20 octobre 1914.
L’offensive sur Saint-Mihiel a échoué, bien que notre infanterie se soit approchée à 1.500m de la ville. Un officier d’artillerie l’accompagnait déroulant pendant sa marche au milieu des obus et des balles un fil téléphonique lui permettant de communiquer sans cesse avec nos batteries de la rive gauche de la Meuse.
Aujourd’hui le canon s’est tu.
La guerre devient triste, longue, monotone. Un immense ennui commence à envahir les troupes, surtout depuis qu’à la guerre d’embuscade des Vosges a succédé cette insupportable guerre de siège de la Meuse. Comment comparer la joyeuse et vive chanson des fusils dans les bois au rugissement formidable et sinistre des canons ? Par ici, c’est le Royaume du Canon. Il règne en maître souverain : sa voix couvre toute autre voix ; il siège sur les hauteurs auprès de son cousin le tonnerre ; sa puissance est terrible, il détruit, à sa fantaisie, toute ville qui lui déplaît, toute masse d’hommes qui ose venir à lui ; et dans son Royaume les oiseaux ne chantent plus.
Maurice Bedel, un futur Goncourt raconte sa Grande Guerre.