1er janvier 1915 – Vic
J’ai gentiment réveillonné avec Plaisant1 et Bource autour d’un poulet, d’un foie gras et d’un vieux Médoc, en l’honneur de quoi j’ai rimé le rondel suivant : Rondel des trois bons « Kamarade »
Trois bons franzosich’ kamarade,
Autour d’une bouteille, en rond,
A X-sur-Z, sur le front,
Chantent à l’an neuf une aubade.
Et chacun vide son canon
Sans réduire en capilotade
Trois bons franzosich’kamarade,
Autour d’une bouteille, en rond.
Boum !… Un obus ?… Non, un bouchon…
Et sous l’excuse – à la Ponchon-
Que l’année est au biberon
Ils s’illuminent la façade
Ces bons franzosich’ kamarade.
Les Allemands nous envoient – c’est le nouvel an, on est prodigue – quelques gros obus qui trouent bêtement un toit ici, un trottoir là…
Le général Joffre, le général Maunoury, le colonel nous adressent des vœux. Voici ceux du généralissime :
« Le commandant en chef adresse aux officiers et soldats de toutes les armées françaises ses vœux les meilleurs et les plus affectueux. Au moment où les cœurs de tous les Français battent à l’unisson les souhaits du commandant en chef se confondent avec ceux de ses troupes et se résument dans la même espérance : victoire de nos armes et grandeur de la France. »
Et à ces vœux, la France ajoute pour chaque troupier :
100fr de jambon, des noix, une orange, un cigare et le quart d’une bouteille de champagne. La ration de vin est portée à un demi-litre.[…]
1 Bedel a ajouté, lors d’une relecture de son Journal, au crayon, la note : « Marcel Plaisant, devenu sénateur du Cher »
un poulet, du foie-gras et un vieux Médoc…Où a-t-il pu dénicher ces victuailles de luxe sur le front ?
Toujours épicurien l’ami Maurice, et puis ça aide au maintien du moral, avec les bons voeux du père Joffre !