Flux pour
Articles
Commentaires

DOMINIQUE AEn attendant les nouveautés de la rentrée littéraire, voici une petite perle, sortie au printemps.

Après « Y revenir », dont vous trouverez trace sur ce blog ici Dominique Ané, que les amateurs de musique connaissent depuis deux décennies sous le nom de Dominique A a repris la plume et le fil de ses souvenirs pour faire vivre « Regarder l’océan », toujours chez Stock.

Au fil des pages, il est question de souvenirs d’enfant et d’adolescent, de premières fois, de sensations et d’envies.

Il y a là les premiers concerts de new wave, les premières scènes, et les séances chez le professeur de chant, aussi. Sans publier l’eau, fil conducteur, comme d’ailleurs dans son nouveau album, « Eleor », sorti durant la même période.

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , ,

Dans la maison du père

Il vous manque encore une idée pour vous évader ? J’arrive avec dans mon sac de plage, deux propositions : un livre et un voyage. En juin, je me suis rendue en Haïti. Un voyage initiatique.

Poussée à découvrir ce pays après avoir lu « Danser les ombres » de Laurent Gaudé, dont vous trouverez mon post ici, je me suis plongée, une fois sur place, dans les mots de Yanick Lahens, auteure haïtienne contemporaine qui, cette année, a remporté le prix Femina pour son troisième livre et deuxième roman, « Bain de lune ». Elle vit à Port-au-Prince et est engagée notamment dans la lutte contre l’illettrisme.

Je suis entrée dans son univers avec « Dans la maison du père », qui est sorti récemment en format poche chez Sabine Wespieser editeur.

 

 

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , , , ,

Le meilleur moment pour lire pendant les vacances ? Pas de règle. Certains aiment l’après-midi à l’ombre dans le hamac. D’autres, en plein soleil sur la plage. Il y a encore ceux qui préfèrent se mettre au frais, derrière les épais murs d’une maison. Bref, c’est selon. Ce qui compte, c’est surtout le livre qu’on a entre les mains. Reste à bien le choisir. Après les propositions précédemment exposées sur ce blog, voici une autre idée. Enfin, la suite.

VERNON II  En effet, en janvier dernier, je vous expliquais ici tout le bien que je pensais du premier opus de la trilogie de Virginie Despentes, « Vernon Subutex 1″.

Le deuxième tome est sorti au mois de juin. Nous voilà à nouveau plongés la vie de Vernon Subutex. Une vie défaite, détricotée. Rappelez-vous. Dans le tome 1, il s’agissait de savoir qui était ce Vernon Subutex.

Virginie Despentes nous le présentait comme

 » Une légende urbaine.

Un ange déchu.

Un disparu qui ne cesse de ressurgir.

Le détenteur d’un secret.

Le dernier témoin d’un monde disparu.

L’ultime visage de notre comédie inhumaine.

Notre fantôme à tous. »

 

 

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

TODAY OKOn n’est pas bien là, tranquille dans le hamac ? Manque juste un livre, non ? Mais lequel ? Je vous ai proposé de partir en Espagne, puis en Russie et sur l’eau, dans la baie de Naples. Cette fois, le voyage se fera en intérieur. Et il n’est pas très rose.

Avec « Today », Rochelle Fack signe un troisième roman étonnant. Détonnant. Dès la première page, nous sommes prévenus : le voyage sera chaotique, cru, ténébreux, et terriblement douloureux.

L’histoire ? C’est celle de Nausicaa. Une ancienne mannequin, toxicomane, en situation de manque. Et le combat pour atteindre un fragile équilibre va être long, semé d’embûches. Heureusement, Today, artiste peintre, n’est jamais loin de la jeune femme. C’est lui qui l’accompagne. Qui l’empêche de s’enfoncer.

Un roman surprenant par sa forme, son écriture. L’auteure, jeune quadragénaire, explique qu’elle a voulu utiliser des lettres issues de sa propre correspondance et des cahiers qu’elle a écrits pendant quelque dix ans suite à la séparation de ses parents, alors qu’elle était jeune adulte. Une « matière » qu’elle a façonnée, qu’elle a cousu pendant longtemps pour en faire un roman.

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , , ,

On poursuit notre petite sélection des livres à emporter avec soi en vacances… ou au bureau (si le chef, lui, est en vacances). Le deuxième roman de Vincent Almendros, « Un Eté », paru à la rentrée de janvier aux Editions de Minuit semble tout indiqué pour notre exercice. A cause… de son titre. Déjà. De son histoire ensuite.

ETE Voilà un livre ramassé, il ne compte que 96 pages, où, diront les grincheux, il ne se passe pas grand-chose.

L’histoire ? C’est celle de Pierre, le narrateur, qui pour quelques jours rejoint, accompagné de sa compagne Lone, son frère Jean sur un vieux voilier, dans la baie de Naples. A son bord également, Jeanne, la femme de Jean avec laquelle Pierre a eu une histoire, il y a sept ans.

Evidemment, on se dit qu’il y a là tous les ingrédients pour que la balade nautique tourne à la tempête des sentiments.

Là, au coeur du mois d’août, c’est un huis-clos ( à ciel ouvert !) qui se joue. Mais la mer va se transformer en eaux troubles. Jusqu’à la chute. Qui donne une lecture nouvelle de toute l’histoire. A vous de la découvrir !

 

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , , , ,

PRILEPINELes valises sont prêtes ? A moins que vous ne soyez déjà en train de barboter… Pour certains, les vacances viennent de commencer. Pour d’autres, elles se préparent. Entre la crème scolaire, le maillot de bain et le tire-bouchon ( pour le rosé !) , il doit bien vous rester une petite place pour un livre, non ?

Poursuivons dans nos conseils de l’été. Après l’espagnole Milena Busquets, pourquoi ne pas filer bien plus à l’Est ? En suivant, par exemple, le russe Zakhar Prilepine.

Les lecteurs curieux habitués à parcourir mon blog savent que j’apprécie particulièrement cet auteur au parcours assez peu orthodoxe. Retrouvez ici mon post sur « Des chaussures pleines de vodka chaude »

et ici celui consacré à « Je viens de Russie ».

Bref, avec « Une fille nommée Aglaé », l’auteur et journaliste fait ce qu’il écrit de mieux, des nouvelles sur son pays à travers des thèmes qui lui sont chers : la figure du père, les rapports compliqués voire impossibles entre hommes et femmes, la confrontation des classes sociales, le temps qui passe…

Continuez à lire »

Marqueurs:, , , , , , , , , , , ,

BUSQUETS

Les vacances s’annoncent à grands pas. Chacun trouvera sa formule, sa destination et son moyen d’évasion. Il y en a un qui fonctionne à coup sûr : le livre. Avez-vous déjà pensé à ceux que vous emporterez sur la plage, dans le hamac, ou près de la rivière ?

Si ce n’est pas encore le cas, voici au moins un roman qui tombé à point nommé. Avec « Ca aussi, ça passera », Milena Busquets, auteure espagnole, signe un roman  ( le deuxième, traduit et publié dans une trentaine de pays, excusez du peu ! ) sensible et juste sur le deuil et la perte d’un être cher. A noter que ce choix marche aussi si vous ne partez pas en vacances cet été !

L’histoire ? C’est celle de Blanca. Une quadragénaire, mère de deux enfants, totalement anéantie par la mort de sa mère, plusieurs mois auparavant. Au fil des pages, elle lui adresse comme une longue lettre d’amour, silencieuse. Mais intense.

Elle quitte Barcelone pour rejoindre la maison de famille à Cadaquès. Ce sont les vacances. Blanca est partie avec ses deux fils, ses deux meilleures amies, ses deux ex-maris, son amant et la baby-sitter. Au fil des jours, des bains de mer et des rendez-vous clandestins, Blanca, femme libre et libérée, évoque cette mère brillante, exigeante. Et veut se noyer dans le sexe pour, croit-elle, ne pas sombrer.

Elle n’a pas toujours entretenu les meilleures relations avec sa mère désormais, enterrée dans le cimetière de Calcadès. Chapitre après chapitre, Blanca essaye de renouer les fils entre eux. Et mène aussi un inventaire. Celui des sentiments ambivalents. Le titre du roman tire d’ailleurs son nom d’une histoire racontée par la mère de la narratrice. Dans un pays lointain, le dirigeant avait demandé à ses fidèles de lui trouver une phrase pouvant servir en toute circonstance : « ça aussi, ça passera » était né.

Au final, une écriture fine et sensible. Drôle également. Qui parle du manque, de la perte. Pour ne pas tomber dans l’oubli. Une histoire qui semble inspirée par la propre vie de l’auteure.

Extraits

Pages 47 -48 :« Nous entreprenons le voyage à Cadaquès, qui ressemble toujours à une expédition. Assis à l’arrière, il y a les trois enfants, Edgar, Nico et Daniel, le fils de Sofia, à côté d’Ursula, la baby-sitter. Je conduis et Sofia joue le copilote. Je continue à trouver bizarre et un peu absurde que ce soit moi qui dirige tout ça, moi qui décide de l’heure du départ, tienne le volant, donne les instructions à Ursula, choisisse les affaires que vont emporter les enfants. D’un moment à l’autre, je vais être démasquée et envoyée avec eux sur la banquette arrière, me dis-je en les observant dans le rétroviseur que rient et se disputent tout à la fois. En tant qu’adulte, je suis une imposture, tous mes efforts pour quitter la cour de récréation sont des échecs retentissants, j’éprouve exactement ce que j’éprouvais à six ans, je remarque les mêmes choses, le petit chien monté sur ressorts dont la tête apparaît et disparaît à la fenêtre d’un rez-de-chaussée, le grand-père qui donne la main à son petit-fils, les beaux mecs avec le radar branché, l’éclat du rayon de soleil sur mes bracelets cliquetants, les personnes âgées et seules, les couples qui s’embrassent avec passion, les mendiants, les vieilles suicidaires et provocatrices qui traversent la rue à la vitesse d’une tortue, les arbres. Nous voyons tous des choses différentes, nous voyons tous les mêmes choses, et ce que nous voyons nous définit absolument. Nous aimons instinctivement ceux qui voient comme nous, et nous les reconnaissons tout de suite. »

Page 150 :« J’aime toujours les êtres que j’ai aimés un jour, je ne peux éviter de voir, par-delà toutes les désertions et la plupart des déloyautés, les miennes et celles d’autrui, la personne originelle et transparente, celle d’avant que tout se transforme en cendres. Avec une certaine héroïcité stupide, je ne renie aucune de mes amours, ni aucune de mes blessures. Ce serait comme me renier moi-même. Je sais qu’il n’en est pas de même pour tout le monde, la chape de la honte est épaisse et résistante, et beaucoup de gens arborent leurs haines et leurs ressentiments comme des décorations, des épées brandies, avec le même orgueil et la même ténacité que leurs inclinaisons. Il y a si longtemps que Guillem et moi nous nous sommes séparés ! Je l’aime, mais je l’ai libéré de mon amour. On peut se libérer tout seul, bien sûr, mais c’est toujours plus facile si l’autre a la générosité de vous donner un bon coup de pied, renoncer à l’amour de quelqu’un est difficile ; le pauvre Oscar, en revanche, traîne toujours mes chaînes – et moi les siennes – comme le fantôme de Canterville, bruyamment, péniblement. »

Page 163 :« Nous sommes, je crois, la dernière génération  qui a dû se battre de toutes ses forces pour attirer l’attention de ses parents, les intéresser. Souvent, nous y sommes parvenus lorsqu’il était déjà trop tard. Ils ne considéraient pas que les enfants étaient des petites merveilles, mais plutôt de petits emmerdeurs; des bestioles pénibles à moitié finies. Et nous sommes devenus une génération perdue de séducteurs innés. Nous avons dû inventer des méthodes beaucoup plus sophistiquées que tirer sur la manche ou nous mettre à chialer pour que l’on fasse attention à nous. On exigeait que nous soyons au même niveau que les adultes ou, du moins, que nous ne gênions pas et laissions parler les grands. »

Mon avis

Un roman léger, du moins en apparence. Car le deuxième roman de Milena Busquets est, au final, une petite merveille de justesse et d’intelligence. Le temps de quelques jours de vacances, nous partageons le quotidien et les réflexions de Blanca. Elle, si libre et légère, nous plonge dans les affres de ses questionnements, de ses peurs. Pour moi, une très jolie découverte.

« Ca aussi, ça passera », Milena Busquets, Gallimard, 17€.

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,

En face, une autre vie ?

Sélection prix Roblès 2015

EN FACE Changer de vie, ça vous dit ? Le héros ( enfin, c’est vite dit!) de Pierre Demarty a décidé, un jour, de franchir la porte de son appartement, de traverser la rue et de s’installer dans un appartement situé en face de celui qu’il occupait jusque-là avec femme et enfants. Telle est l’histoire de ce premier roman, également sélectionné pour le prix Roblès 2015 dont le lauréat sera connu ce vendredi 12 juin. J’ai donc achevé la lecture des six romans sélectionnés de cette édition par « En face ».

L’histoire ? C’est celle que je vous ai racontée à la première ligne. Et c’est tout ? A peu-près. Au fil des pages, Pierre Demarty, via le narrateur, copain de bistrot  rencontré aux Indociles heureux nous plonge dans la vie de Jean Nochez ( certains y ont reconnu l’anagramme de l’auteur Jean Echenoz). L’homme tient une boutique de philatélie. Il vit avec Solange, son épouse insignifiante, et leurs deux enfants. Et un jour, Jean décide de changer de vie, de décor, d’horizon. Mais à quelques mètres seulement de son autre vie.

Pierre Demarty, malheureusement très (trop) bavard nous emmène dans ce voyage immobile aux côtés de son anti-héros. On y parle de Paimpol, de l’Islande, de timbres et de piliers de bistrot. Mais aussi d’un amant, d’un drakkar et de disputes conjugales.

Extraits

Pages 36-37 : « Pendant longtemps, Nochez ne sait pas quoi, ni quoi penser. Ergo, non cogitat. C’est juste un homme seul et debout dans un appartement vide, et il faut se représenter cette chose considérable.

Quand il rentre chez lui toutefois, le début du perplexité qui l’a à son insu assailli, et dont il aurait senti, à condition de prêter tant soit peu d’attention à cette impression fugitive, la poigne moite le saisir par l’échine pour le pousser au bord du vertige, a tôt fait de se dissiper, annihilé d’un coup, comme d’un coup de semelle déchaussée on expédie une blatte ad patres ou d’un coup de fil un importun, par la reprise brutale du cours de la vie de Jean Nochez, avec son terrible cortège d’encombrements joyeux, les enfants qui piaulent, la télé qui gueule, ou le contraire, et Solange qui prépare : un gratin. »

Page 63 : « Ainsi commença pour Jean un long et dernier printemps – après quoi, il entrerait pour toujours dans l’hiver. Armés de la boussole et du compas troubles de nos beuveries, de loin en loin nous en observâmes le doux cataclysme, mesurant l’avancée de la fonte des masques. De même que la mer à chaque ressac charrie des coquillages toujours un peu plus ébréchés, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus à la fin des temps que du sable pâle, ainsi chacune des visites de Nochez nous mettait en présence d’un homme un peu plus décomposé. »

Page 163 : « Le problème, ce n’est pas tant d’avoir dû prématurément renoncer à son grand voyage en solitude, contraint à l’abandon par la force des choses plutôt que par celle de sa volonté propre. Non, ça renoncer, il a l’habitude ; c’est, chez lui, comme on dit, une seconde nature (quoique encore faudrait-il déterminer en quoi consiste la première) ; c’est l’oeuvre de toute une vie.

Ce n’est pas non plus d’avoir découvert une face de Solange jusqu’ici demeurée cachée mieux que celle de la lune. Ca, au fond, c’est presque une bonne surprise. On est content pour elle. C’est un peu dégoûtant, bien sûr, et un peu contrariant, eu égard à l’amour-propre, mais enfin, pour ce qu’il en reste, de ça, on s’en remettra. Et puis on la comprend, Solange, elle a toutes les circonstances atténuantes du monde : à sa place, moi aussi je m’aurais été infidèle. »

Mon avis

L’idée du roman était peut-être originale… elle est malheureusement noyée par les mots et les digressions du narrateur, donc de l’auteur qui donne l’impression de s’écouter écrire. Dommage. Ce n’est pas à ce roman que je donnerai ma voix ! Rendez-vous vendredi pour connaître le lauréat 2015 !

 « En face », Pierre Demarty, Flammarion, 17€

Marqueurs:, , , , , , , , , , ,

Sélection prix Roblès 2015

PROUST TERLe prix Emmanuel-Roblès est un prix littéraire décerné chaque année à l’auteur d’un premier roman francophone qui est récompensé par une bourse. Depuis 1990, il est remis chaque mois de juin, à Blois, dans le Loir-et-Cher. Six premiers romans constituent la sélection 2015, dont quatre ont déjà été présentés sur ce blog.

Poursuivons avec le cinquième, « Les enquêtes de Monsieur Proust », écrit par Pierre-Yves Leprince. L »auteur, peintre et scénographe, a découvert Marcel Proust en 1960. Il n’aura eu de cesse, dès lors, de vouloir faire partager sa passion des mots de ce dernier. Il produira ainsi plusieurs émissions de radio consacrées à l’auteur, pour le centenaire de sa naissance, en 1971.

Avec « Les enquêtes de Monsieur Proust », son premier roman, paru en 2014, il signe un roman policier, mais aussi un essai sur la création littéraire. Un véritable roman d’admiration, en tout cas.

Pierre-Yves Leprince a reçu le prix Jacques de Fouchier de L’Académie française pour ce livre.

 L »histoire ? C’est donc celle d’une rencontre. Nous sommes en 1986, Noël le narrateur presque centenaire, écrit un livre de souvenirs sur sa rencontre avec Marcel Proust, en 1906. L’écrivain de La Recherche du temps perdu, encore en gestation, se console de la mort de sa mère dans un hôtel à Versailles.  Il a trente-cinq ans.

Noël, lui, a dix-sept ans. Issu d’un milieu plus que modeste, il est coursier et travaille aussi pour une agence de détectives. L’écrivain ayant perdu son précieux carnet de notes, le jeune homme va le retrouver. S’ensuit une relation de sincère amitié entre les deux hommes, malgré leurs différences.

Par la suite, les deux hommes vont être confrontés, ensemble, à deux autres affaires, dont un crime. Au sein de l’hôtel des Réservoirs, les rumeurs vont bon train…

Extraits

Page 43 :« Tandis que j’observe mon professeur de maintien prendre une tranche de boeuf, apparue, cloche enlevée, dans le plat que lui tend le premier garçon, je me dis que, finalement, il est plus généreux que je ne pensais, m’invitant publiquement à sa table en m’enseignant les choses mine de rien avec bonté. J’entendrai, plus tard, dire beaucoup de mal de lui, du fameux snobisme qui aurait obsédé sa vie, de son égoïsme, de sa méchanceté. Je sais bien qu’une légende a toujours plus de force que la vérité mais, si la scène que je suis en train de décrire et d’autres que je vais raconter pouvaient contribuer à contredire cette légende, j’aurai eu raison de rédiger ces souvenirs. »

Page 83 : « Ces doutes inimaginables, une minute plus tôt, envers un homme que j’admirais, que j’aimais déjà comme un père spirituel (expression que je ne connaissais pas encore mais qui exprime exactement le sentiment que je ressentais), me firent mal. Il m’était insupportable de le comparer aux messieurs dont il m’avait conseillé de me méfier, ces messieurs que le Signor Minimo avait traités, la nuit dernière, tandis que je me réveillais dans le petit salon, de travestiti, voulant dire, sans doute, “invertis” plus que “travestis”. Devais-je soupçonner de ce vice, hautement reprouvé en public dnas son monde, d’autant mieux pratiqué en secret, je le savais, celui dont j’aurais tant voulu devenir l’ami ? Devais-je me soupçonner moi-même d’éprouver une affection suspecte ? Monsieur Proust me paraissait au-dessus des petitesses de la vie, je n’avais pas l’habitude de m’interroger sur moi, j’étais jeune, j’avais faim, mes pensées changèrent de direction. »

Page 197 : «  “Vérités illuminantes” était une expression trop au-dessus de mon âge et de mon niveau pour que je pusse la comprendre, elle me frappa pourtant, je la retins, déjà retenu moi-même à cet homme par des liens que je ne pouvais ni définir, ni rompre. Je n’étais pas son domestique, je ne serais sans doute jamais son ami tout à fait, je sentais que je lui serais fidèle quand même à jamais, quoi qu’il fît. En cet après-midi de 1906, si mon Monsieur Proust est bien Marcel Proust, je suis devenu, comme tant d’autres personne avant moi et après moi, esclave de sa parole illiminante, de ses yeux tristes et lumineux, de son sourire, de son esprit, de sa personne tout entière (je le suis toujours à la fin des années 80!). » 

Mon avis

 Une rencontre improbable entre un auteur précieux et colérique et un jeune homme qui a tout à découvrir, des enquêtes curieuses… Tous les élements d’un bon roman, me direz-vous. En ce qui me concerne, ce n’est pas le cas. Je n’ai pas aimé ce livre que j’ai trouvé bavard, redondant… et trop long. Peut-être que je n’ai pas l’heur d’apprécier à sa juste valeur la magie proustienne des mots. Tant pis pour moi ! L’auteur, c’est sûr, lui livre là un fabuleux hommage. Trop ?

« Les enquêtes de Monsieur Proust », Pierre-Yves Leprince, Gallimard.

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , , , , , ,

Ali babaOn part à nouveau en voyage ! Cette fois, c’est Catherine Mavrikakis qui nous guide dans les méandres des relations père-filles. Déjà présente sur ce blog pour « Les derniers jours de Smokey Nelson », Catherine Mavrikakis nous revient avec « La ballade d’Ali Baba », toujours chez Sabine Wespieser éditeur.

L’auteure est née à Chicago en 1961 d’une mère française et d’un père grec qui a grandi en Algérie. Son enfance se déroulera entre le Québec, les Etats-Unis et la France. Elle enseigne aujourd’hui à l’université de Montréal. Elle a écrit une pièce de théâtre et déjà six romans, dont trois publiés en France chez Sabine Wespieser.

L’histoire ? C’est celle d’un homme qui oublie, qui ment, qui charme… et qui s’en sort. Ou pas. Erina, la narratrice, est sa fille aînée de Vassili Papadopoulos. Elle a neuf ans. Ses soeurs, jumelles, ont six ans.

L’homme a quitté Rhodes en 1937 pour rejoindre l’Algérie. Il s’en ira ensuite aux Etats-Unis puis au Canada. Il se marie, divorce. Oublie de venir chercher ses filles ou les entraîne dans un road-movie le temps d’un week-end, du côté de Key West. Quand il n’emmène pas Erina comme porte-bonheur près des tables de jeu à Las Vegas. Elle a dix ans…

Parcours chaotique d’un homme qui n’aura de cesse d’épater la galerie et ce, même après sa mort. En effet, neuf mois après celle-ci, en 2013, durant l’hiver, il réapparait à sa fille, devenue spécialiste de la Shakespeare. Et continue à lui faire la leçon.

Au fil des pages, Erina se souvient, Erina raconte et tente de comprendre ce père dont elle n’aura jamais été dupe. Un hommage et le portrait d’un homme finalement attachant.

 Extraits

Pages 13-14 : « Mon père tenait enfin sa promesse. Il amenait ses gamines en voiture dans le Sud découvrir l’océan durant les vacances d’hiver. Et rien ne pouvait le faire changer d’avis. Ni les injures aigres de son ex-femme qui n’avait pas manqué de lui reprocher de vouloir exténuer les petites, ni la fatigue hébétée et réelle de ses enfants, ni encore son propre épuisement ne l’arrêtaient… Il avait fait le trajet de New York à Montréal pour venir nous chercher et il retournerait dans la grande cité américaine où il vivait depuis quelques mois déjà, dès qu’il nous aurait déposées, sans même prendre le temps de descendre de voiture, devant l’entrée de garage du bungalow de ma mère à Repentigny. »

Pages 48-49 : « Il n’était pas tout à fait exact que je ne fréquentais plus du tout mon père. Je le croisais souvent chez ma mère. Je lui parlais de la pluie et du beau temps. Mais nous n’avions plus la complicité qui avait été la nôtre durant mon enfance. Cette complicité qui faisait de moi sa fille préférée, son héritière, quoi qu’il puisse arriver. A partir de l’âge de onze ans, je n’eus pendant des années presque plus aucun signe de vie de mon père. Il m’accorda bien un entretien d’une heure à Toronto, alors que je participais à un colloque étudiant… Il était lui aussi à Toronto et avait appris, je ne sais comment, que je faisais une présentation sur Hamlet de Shakespeare. J’avais vingt-cinq ans. Depuis, je ne l’avais pas revu. Sa famille montréalaise ne savait pas ce qu’il devenait. Le vieux Papou, le père de mon père, était mort, et son fils aîné n’était apparemment même pas venu à l’enterrement. Pendant une trentaine d’années, mon père disparut presque totalement de ma vie. Il m’appela peut-être dix fois. Chaque fois, sa voix au téléphone, enjouée, retentissait dans l’écouteur. Nous échangions quelques paroles rapides. “Tu vas bien ? Et ta mère ? et tes soeurs ? ” Rien de plus… Et puis, sans prévenir, il était “revenu” ».

Page 81 : « Alors que l’ascenseur me propulsait vers le vingt-neuvième étage de l’immeuble et qu’il me semblait que les vents du nord continuaient à gémir dans la cage étroite, mon père, tout mouillé par la neige, secouait ses cheveux trempés et tentait, coquet, de se recoiffer. Il faisait des mimiques grotesques à son reflet, que la glace de la petite cabine où nous nous trouvions lui permettait de contempler. La tempête avait été mauvaise. Elle le faisait encore grelotter et son pardessus gris ressemblait à une vaste guenille imbibée d’eau. Mais Vassili n’avait rien perdu de son panache et de son désir de plaire. Même mort, il continuait à minauder. Il tenait à retrouver au plus vite son visage séducteur. Moi, je découvris mon air ahuri, presque irréel. Mon rimmel avait coulé sur mon visage tout boursouflé par le froid et la morve s’écoulait de la tumeur rouge que semblait être devenu mon nez congestionné. »

Mon avis

J’ai acheté ce roman du fait du nom de l’auteure, dont j’avais beaucoup aimé le précédent roman. Et croyez-le ou non, j’ai aussi beaucoup aimé celui-ci ! Voilà un très bel hommage de la narratrice à son père. Malgré les mensonges et les manquements. Au fil des pages et des événements de la biographie de Vassili, on suit l’histoire de la famille. Et on suit la quête d’Erina. Qui veut comprendre. Et pardonner. Un très joli roman.

« La ballade d’Ali Baba », Catherine Mavrikakis, Sabine Wespieser editeur, 18€.

Marqueurs:, , , , , , , , , , , , , ,

« Articles plus récents - Articles plus anciens »