7 déc 2011
mariellaesvant

Sondages… pour ou contre ?

On a beau les prendre de haut, difficile de ne pas jeter (au moins) un coup d’oeil quand un sondage annonce la percée du 3e homme (en l’occurrence une femme, Marine Le Pen, selon BVA-Le Parisien) ou la lente érosion de la cote de l’homme providentiel… A moins de six mois de l’élection présidentielle, les instituts de sondages jouent déjà des coudes pour placarder leurs pronostics présidentiels, et les médias s’en régalent… Risque d’indigestion ?

Le "live" d'Ifop pour la présidentielle.

Le "live" d'Ifop pour la présidentielle.

L’élection présidentielle, pour les instituts de sondages, c’est un peu la préparation de la Coupe du monde pour les clubs de foot. Sauf que pour eux, c’est seulement une fois tous les cinq ans. Là, on comprend mieux pourquoi ils font du teasing des mois, voire des années avant le jour J. Pour 2012, Ifop a même eu la bonne idée de mettre en place une sorte de « live » jusqu’à la présidentielle. Un suivi jour par jour de la cote des candidats, avec quand même un « avertissement » au lecteur :

Opinion Way, l’autre mastodonte de l’enquête d’opinion, se la joue plus sobre. Seule exentricité pour 2012, un vidéo-sondage type « parole de Français » réalisé en direct de l’Omniway, un bus multimédia qui sillonne les routes de France (un peu comme dans « c’est pas sorcier »).

Avec Vox-Pop, Opinion fait parler les sondés...

Avec Vox-Pop, Opinion fait parler les sondés...

Côté nouveauté, il y a aussi l’application Présidentielle 2012 (avec un panel limité… aux utilisateurs d’Iphone) qui propose ses sondages instantanés et totalement dénués de sens puisque sans aucun respect pour les quotas. Dans le même esprit, Facebook propose une application sondage. Une sorte de kit du petit sondeur où chacun peut créer son baromètre, avec ses questions, ses réponses à choix multiples, et la possibilité, bien-sûr, d’inviter ses amis à voter.

Sans compter les gadgets, les mesures d’intentions de vote se multiplient à mesure que la date du scrutin approche. Pour le mois de novembre, le site sondages-en-france.fr, qui compile les sondages des différents instituts, en a recensé 9. Ils sont pour la plupart consultables en intégralité sur les sites instituts, analyse maison à l’appui. 

Extrait du dernier sondage BVA pour le Parisien.

Extrait du dernier sondage BVA pour le Parisien.

 

En jetant un petit coup d’oeil en arrière, on voit que le phénomène n’est pas nouveau. Depuis la parution de la première enquête d’opinion en 1939 (siglé Ifop), la folie des sondages n’a fait que monter en puissance. Entre janvier et février 1981, la commission des sondages recensait 111 sondages en lien avec l’élection présidentielle, 153 pour celle de 1988, 157 pour l’élection de 1995, 193 en amont de la présidentielle de 2002, et 293 entre janvier et mai 2007. Record déjà quasi assuré pour 2012.

Le coup de tonnerre du 21 avril 2002 n’a rien changé. Les sondages avaient pourtant été cloués au pilori pour n’avoir pas prévu l’arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour. «Faux procès», répond d’ailleur Denis Pingaud, vice président d’Opinion-way. «Dans la dernière semaine avant le vote, les sondages montraient bien un tassement de Jospin et une montée de Le Pen». Des données selon lui ignorée superbement par le candidat socialiste, qui ne voulait pas y croire. Et de désigner les politiques comme l’un des «acteurs» du système des sondages. Avec les instituts, bien sûr, mais aussi les médias.

Secrets de sondages, de Denis Pingaud, ed. Seuil, 14 €.

Secrets de sondages, de Denis Pingaud, ed. Seuil, 14 €.

Dans un court essais intitulé Secrets de sondages, le vice-président d’Opinion Way – à défaut de réveler le moindre secret et évitant avec subtilité un mea culpa trop sévère – pointe le double discours des hommes politique, hyperconsommateurs de sondage… Et premiers à les dénoncer quand ils ne leur sont pas favorables. Il n’oublie pas les médias, jugés coupables d’interprétations biaisées. Par «manque de temps, chasse au scoop ou orientation politique».

Bon joueur, il admet aussi la part de responsabilité des instituts qui produisent quasi-quotidiennement ces baromètres jetables. « Nous savons que la formulation des questions n’est pas neutre », admet-il. Il est possible d’influencer le répondant par « l’ordre des questions », « les propositions de réponses », et surtout en tenant compte du fait que « les gens préfèrent répondre oui que non ». Il balaie les accusations de « bidouillage », en arguant que la commission des sondages veille.

Reste que, main dans la main, politiques, médias et instituts de sondages continuent de commander, produire, publier, et commenter des sondages préélectoraux des mois, parfois plus d’un an, avant la date du scrutin. «Ce type d’enquête a un intérêt trois semaine avant le vote», lâche le vice-président d’Opinion Way. Mais comme il ne va pas couler sa propre boîte, il ajoute quand même que ces « photographies » peuvent esquisser des tendances, mesurer une cote de popularité, pointer une dynamique. «Le sondage en tant que tel n’est pas intéressant. Ce n’est pas la photographie qu’il faut regarder, mais le film». La remontée de l’un, le tassement de l’autre, les écarts qui se creusent… Bref, les évolutions dans le temps.

Vu le nombre de sondages, d’ici mai 2012, on sera tous devenus experts en analyse comparative et autres traçages de courbes.

Alors les sondages électoraux… Plutôt pour, plutôt contre, ou sans opinion ?

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