outrance, la plupart inutiles, qui vont lui succéder, les aficionados du colonel de Grandmaison, avides d’avancement et de décorations, et tant pis les troupiers envoyés au casse-pipe que l’on comptera par milliers…!
je viens de consulter un album avec des photos du » brave Pichoud » posant devant ses officiers du 149ième RI peu avant la guerre , il n’a pas l’air du tout aussi » raplaplat » que le prétend MB…
Je crois que l’ami Maurice en rajoute un peu…Allure fringante, belles moustaches à la gauloise, pas l’homme déprimé et abattu décrit dans son carnet….
Ceci dit, les quelques mois de campagne que cet officier venait de vivre l’avait peut-être marqué plus que d’autres…