12 avr 2012
Chloé Bossard

« Des paroles et des actes », un fade défilé de candidats

En seulement quelques mois d’existence, l’émission politique de France 2 « Des paroles et des actes », présentée par David Pujadas, est devenu une référence. Pour les autres médias, il est désormais impossible de passer à côté. A chaque diffusion, ils se font donc l’écho des débats et proposition qui sont ressortis. D’autant que la télévision reste le premier vecteur d’information sur l’élection (74%) devant internet (40%) et la radio (34%), selon un sondage CSA.

Le principe de base de l’émission était simple : les quatre journalistes de l’émission interrogent un invité principal, rejoint en deuxième partie d’émission par un débatteur du camp adverse. Les analyses économiques du journaliste de BFM Business François Lenglet ont même connu leur heure de gloire, lorsque Marine Le Pen s’est retrouvée coi face à ses graphiques, le 23 février.

Oui mais voilà. L’égalité du temps de parole est venue bouleverser ce système bien rodé. Hier soir et ce soir, les dix candidats ont défilé tour à tour sur le plateau lors d’un grand oral, avec seulement seize minutes chacun pour convaincre. Tour à tour, chacun a délivré son message, à peine plus long que celui de leur clip de campagne. Aux questions des journalistes, ils ont donné des réponses préformatées, déjà répétées dans d’autres médias.

Seule la prestation de Philippe Poutou, dernier à s’exprimer hier soir, a été remarquée. L’ouvrier girondin, peu rompu aux interventions médiatiques, n’a pas caché sa certaine lassitude à l’exposition solitaire dont il est l’objet. « Je suis habitué à être en groupe, à me battre en groupe, à séquestrer en groupe… », a-t-il fait remarquer. A la fin de son passage, terminé juste dans le temps imparti, il a été le seul candidat applaudi.

Le passage de Jacques Cheminade, en deuxième position ce soir, a également pu faire sourire les téléspectateurs. Le candidats de Solidarité et Progrès, qualifié de « professeur Tournesol » par la journaliste Nathalie Saint-Cricq, a assumé tout son projet de conquête de l’espace. Selon lui, il faudrait notamment industrialiser la Lune pour « assurer l’avenir de notre société ».

Un peu plus tard, Nicolas Sarkozy a dénoncé « les ragots, la méchanceté » d’Eva Joly, « qui bafoue tous les principes du droit », à qui il oppose « son mépris le plus cinglant ». La veille, sur le même plateau, l’ancienne juge d’instruction avait accusé le président sortant d’avoir bénéficié de financements illégaux provenant de la famille Bettencourt lors de sa campagne de 2007. Elle avait également mis en cause sa participation dans l’affaire Karachi.

Dernier à parler ce soir, Jean-Luc Mélenchon a eu du mal à parler de son programme. L’équipe de journaliste s’est concentrée sur sa posture, son score dans les sondages, et sa position vis à vis de François Hollande. Alors le candidat du Front de gauche a fait son show, et ses quelques blagues ont détendu l’atmosphère (« M. Lenglet piaffe d’impatience, il veut nous montrer ses graphes… »).

Le refus des deux favoris de débattre a néanmoins donné un sérieux coup de mou aux deux actes de l’émission, privée ainsi de contradictions et de rythme. Nicolas Sarkozy et François Hollande n’ont d’ailleurs pas été invités le même soir. Il ne faudrait pas qu’ils se croisent dans les couloirs…

Quant au journaliste posté dans les coulisses de l’émission, quel était son réel intérêt ? Savoir qu’Eva Joly a serré la main de Philippe Poutou devant les loges, que Jean-Luc Mélenchon travaillait sur son ordinateur avant son passage ou que Nicolas Sarkozy haussait les épaules au moment d’entrer sur le plateau n’aidera sans doute pas les électeurs à faire leur choix.

Malgré ces remarques, le premier opus de « Des paroles et des actes » a rassemblé 3,4 millions de téléspectateurs hier soir, d’après la chaîne. Un beau succès.

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