9 décembre 1914. Les artilleurs des pièces de 120 long de Sainte Geneviève nous avaient invités à déjeuner



9 décembre 1914. Courmelles

Les artilleurs des pièces de 120 long de Sainte Geneviève nous avaient invités à déjeuner, Roederer et moi : ce fut un repas de troglodytes. La table était mise dans un des nombreux souterrains dont est creusé le plateau du Mont de Belleu. A 50m de l’entrée, dans une « chambre d’exploitation » une porte couchée sur des tréteaux forme la table, des volets posés sur des billots tiennent lieu de bancs. Une lanterne à acétylène nous éclairait. Et le menu, ma foi, fut des mieux fournis. Le commandant de la batterie a de l’esprit et dans cette obscurité sa parole était particulièrement brillante. Et ce ne devait pas être un spectacle banal que celui de ces officiers groupés, dans une carrière aux voûtes très basses, autour d’un saladier de pommes de terre et d’oignons et discutant des beautés de la littérature.

Après le café nous gagnâmes les batteries, installées dans un bois dominant la route de Reims à sa sortie de Soissons. On est si bien sous l’œil de l’ennemi à cet endroit, qu’il fallut, pour franchir une centaine de mètres, que je dérobasse la visibilité de ma culotte rouge derrière la pèlerine d’un des artilleurs. Mais les pièces sont bien cachées !… L’emplacement qu’elles occupent est « déguisé » en bois de sapins. Impossible aux avions de les repérer… Elles reçoivent pourtant des arrosages convenables d’obus… toujours trop longs. Cet arrosage est le fait ou de l’espionnage, ou du repérage à la flamme.

Déjà les Anglais avaient disposé leurs batteries dans ce bois et, pour dérouter l’ennemi, avaient construit une fausse batterie très visible dans la confection de laquelle on retrouve bien l’humour britannique : les pièces sont figurées par des machines aratoires à hautes roues sur lesquelles ont été couchés des troncs d’arbres ; l’une d’elle consiste en un vulgaire tonneau d’arrosage. Alentour sont creusés de faux abris… La ruse a réussi, car le sol est à cet endroit labouré par les obus !

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Une réponse à 9 décembre 1914. Les artilleurs des pièces de 120 long de Sainte Geneviève nous avaient invités à déjeuner

  1. Patrice PONSARD dit :

    Toujours sensible à la qualité d’un repas l’ami Bedel, même pris sur des portes en guise de tréteaux…
    Rassurant de savoir que certains officiers de l’époque aimaient la littérature et en discutaient de façon brillante , des officiers de réserve vraisemblablement…

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