Vous n’avez que deux dates en tête : le 25 juillet 2012 et le 14 juin 2013. De toute façon, vous vous êtes déjà rué dans la première salle obscure venue pour applaudir The Avengers.
Cet été, pas question pour vous de manquer le dernier épisode du Chevalier Noir (Dark Knight Rises) : de toute façon, vous avez été – comme tout le monde (enfin tous ceux qui vivent à Gotham City) – piégé par les trois bandes annonces vidéos d’une fabuleuse promo dite « virale » dont la dernière vient de sortir. Stoppez votre Batmobile, faites une bise à la Catwoman (huuuu !), on a vous a reconnu : vous êtes un fan de Batman (forever, of course).
http://www.youtube.com/watch?v=t_Ntulms3SYEt au printemps de l’an prochain, ce sera au tour de L’Homme d’acier (Man of steel) d’enflammer les grands écrans de Metropolis. Sixième long métrage de l’histoire cinématographique de l’AUTRE sauveur du monde, Superman aura le visage d’un acteur british, Henry Cavill. Et son dad’, Jonathan Kent, celui de Kevin Costner !
Et la BD dans tout çà ? Et cette bonne vieille Nouvelle République ?
Réponse en forme de question : le nom de Wayne Boring vous dit-il quelque chose ? Non ! C’est normal : cet artiste américain – en effet inconnu en Europe – a pourtant été pendant trente ans, celui qui a dessiné Superman. A la fois pour les comic’s books et pour la presse. Parce qu’il faut peut-être vous rafraîchir la mémoire : Superman, ce n’est pas seulement la belle gueule de Christopher Reeves sur grand écran (premier trailer de 1978 ci-dessous). C’est d’abord et avant tout une bande dessinée. Et un magazine vendu à dix-huit millions d’exemplaires en quarante ans, excusez du peu !
C’est là où l’oncle Erwann voulait en venir. Par la magie de Mondial Presse (relais en France de la diffusion internationale de McClure Newspapers Syndicate), les strips du héros crée par Siegel et Shuster, vont débouler aussi dans la NR. Et pendant huit ans, elle va succomber au charme musclé des aventures de Clark Kent, alias Kal-El, alias Superman. Eh, oui. Suivez le guide…
L’histoire
Superman (3.500 strips de 1973 au 11 décembre 1981)
On ne va pas ajouter ici une page de plus à la mythologie d’un des monstres sacrés de la bande dessinée. Il convient simplement de rappeler que Jerry Siegel (écrivain américain) et Joe Shuster (dessinateur canadien) tous deux potes de Cleveland, imaginent leur héros dès 1932 mais qu’en fait, sous sa forme actuelle, il ne verra le jour qu’en juin 1938 dans le magazine Action Comics appartenant à la maison d’édition DC Comics.
Le bougre a déjà toute la panoplie qui va faire sa réputation internationale. Une double personnalité : le journaleux timide (mais aux larges épaules et à l’accroche-cœur mignon tout plein sur le front) du Daily Planet, amoureux transi de la belle Loïs Lane ; et le défenseur de la veuve, de l’orphelin et de l’american way of life, sanglé dans son justaucorps collant bleu, culotte et cape rouge, et sur la poitrine bodybuildée ce « S » rouge sur un pentagone jaune, un « S » qui, malgré ses virtuelles et innombrables conquêtes, ne veut pas dire « sex » ! Un « uniforme » inspiré, dit-on, du costume de Robin des Bois interprété par Douglas Fairbanks en 1922.
Superman est donc l’archétype du super-héros, le premier d’une interminable série populaire depuis près de quatre-vingts ans.
Dans la Nouvelle République, Mondial Presse va faire publier à partir de 1973, de vieilles bandes probablement produites aux alentours de 1948 même si l’œil aiguisé d’Alain Beyrand a repéré de curieux assemblages : ainsi, précisait-il dans son travail sur L’histoire de la BD dans la NR, le strip numéroté (en bas à gauche) 2.861 correspondait-il à une publication aux USA de 1963 et le suivant (donc le n°2.862) était lui, tiré d’une série parue toujours aux States… en 1946 !
Mystère de spécialistes en bédéphilie appliquée que même les supers pouvoirs du héros n’ont pas suffit à résoudre.
Pendant huit ans, Superman va donc trouver sa place dans les pages de la NRCO, en noir et blanc, bien entendu (le journal n’est pas encore en quadrichromie), au rythme de deux strips à chaque fois (3.500 en tout !) du n° 1.270 au n° 6.926 du 11 décembre 1981. Dans le petit cartouche de McClure Newspapers Syndicate Features, on distingue d’ailleurs parfaitement la date : 1961. Vingt ans d’écart entre la publication dans les journaux américains et dans la presse française !
Ce qui, évidemment, ne provoque aucune gêne : malgré la menace permanente de la Kryptonique, Superman ne prend jamais la moindre ride et ses histoires de science-fiction non plus. La Nouvelle République interrompt pourtant brutalement sa carrière régionale avec cette simple mention : « Comme tous les héros de bande dessinée, Superman est immortel mais ses aventures s’arrêtent aujourd’hui dans la NR ». RIP !
L’auteur
Wayne Boring (1905-1987)
Rendons au duo Siegel-Shuster ce qui leur appartient. Ils sont bien les géniteurs du bellâtre à la cape rouge. Mais ils se sont vite entourés de professionnels de qualité pour dessiner leur héros. Dès 1938, Wayne Boring va entrer dans le studio des deux hommes et va donner son allure, son style, sa personnalité à Superman jusqu’en 1967.
Un critique américain qui le qualifie de « légende » assure qu’il va « jouer un rôle majeur dans la définition visuelle du super-héros à un moment où celui-ci atteignait le pic de sa popularité ».
Dans cette période de l’âge d’or du comic’s book US, Wayne Boring, assure un autre « aura rendu Superman plus puissant, plus imposant, tout en ajoutant une touche de fraîcheur réaliste et d’un grand sérieux dans le ton ».
Il y aura certes de très nombreux dessinateurs à se succéder pour prolonger l’immortalité du super-héros (Henri Filippini* en a recensé pas moins de… quarante six !!!), mais comme le nom de Carl Barks est associé à celui de Donald Duck, celui de Wayne Boring doit être lié à celui de Superman.
C’est donc le trait de cet artiste du Minnesota que les lecteurs de la Nouvelle République vont avoir sous les yeux pendant huit ans avec des scénarios parfois assez réjouissants comme cette histoire des « filles de Superman » qui rendent folle jalouse Lois Lane.
C’est vrai aussi que ce Superman version après-guerre, dont les personnages (notamment les pin-up) ne sont pas sans rappeler ceux de Milton Caniff ou de Will Eisner, va faire rapidement ringard.
Un fantastique coup d’édition le fera mourir et enterrer en novembre 1992 (avec distribution de brassards de deuils à quatre millions de lecteurs éplorés du n°75 de la nouvelle série de DC éditions) avant, évidemment, une renaissance quelques mois plus tard. Depuis, aucun super-méchant ne stoppe plus sa super-cape flottante, ni ses super-plaquettes de chocolat sanglées de bleu et jaune. La NR avait à la fois tort et raison en décembre 1981 : Superman est immortel mais ses aventures ne s’arrêtent pas là… Attendons donc sagement juin 2013 qu’il vienne, encore une fois, sauver le monde !
j’ai pas encore vu the avengers, mais j’y compte bien
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