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DOMINIQUE AEn attendant les nouveautés de la rentrée littéraire, voici une petite perle, sortie au printemps.

Après « Y revenir », dont vous trouverez trace sur ce blog ici Dominique Ané, que les amateurs de musique connaissent depuis deux décennies sous le nom de Dominique A a repris la plume et le fil de ses souvenirs pour faire vivre « Regarder l’océan », toujours chez Stock.

Au fil des pages, il est question de souvenirs d’enfant et d’adolescent, de premières fois, de sensations et d’envies.

Il y a là les premiers concerts de new wave, les premières scènes, et les séances chez le professeur de chant, aussi. Sans publier l’eau, fil conducteur, comme d’ailleurs dans son nouveau album, « Eleor », sorti durant la même période.

 

Des bouts d’histoires qui se nourrissent l’une l’autre. L’homme, devenu adulte, semble porter un regard bienveillant sur celui qu’il a été. Les deux Dominique se sont réconciliés.

« Eleor », nouvel album de Dominique A

Extraits

Page 21 : « Je leur dis que dans la presque ville il n’y a de tours qu’en périphérie, que les églises y sont plus vieilles que celles de leurs bourgs. Que le vent bruineux de décembre confine aussi chez soi, que les distractions y sont rares et les rues éteintes à 20 heures. Que je ne sais pas ce que je ferai plus tard, qu’aucune route n’est tracée pour moi. Rien ne les convainc. A moi plaisirs et chemins dégagés, à eux ornières et courbatures. Comme leurs pères, ils pensent déjà que mon bonheur se fera sur le dos du leur, en vertu de lois mystérieuses, qui les desservent. »

Page 34 : « Dans ses lettres, elle me rapporte des événements qui l’ont blessée, dont personne n’a rien su. J’en suis surpris, mais pas touché  ; mes réponses se veulent réconfortantes, mais sont comme destinées à une inconnue. Je ne sais pas quoi faire de sa douleur. Elle m’envoie une photo, elle est enceinte et sera fille mère : je la trouve laide et ne réponds pas. Je reçois d’elle une dernière lettre où elle me supplie de ne pas la laisser tomber. Ca s’arrête là.

Des années plus tard, je reviens au hameau. J’y interroge les lieux, traque les souvenirs. Un soir d’ivresse, je remonte en haut du hangar. Dans l’obscurité, je redoute de tomber, conscient de mon état mais obstiné, comme on l’est avec l’alcool. Je m’allonge sur une botte de foin et cherche dans l’air nocturne des traces de ce soir où nous avons presque fait l’amour, et de tous les moments où nous n’avons rien fait. »

Page 63 : « Je traîne parfois en ville dans l’espoir de rencontrer quelqu’un. On dirait qu’il resté que ceux auxquels je n’ai rien à dire. Il m’arrive de discuter au comptoir avec l’un d’eux. Un verre après l’autre, nous avons l’impression de nous découvrir. Quelques jours plus tard, nous échangeons un signe de tête, et c’est tout. Comme si nous avions décidé de ne pas nous reconnaître, malgré la fois d’avant, malgré l’alcool.

La mer est proche. Sur la plage, je lis, et j’écris, des textes que je rêve de voir publier. Ici, agir semble possible, la ville n’est pas là pour me freiner, me contraindre à son rythme, ou me distraire. Aucune bâtiment, aucun angle ne fait obstacle au déroulé des pensées. »

Dominique Ané, talentueux parolier, sait travailler la langue, et donner chair aux mots. En filigrane, une petite musique, celle du temps qui passe. Et qui rappelle qu’il n’est pas interdit de rêver. Ni de regarder l’océan.

« Regarder l’océan », Dominique Ané, Stock, 12,50€.

 

 

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