8 novembre 1916.
Nous voyons l’ennemi… En France, on ne le voyait que pendant les combats. Ici, on le voit, on le voit fort bien. Je prends ma jumelle : à cinq mille mètres, trois fines silhouettes de cavaliers se découpent sur le ciel bleu, vers l’ouest. Ces trois cavaliers ont mis pied à terre au sommet du Chkiralla et nous regardent comme nous les regardons, peut-être avec des jumelles. Ce sont les hassas (sentinelles) des Aït Abdi qui, chassés de l’Ari Haian par le froid, viennent faire paître leurs troupeaux tout près de Timhadit. Il y aurait une belle razzia à faire là. Le chaouch et vingt cinq mogrhazni envoyés hier en reconnaissance évaluent à plus de cinq mille les moutons qui paissent là. Mais nous attendons pour demain un gros convoi qui vient nous ravitailler de Meknès. Nous n’exciterons pas l’ennemi.
Maurice Bedel, un futur Goncourt raconte sa Grande Guerre.