11 avr 2012
mariellaesvant

Portraits de militants (6/6). « Se battre à l’extérieur et à l’intérieur du parti »

Sur le marché Saint-Paul, entre les blocs d’immeubles du quartier Sanitas, à Tours, Rachida Tassaoui, 39 ans, militante PS, tracte en parlant, parle en tractant, et… à du mal a s’arrêter. Sourire et bagou bien accroché, elle tend ses petits papiers sans se lasser. Difficile de croire que 10 ans plus tôt, elle « ne voulait pas entendre parler de politique ». Un peu comme Halim Ferraoun, 37 ans, militant au Parti radical de gauche, un « cousin de parti » attrapé en chemin. Pas par hasard : ils se croisent souvent dans les allées des « quartiers populaires ».

Ces quartiers populaires, que les partis boudent, ils en viennent tous les deux. L’indifférence « de » et « à » la politique, ils connaissent. Rachida votait à la tête du client – « celui qui avait la plus belle gueule sur les affiches » – lui faisait « comme les grands ». Ils ont pourtant fait leurs gammes, sans vraiment s’en rendre compte. Elle en traduisant les JT de 13h et 20 h pour ses parents « une corvée pour nous, enfants d’immigrés ». Lui est passé par le hip-hop, de là, au milieu associatif.

En grandissant, ils se sont découverts « une fibre de gauche ». Mais pour chacun, il aura fallu une rencontre, une « voix chaude », un air amène, pour les amener jusqu’à une première réunion politique. Premiers pas pas forcément faciles pour ces nouveaux militants issus de l’immigration, des quartiers populaires, et mère de cinq enfants, pour Rachida. Pas raccord avec « le stéréotype du militants », ont-ils ressenti. Comme en plus ils ont décidé, chacun dans leur section, d’imposer la thématique des quartiers, de l’immigration, de l’islam, des cités et autres thèmes que le PS et le PRG ont, selon eux, du mal à aborder… ils ont du « se battre à l’intérieur même du parti ». Ca tombe bien, ils ont l’air d’aimer ça.

 

Pour réconcilier la banlieue et la politique, « on doit à la fois faire changer les mentalités à l’intérieur des partis et dans les quartiers », résume Halim. Porte-à-porte, réunions dans les appartements, micro-événements politiques, pour attirer l’attention et entendre la voix des « oubliés » ; réunions, débat, votations, pour la relayer dans les arcanes des parti. Le militantisme, pour eux, c’est beaucoup de satisfactions… et des déceptions.

« J’en veut à mon parti », glisse Rachida. « S’il osait parler des sujets sensibles comme l’immigration, la religion, on ne serait pas là. » D’un regard, elle passe le relais à son « cousin de parti ». « C’est parce que les jeunes des quartiers, qui n’ont pas une vie facile, ne sont pas écoutés par les politiques qu’on les retrouve dans des caves, où il y a quelqu’un pour les écouter », ajoute Halim. Et pourtant, ils y croient. « Là, sur cette campagne, j’ai l’impression qu’il se passe quelque chose, comme un réveil politique des quartiers », affirment-ils en canon.

 

Bien sûr, parfois, à force de se battre des deux bords, « ça lâche », avoue Rachida. « Quand on dérange, on nous le fait savoir ». « Ca sert de leçon », philosophe Halim. Même, c’est le genre de défi que ces deux « enfants d’immigrés, intégrés, cultivés » aiment relever. « Ca serait trop facile de tout quitter au moindre obstacle. » D’autant que les résultats, ils les voient malgré tout. Sur le terrain. « A force de passer dans les quartiers, on voit que certains s’intéressent. On est repéré, certains nous interpellent. Même si c’est pour nous dire que ça ne sert à rien la politique, le débat est là », raconte les « cousins de partis ».

Autour d’un café, ils rêvent de partis débarrassés de leurs « appareils », d’une «  politique qui se fait par la parole, dans les bistrots, sur les marchés », où « les élus viendraient puiser leurs idées sur le terrain » plutôt que de donner l’impression qu’un homme politique est forcément « un énarque avec des solutions toutes faites ». D’ailleurs, c’est pour ça qu’ils militent.

Lire aussi les portraits de Sandrine Rey, militante UmpAdrien Gaumé, soutien d’Eva JolyFrancesca Di Pietro, militante LOFanny Siouville, militante Modem et Simon Gervais, militant Front de gauche.

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