Case Départ raconte Angoulême : 1984, tout augmente !



Les années passent et le salon ne cesse de grandir. En 1984, il est décidé d’ajouter une quatrième journée réservée aux professionnels. Durant ce premier jour, le jeudi 26 janvier, des échanges ont lieu entre les éditeurs et les libraires tandis que la manifestation est ouverte aux scolaires.

Alfred et Philémon accueillent les auteurs à la gare d'Angoulême. (Photo Patrick Lavaud)

Et il y a beaucoup de choses à découvrir. Le public en prend plein les yeux car Pierre Pascal d’est rapproché du comité d’action culturelle d’Angoulême. L’initiative est heureuse. « C’est ainsi que François Vié devint le spécialiste d’expositions spectaculaires qui contribuèrent au prestige du salon et au déséquilibre de son budget », expliquait-il dans BD Passion (Dossiers d’Aquitaine, 1993).

(Photo Patrick Lavaud)

Grand Prix 1983 et donc à l’honneur du salon 1984, Jean-Claude Forest voit donc son univers prendre forme en trois dimensions : un Monsieur Même en volume marche sur les murs tandis qu’Hypocrite et ses formes généreuses se réflète dans des miroirs. Dans le même temps, (A Suivre) consacre un dossier à ce fabuleux auteur.

Le patron des éditions Dupuis (à gauche) sous le regard de Jean-Louis Pesch (à droite). (Photo Patrick Lavaud)

Jacques Glénat lors d'une conférence. (Photo Patrick Lavaud)

De son côté, Jean Giraud Moebius innove en voyant pour la première fois exposé ses travaux publicitaires pour Citroën, avec l’album Une Croisière Citroën, composé de 60 planches illustrant la célèbre Traction et accrochées à l’école de musique. L’ordinateur prend de plus en plus de place. En marge du salon, Angoulême souhaite devenir la capitale du dessin animé et investit en ce sens pour attirer les maisons de production. Des démonstrations ont lieu pendant le festival pour le compte de Image Ordinateur, soutenu par Dargaud et la veuve Goscinny, avec Philippe Druillet qui se charge de présenter les différentes possibilités. A l’instar du président Mitterrand, qui s’était déplacé pour cela le 4 novembre 1983 en compagnie de Jack Lang, le public est émerveillé.

Le public de professionnels est attentif aux débats. (Photo Patrick Lavaud)

Jean-Pierre Dionnet. (Photo Patrick Lavaud)

Au champ de mars, les chiffres donnent le tournis. Un demi hectare est entièrement consacré à la bande dessinée ! On y dénombre 10 stands de 10 m, 6 de 7 m, 118 boxes, 34 tables pour les fanzines, 90 projecteurs de 1.000 watts, 350 spots et 2 podiums. A l’époque la Charente Libre calcule qu’on y vendra 40.000 albums pour une somme représentant 2 millions de francs ! Waou !

Au champ de mars, les stands continuent d'être pris d'assaut. (Photo Patrick Lavaud)

Le scénariste Raoul Cauvin en pleine discussion devant le stand Dupuis. L'éditeur de Marcinelle connaitra plusieurs mésaventures lors de cette onzième édition. (Photo Patrick Lavaud)

Parmi les éditeurs, Dupuis n’a pourtant pas le sourire. La maison de Marcinelle voit tout d’abord un de ses camions contenant 800 kg d’albums dérobé devant un hôtel. Les voleurs n’en voulaient pas aux BD, que l’on retrouvera dans un fossé, mais étaient plutôt intéressés par le véhicule. Lambil illustrera la mésaventure d’un dessin mettant en scène les Tuniques bleues.

Le vol des albums Dupuis croqué par Willy Lambil. (Photo Patrick Lavaud)

Plus grave, le malaise commence à s’instaurer entre Dupuis et Angoulême. Lassé de ne pas figurer au palmarès, la maison d’édition n’a pas fait parvenir une sélection de ses albums aux membres du jury mais une lettre où on pouvait notamment lire : « Il est toujours délicat pour un éditeur d’effectuer une sélection parmi ses auteurs. En qualité de critique ou amateur de BD, nous pensons que vous connaissez suffisamment notre production pour juger si un titre ou l’ensemble peuvent être primés. »

Philippe Berthet présente son Privé d'Hollywood. (Photo Patrick Lavaud)

Les journalistes spécialisés, justement, se structurent de leur côté. C’est la création de l’Association des Critiques de Bande Dessinée (ACBD). Sous la présidence d’Ivan Drapeau (Charente Libre), elle décerne son premier prix à Jean Teulé pour Bloody Mary, adapté du livre de Jean Vautrin. L’album donnera son nom au prix et les lauréats devront selon la tradition boire un verre du célèbre cocktail lors de la remise de cette récompense.

Jacques Brunel et Jean-Louis Pesch. (Photo Patrick Lavaud)

Autre anecdote amusante au sujet des distinctions, élu Grand Prix de la ville d’Angoulême, Jean-Claude Mézières reçoit sa récompense trop tôt, le samedi soir. En toute discrétion, il rend le trophée à Yves Poinot pour le recevoir officiellement le dimanche après-midi !

Serge Ernst. (Photo Patrick Lavaud)

  • Le palmarès 1984
  • Grand Prix de la ville d’Angoulême : Jean-Claude Mézières
  • Alfred meilleure BD de l’année : A la recherche des guerres perdues d’Attilio Micheluzzi – Italie (Humanoïdes Associés)
  • Alfred enfant (décerné par la 6e A. du lycée Jules Verne) : Les schtroumpfs olympiques de Peyo – Belgique (Dupuis)
  • Alfred presse : Bob Marone de Yann et Didier Conrad – dans Circus (Glénat)
  • Alfred fanzine : Lard Frit (format 9×13)
  • Alfred avenir : Bruno Barbier (Nantes)
  • Prix de l’association des chroniqueurs de bandes dessinées (ACBD) : Bloody Mary de Jean Teulé (Glénat)

Yves Swolf en dédicaces. Son cow-boy Durango a déjà le vent en poupe en 1984. (Photo Patrick Lavaud)

  • Le jury 1984
  • Le Grand Prix 1983 : Jean-Claude Forest
  • Le maire : Jean-Michel Boucheron
  • Quatre journalistes : Pierre Veilletet (Sud-Ouest), Jean-Paul Morel (Le Matin), Robert Escarpit (Le Monde), Jean-Pierre Cliquet (Lire)
  • Le conservateur du musée : Monique Bussac
  • Une librairie spécialisée : Adrienne Krikorian
  • Un spécialiste : François Pierre
  • Un professeur de dessin : Dominique Bréchoteau
  • Le directeur : Pierre Pascal

Chez Elvifrance, éditeur spécialisé en bande dessinée erotique, les hotesses usent de leur charme pour séduire les potentiels lecteurs. (Photo Patrick Lavaud)

Vibora et la bande dessinée espagnole sont à l'honneur lors de l'édition 1984. (Photo Patrick Lavaud)

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À propos de Nicolas Albert

Nicolas Albert est journaliste à La Nouvelle République - Centre Presse à Poitiers et passionné de bande dessinée. Auteur de plusieurs livres sur ce sujet (Atelier Sanzot, XIII 20 ans sans mémoire…) ou de documentaires, il est également commissaire d’expositions (Atelier Sanzot, Capsule Cosmique, Boule et Bill, le Théâtre des merveilles…) et coordinateur des concerts de dessins pour le festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Sur twitter: @_NicolasAlbert
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