Case Départ raconte Angoulême : 1979, la censure fait débat



Calme cette sixième édition ? Pas tout à fait. Si le thème choisi pour 1979 est « L’Enfant dans la bande dessinée », annoncé par une belle affiche de Jean Roba, un autre sujet va lui voler la vedette. Car la conférence de presse sur la liberté d’expression tourne au débat.

Il faut dire que le casting des intervenants vaut le détour : Choron, Cavanna, Wolinski. On y parle, parfois même en criant, de la censure. Choron lance au public survolté un « Je vous ai compris » du plus bel effet. En fait, il y a beaucoup de choses à comprendre. Alors ils sont tous là pour en parler. « Le Professeur Choron, champion toutes catégories avec la censure, avait organisé un débat auquel participèrent, non seulement l’équipe d’Hara-Kiri, mais aussi des responsables de Pilote, L’Echo, Métal, raconte Pierre Pascal dans BD Passion (Dossiers d’Aquitaine, 1993). On s’en prit à la loi de 1949, sur les publications destinées à la jeunesse, élargie en 1958 par une ordonnance du Générale de Gaulle à l’ensemble de la presse. Cavanna expliqua que, depuis cette date, le ministre de l’intérieur était habilité à interdire l’affichage de n’importe quelle publication. »

Un vent nouveau souffle sur la bande dessinée. En témoigne l’équipe de Charlie Hebdo, de nouveau autorisée à vendre le si controversé numéro de Hara-Kiri titré Bal tragique à Colombey : 1 mort qui en 1970 avait fait grand bruit. Cette fameuse une évoquait deux évènements : la mort du Général de Gaulle et l’incendie de la discothèque de Saint-Laurent-du-Pont, le 5/7, où 146 personnes avaient péries. L’hebdomadaire avait alors été interdit de parution par le ministre de l’intérieur de l’époque, Raymond Marcellin. Une interdiction de publication que l’équipe de Hara-Kiri avait contournée en créant Charlie Hebdo.

Mais la publication vedette de cette édition 1979, c’est Pilote, qui fête ses 20 ans et est l’invité d’honneur du salon. Matin quel journal !

Sur un plan logistique, le salon a quitté le logis de Lunesse, excentré, pour revenir en centre-ville où un chapiteau est dressé pour la première fois sur le champ de Mars. « Il allait grandir au fil des années et poser de sérieux problèmes de circulation et de parkings », se souvient Pierre Pascal.

Les fans sont ravis, pour la première fois un espace leur est consacré et les bouquinistes, principalement des belges, proposent quelques raretés dans ce qui est alors baptisé « le salon des antiquaires de la BD ». Le neuvième art est en train de devenir un sujet de collection et de spéculation. Le phénomène n’en finira plus de s’amplifier au fil des années.

Comme un symbole de l’intérêt grandissant pour les pionniers, c’est un grand ancien qui est sacré Grand Prix d’Angoulême : Marijac, qui a considérablement marqué la bande dessinée des années trente dans Cœurs Vaillants et surtout d’après-guerre dans les pages de Coq Hardi. Dans le jury, figuraient Jean-Michel Boucheron et Jean Mardikian, élu de la précédente équipe et désormais dans l’opposition. « Il était visible qu’il (Boucheron) acceptait mal la présence de l’ancien adjoint, lequel, battu, continuait à administrer le salon depuis son entreprise, « Communication 22 », relate Pierre Pascal. (…) La situation devenait impossible. Je me rendais compte qu’en acceptant la création de cette association, je m’étais fait piéger. Enthousiasmé par le travail accompli, heureux des possibilités offertes, je n’avais pas compris que le problème financier était lié au problème politique. » Une nouvelle crise est en train de couver. Elle aura de grosses conséquences l’année suivante…

  • Le palmarès 1979
  • Grand Prix : Marijac (Jacques Dumas)
  • Meilleur dessinateur : Daniel Ceppi (Suisse)
  • Meilleur scénariste : Ted Benoît
  • Espoir de la BD : Jean-Pierre Gibrat et Jackie Berroyer pour Dossier Goudard (éditions du Square)
  • Le jury 1979
  • Un journaliste télé : Yves Mourousi (TFA)
  • Quatre journalistes presse écrite : Max Dejour (Charente Libre), Pierre Lebedel (Le Figaro), Jean-Pierre Quenez (Le Matin), Pierre Veilletet (Sud-Ouest)
  • Un journaliste radio : Claude Villers
  • Le maire : Jean-Michel Boucheron
  • Un professeur de dessin : Dominique Bréchoteau
  • Un jeune dessinateur : Thierry Lagarde
  • Un spécialiste : François Pierre
  • Un administrateur du salon : Jean Mardikian
  • Le directeur adjoint : Pierre Pascal
  • Le directeur : Francis Groux
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À propos de Nicolas Albert

Nicolas Albert est journaliste à La Nouvelle République - Centre Presse à Poitiers et passionné de bande dessinée. Auteur de plusieurs livres sur ce sujet (Atelier Sanzot, XIII 20 ans sans mémoire…) ou de documentaires, il est également commissaire d’expositions (Atelier Sanzot, Capsule Cosmique, Boule et Bill, le Théâtre des merveilles…) et coordinateur des concerts de dessins pour le festival international de la bande dessinée d’Angoulême. Sur twitter: @_NicolasAlbert
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