21 avr 2012
mariellaesvant

Les tops de la campagne

Dans l’abécédaire de la campagne 2012, des petits nouveaux (Twitter, buzz, fact-checking, primaire, live…), des indémodables (sondages, 20h, meetings) et quelques éphémères… Petit lexique, non exhaustif, des mots qui ont rythmé la sphère politico-médiatique, tendue vers les deux tours de l’élection présidentielle.

Indiscutablement, en 2012, la campagne passe (aussi) par les réseaux sociaux.

 

20h. C’est là que Dominique de Villepin a annoncé sa candidature (sur TF1) puis son retrait (sur France 2) faute de parrainages. Là aussi (celui de TF1) que Nicolas Sarkozy a officiellement levé le faux suspens sur sa candidature. Là encore (sur France 2) où François Hollande s’est précipité après l’annonce officielle – et attendue – de sa candidature de son fief corrèzien. Là enfin (sur TF1) que Frédéric Nihous a annoncé son renoncement… et son ralliement à Nicolas Sarkozy. Bref, c’est à l’heure de la soupe et sur petit écran que l’histoire (de la campagne) se fait encore.

Buzz. Entre les vidéos parodiques, les tweet-clash et les clash tout court, la présidentielle s’est parfois transformée en machine à clics pour les partis et les médias en ligne. Sur le mode « peu importe le fond, pourvu qu’on en parle ». Eva Joly a amusé la galerie avec ses vidéos de chatons contre l’abstention, Mélenchon a connu son apogée avec une version remaniée à sa gloire d’un tube de Philippe Catherine… La liste des « coups », quasi-quotidiens, est trop longue pour l’ébaucher. Cette tendance a d’ailleurs été dénoncée avec virulence par François Bayrou, à la peine dans les sondages, lors d’un meeting près de Nantes : « Si, tous les jours, on vous propose une idée complètement fumeuse, juste pour faire le buzz. Alors, ce n’est pas de la démocratie, c’est de la démagogie .» Le même s’est pourtant projeté il y a peu dans un jeu vidéo avec code secret pour l’entrée… Le « buzz » est même devenu une rubrique à part entière pour certains médias. Et ça ne va pas s’arrêter avec la campagne.

Bobards (fact-checking). « La politique est l’art de mentir à propos. » C’était peut-être valable à l’époque de Voltaire (1694-1778), mais à l’heure du journalisme d’investigation, du data-journalisme et du fact-checking, c’est devenu un sport dangereux. Pour rappeler ces messieurs – et dames – au principe de vérité, les médias ont formé une petite armée de vérificateurs – on dit fact-checkers, puisque le genre est d’inspiration anglo-saxonne – chargés de traquer et mettre à mal les petites erreurs et les gros mensonges. Le Monde a ses Décodeurs, le JDD son Détecteur de mensonges, Rue 89 son Contrôle technique, l’Obs ses Pinocchios, Libération sa Désintox…

Chiffrage. A force de voir chaque programme décortiqué à l’aune de coûts, dépenses et recettes, perspectives de croissance en variable, certains ont parlé d’une « campagne d’économistes ». Crise et dette exponentielle obligent, les candidats en quête de crédibilité ont dû se soumettre à l’exercice comme jamais, répondant, à l’euro prêt, de chaque ligne de leur programme. Symbole de ce syndrôme calculette : l’oral mené par le journaliste économique François Lenglet dans l’émission Des paroles et des actes. D’aucun disent que ça a tué le rêve…

Des paroles et des actes. DPDA pour les intimes de cette émission fleuve (3 à 4 heures minimum). Avec David Pujadas, « Franz-O » et Hélène Jouan, « Nathalie » (Saint-Cricq) et Fabien Namias, et le redouté François Lenglet, impitoyable journaliste économique. Le grand oral cathodique qui a mis tous les médias en haleine durant la campagne, parfois plusieurs fois dans la même semaine, a fait exploser l’audience : 5,6 millions de téléspectateurs pour le passage de Nicolas Sarkozy le 6 mars, à peine moins (5,5 millions) pour celui de François Hollande le 26 janvier. A côté de ça, les 1 à 2 millions d’auditeurs de meilleures matinales radio ou les moins de 200.000 pages vues maximum des sites d’info font pâle figure.

Live. Entre les chaînes d’info en continue type BFM, les directs des sites d’info et les « live-tweet » des journalistes politiques, la campagne,  non contente d’être omniprésente, était aussi instantanée.  Les temps morts flagrants, les échecs et les succès amplifiés par la loupe du direct, les coulisses scrutées, parce qu’il faut bien raconter… Avec un résultat parfois ludique, souvent envahissant. Pour qui ne sait pas couper ses écrans.

Lunettes. Rouges d’abord, vertes depuis peu. Fil rouge de la campagne d’Europe Ecologie-Les Verts, les lunettes d’Eva Joly sont devenu la métonymie d’une candidature hors norme, iconoclaste… finalement marginale. Le 11 avril, à 21h45, au beau milieu d’une émission politique la candidate écologiste expliquait avec philosophie : « A chaque moment important de ma vie, je change de lunettes ».

Parrainages. C’était peut-être leur dernière campagne. Sous cette forme en tous cas. Interrogée à chaque présidentielle, la règle des 500 parrainages a été cette fois sérieusement éreintée. Difficile de comprendre comment un Jacques Cheminade, sans aucune légitimité élective et représentant moins de 0,5% d’intentions de vote, qui a inscrit à son programme la colonisation de Mars, réussisse à collecter plus de 500 signatures d’élus quand Marine Le Pen, créditée de plus 15% des voix, héritière d’un parti contesté mais partie prenante du jeu démocratique, rencontre des difficultés. Sans compter l’empêchement de l’ancien ministre de l’Environnement Corinne Lepage ou de l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin. Remise en cause par des candidats et par certains maires, en première ligne dans ce système de co-optation, la règle pourrait évoluer.

Primaires.  Celles du PS, en octobre, ont donné le vrai coup d’envoi de la campagne en invitant tous les sympathisants de gauche à choisir leur candidat. Une première en France, qui a traversé dans l’enthousiasme général le mur de critiques dressé à la va vite par la majorité. Celles d’Europe Ecologie-Les Verts, en juin, moins ouvertes et plus discrètes, ont laissé comme un goût amer dans les rangs écolo. L’Ump s’en est remise à son « candidat naturel », mais a déjà envisagé, du bout des canines, de se prêter au jeu pour le scrutin de 2017.

Meetings. Dans la liste des incontournables qu’on croyait dépassés, le meeting est revenu en force, redonnant au passage ses lettres de noblesse au militantisme. C’est bien sûr Jean-Luc Mélenchon qui a donné le ton avec sa prise de la Bastille et ses « 120.000 » personnes, décliné ensuite place du Capitol à Toulouse, plage du Prado à Marseille, etc. Même les mastodontes du PS et de l’Ump ont suivi le mouvement, organisant  chacun de leur côté une confrontation par meeting interposés – en plein air – à une semaine du premier tour. Là encore, on annonce plus de 100.000 personnes. Les meetings « en salle », bien que moins populeux, ont plutôt bien marché eux aussi.

Mélenchon. C’est la révélation de la campagne, celui qui a redonné une seconde jeunesse aux militants communistes vieillissants et ramené une frange idéaliste de la jeunessse à la politique. C’est l’homme qui a remis la révolution au goût du jour, et tisonneé une campagne ronflante. Le tempétueux candidat du Front de gauche, issu des rangs du PS, s’est indiscutablement imposé dans le fil de la campagne. Reste à voir comment, le second tour consommé, il va transformer le bouillonnement qu’il a provoqué pour s’inscrire durablement dans le paysage politique français.

Twitter. La vibrillonnante twittosphère, qui compte une grosse masse de politiques, de journalistes ou apparentés, et quelques autres shootés à l’actualité éphémère, a bien sûr tourné à plein régime pendant la campagne. Attisé par les partis eux-mêmes, quelques professionnels de la politique en quête de notoriété, et une flopée de journalistes en service commandé (ou non), un flot quasi discontinu des mini-messages a distillé commentaires, annonces, confrontations, et même « tweet-interviews« … Là encore, avec un résultat plutôt ludique, parfois pathétique, toujours frénétique.

Sondage. Rien de surprenant de ce côté. C’est juste qu’il y en a… toujours plus.  Entre janvier et février 1981, la commission des sondages recensait 111 sondages en lien avec l’élection présidentielle, 153 pour celle de 1988, 157 pour l’élection de 1995, 193 en amont de la présidentielle de 2002, et 293 entre janvier et mai 2007. En 2012, on approche les 400. En cause, le développement des sondages par internet (plus économique) et les « rollings » (enquête quotidienne sondant 1.000 électeurs dont un tiers sont renouvelées chaque jour) de l’Ifop. Le tout amplifié par les médias traditionnels, leur déclinaison en ligne et les réseaux sociaux. Avec toujours cette même relation de confiance et de défiance…

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