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Le meilleur moment pour lire pendant les vacances ? Pas de règle. Certains aiment l’après-midi à l’ombre dans le hamac. D’autres, en plein soleil sur la plage. Il y a encore ceux qui préfèrent se mettre au frais, derrière les épais murs d’une maison. Bref, c’est selon. Ce qui compte, c’est surtout le livre qu’on a entre les mains. Reste à bien le choisir. Après les propositions précédemment exposées sur ce blog, voici une autre idée. Enfin, la suite.

VERNON II  En effet, en janvier dernier, je vous expliquais ici tout le bien que je pensais du premier opus de la trilogie de Virginie Despentes, « Vernon Subutex 1″.

Le deuxième tome est sorti au mois de juin. Nous voilà à nouveau plongés la vie de Vernon Subutex. Une vie défaite, détricotée. Rappelez-vous. Dans le tome 1, il s’agissait de savoir qui était ce Vernon Subutex.

Virginie Despentes nous le présentait comme

 » Une légende urbaine.

Un ange déchu.

Un disparu qui ne cesse de ressurgir.

Le détenteur d’un secret.

Le dernier témoin d’un monde disparu.

L’ultime visage de notre comédie inhumaine.

Notre fantôme à tous. »

 

 

Vernon Subutex, l’ancien disquaire devenu SDF a désormais des contacts une grande partie de ses anciens amis. Ils se retrouvent. Tous les personnages du premier opus sont là. Ils cherchent des réponses à leurs échecs, à leurs erreurs. Echafaudent des scenarii qui expliqueraient morts et disparitions… Celle d’Alex Bleach dont les fameuses cassettes sont retrouvées et exploitées.

Des « attentats » sont fomentés tandis que Vernon Subutex se transformerait presque en gourou…

Entre le parc des Buttes-Chaumont, des appartements bourgeois et la rue, une géographie se dessine. Une cartographie de nos maux aussi. Ce nouvel opus s’avère plus politique, plus noir aussi. Plus intransigeant avec notre époque.

Des petites misères aux grandes tragédies, c’est notre société malade du XXIe siècle qui se laisse découvrir. Pas franchement rassurante. Mais ancrée dans la réalité, pour peu qu’on lève enfin les yeux sur les hommes et les femmes qui la constituent. Constat implacable d’une génération de quinquagénaires désabusés.

Extraits

Pages 23-24 :« Il existe une différence de taille entre sa génération et celle de Laurent. La sienne n’adulait par les bourgeois. Quoi qu’ils en disent, les prolos d’aujourd’hui voudraient tous être nés du bon côté du manche. A Lessines, où il a grandi, les sirènes des carrières rythmaient le temps. On méprisait les bourgeois du haut de la ville. On ne buvait pas avec le patron. C’était la loi. Dans les bistrots, ça ne parlait que de politique, la haine de classe nourrissait une véritable aristocratie prolétaire. On savait mépriser le chef. Tout cela a disparu, en même temps que l’amour du travail bien fait. Il n’y a plus de conscience ouvrière. Tout ce qui les intéresse, les gars, c’est ressembler au chef. Un mec comme Laurent, si on lui laissait carte blanche, ce qu’il désire n’est pas de forcer les nantis à partager mais d’entrer dans leurs clubs. Uniformité des désirs : tous des beaufs. Ca fera de la bonne chair à canon, ça. »

Pages 121-122 :« Vernon a un mouvement de recul. Il est abasourdi. Comment est-il possible qu’il ait perdu aussi vite l’habitude des murs et des portes ? Puis il se voit dans le miroir et il demeure stupéfait : qui est cet étranger ? Le plus étonnant, c’est qu’il le trouve beau. Il a perçu son reflet avant de se reconnaître, et il a eu le temps de se dire – ce pauvre mec a un regard sublime. La Hyène pousse la porte du pied. Elle lui parle calmement : “Tu te sens bien ? Tu es plus blanc que l’évier. Tu n’as pas envie de prendre une douche ? Franchement, tu sens le cadavre. Les autres ne vont pas oser te le dire, mais c’est une infection. Ca t’ennuie de te laver ? Tu trouves que je suis trop hygiéniste ? ” Vernon sent poindre une certaine panique : non seulement il ne parvient pas à lui répondre, rien ne vient, il l’entend, mais aucun mot ne franchit ses lèvres, il est vide, il est incapable de faire un geste, ne serait-ce que pour la rassurer et qu’elle le laisse un peu tranquille. Cette fois-ci, c’est sans doute définitif : il est devenu complètement fou, comme un zombie qui tiendrait debout et paraîtrait fonctionner, sa parole est coincée, et sa concentration détraquée. « 

Pages 231-232 :« Antoine n’a jamais pactisé avec son milieu. Se sentant médiocre parmi ses semblables, il a cherché dès l’adolescence la compagnie des vrais inadaptés – les lascars des quartiers. Peut-être espérait-il, au contact des plus démunis, être enfin débarrassé de ses complexes. Il sait qu’en général ça marche comme ça : les mecs comme lui se rapprochent de gens dont ils pensent qu’ils sont intrinsèquement inférieurs parce qu’ils préfèrent briller chez les paumés qu’assumer leur sentiment d’infériorité parmi les leurs. Il n’a pas l’impression d’être comme ça. Mais on ne sait jamais. Il se sentait sincèrement séduit par l’intelligence des types de banlieue, la rapidité de leurs réactions, l’assurance de leurs intuitions, leur connaissance directe de la vie, et par-dessus tout cet humour incendiaire qui cassait la misère en deux et la transformait en attitude seigneuriale. Il aimait leur langue, leur façon d’entrer par effraction dans tous les domaines, de s’approprier tout ce qui ne leur était pas donné. C’était une autre époque, déjà. »

Mon avis

Les personnages de cette Comédie humaine contemporaine sont attachants. Malgré leur désespoir, leur incapacité à se fondre dans le moule. Alors on les suit cette fois encore. Virginie Despentes balance, tape et passe le tout à l’acide. Assez jouissif. Vivement le troisième et dernier tome ! Qu’on voie s’il nous reste quand même un peu d’espoir…

« Vernon Subutex, 2″, Virginie Despentes, Grasset, 19,90€.

 

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