20 janvier 1915. Le premier bataillon est de retour.



20 janvier 1915. Vic

Le premier bataillon est de retour.

J’ai attrapé au vol quelques impressions des officiers qui reviennent du combat de Crouy : parmi les renforts accourus de toutes parts se trouvait une division de cavalerie à pieds. Les dragons avaient endossé des capotes de fantassins, col rouge de la capote sur col blanc du dolman. Ils arrivent en masses sous les obus de 210. Au premier obus, bousculade, panique. Un escadron se réfugie au poste de secours de Gauthier, le médecin du bataillon. Avant de partir au combat ces hommes, habitués à la lance et au mousqueton, se font expliquer par les brancardiers le maniement des Lebel qu’on leur a distribués en hâte au départ de Compiègne…

… Le bataillon couvre la retraite des troupes de la rive droite en tenant les têtes de pont à Vénizel. Pont bombardé avec du 210. Pas un obus ne l’atteint.

Le bataillon se replie à son tour. Il doit opérer ce mouvement par une passerelle complètement couverte par l’inondation. Pour en reconnaître l’emplacement un sergent, tout équipé, sac au dos, se jette à la nage dans la rivière et à tâtons cherche les planches de la passerelle. Les hommes franchissent l’Aisne avec de l’eau jusqu’à la poitrine. Les plus petits en ont jusqu’au menton. Trois tués et dix sept blessés.

… Ensuite pillage de Vézinel par le bataillon. Les officiers commencent par s’emparer de toutes les bicyclettes. « Comment, s’écrie le capitaine S. m…. au capitaine J.cq… tu n’as pas encore troqué tes vieilles bécanes contre celles du patelin ?… »

Les troupiers échangent leurs pantalons rouges rapiécés, usés et trempés contre des pantalons de velours, leurs chemises contre du bon linge… Tous les poulets sont égorgés. Les quelques tonneaux du village vidés.

Au retour, les voitures sont chargées d’objets hétéroclites. Les téléphonistes tirent une charrette à bras bien garnie. Les infirmiers reviennent avec des lapins vivants, des poulets et… un phonographe Pathé complet.

Après le déjeuner, nous donnons au colonel un concert avec le phonographe…

De Vénizel, Gauthier écrit à un de ses parents : « Nous creusons en hâte des tranchées ; nous organisons des abris pour mitrailleuses ; nous évacuons les civils et mangeons leurs poules et leurs lapins… »

« C’est la guerre !… » disent les Allemands.

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