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VERNONLes enfants du rock ont le blues. Et du mal à joindre les deux bouts. Vernon Subutex, qui des décennies durant a été disquaire à Paris a dû baisser le rideau. Définitivement.

Une fois ses réserves financières épuisées, il n’a pas d’autre alternative que de quitter son logement. Le début de la galère. Le début de la trilogie de Virginie Despentes, dont le premier opus « Vernon Subutex 1″, vient de sortir. Le tome 2 sortira en mars, le 3 à la rentrée.

Virginie Despentes n’avait plus publié de roman depuis « Apocalypse bébé », en 2010. Soit avant la création de ce blog. Des années pourtant que je suis cette auteure et réalisatrice atypique, rock and roll jusque dans ses virgules.

On citera entre autres : « Baise-moi », « Les jolies choses », « Teen spirit », « Bye bye Blondie »

Avec « Vernon Subutex 1″, elle nous raconte la France d’aujourd’hui. A travers les rues de Paris dans lesquelles Vernon Subutex cherche un endroit où pouvoir dormir plusieurs nuits, c’est à travers la société qu’elle nous promène.

 

 

Une formidable galerie de portraits habite son roman, tant par les milieux dans lesquels ils évoluent que les opinions politiques qu’ils véhiculent. Tableau, au vitriol, d’une France qui va mal à travers les yeux d’un quinqua désabusé. Dans le numéro des Inrocks du 7 au 13 janvier, l’auteure âgée de 45 ans explique à propos de sa génération :  » On a manqué d’ambition, ou de croyance en nous-mêmes. Nous avons été un feu de paille ».

 

Virginie Despentes (photo Babelio)

Virginie Despentes (photo Babelio)

 

Virginie Despentes nous parle de désillusions, de dépressions, de course au fric et de misère, d’overdose et de films porno… Une histoire d’une descente aux enfers qui s’accompagne d’une autre histoire, presque policière. L’un des vieux amis de Vernon, – membre du même groupe de rock – Alex Bleach a fait fortune dans la variété. Avant de mourir d’une overdose, il enregistre, devant Vernon qui ne l’écoute pas, ses pensées, ses délires. Tandis que Vernon Subutex chercher un toit pour la nuit, d’autres, à ses trousses, veulent mettre la main sur les bandes.

 Extraits

Pages 73-74 :« La perspective de retrouver Vernon le réjouit. Vernon est fou de musique. Des mecs comme Xavier lui doivent beaucoup, il leur a fait découvrir tellement de choses.  Et il fait partie de ces rares personnes qu’on quitte de meilleure humeur que quand on les a rencontrées. Ils ont en commun une série de souvenirs précieux, dont ils deviennent progressivement les derniers détenteurs. Des fêtes, des concerts, des festivals, des galères aussi. Toute cette époque où on se prenait moins la tête : les problèmes se réglaient tous à base de claques. Vernon a fait partie de cette vie-là, il est garant de ce que Xavier, dans sa jeunesse, n’était pas un gars compliqué : le premier qui s’avisait de le regarder de travers perdait deux dents. Ensuite, une bière au comptoir suffisait à remettre les compteurs à zéro, et tout le monde était satisfait. C’était une autre époque, c’était un autre milieu. Tout cela est derrière lui. »

Page 221 : « […] Finir sa semaine de boulot et faire son ménage et ses courses. Regarder les prix des choses pour savoir si on peut se les payer. Kiko ne le ferait pas, il braquerait des banques il se tirerait une balle il trouverait une solution. Il le ne supporterait pas. S’ils le font c’est qu’ils le méritent. Des mecs comme lui ne tiendraient pas le coup. Qu’est-ce que les riches ont de plus que les pauvres ? Ils ne se contentent pas ce qu’on leur laisse. Les mecs comme lui ne se comportent jamais en esclaves. Il est debout, quoi qu’il arrive – plutôt crever que s’agenouiller. »

Page 393 : « Le jour s’est levé sans qu’il se souvienne s’être endormi. Il a pourtant rêvé que Robert Johnson s’était assis sur le banc d’en face, il avait joué de l’harmonica. Vernon ne reconnait pas la rue où il s’est écroulé, quand il cherche à s’asseoir son corps n’obéit pas correctement, il s’affale sur le dos et tourne doucement la tête. La pluie a cédé à un froid lame de rasoir mais il a dû choper la fièvre, sous la morsure du froid sa peau le brûle littéralement. Une pensée lucide le taraude : depuis combien de temps n’a-t-il rien mangé ? Si seulement il pouvait s’éteindre, comme ça, dans l’heure – il imagine la flamme d’une bougie qui vacille puis faiblit et la mèche noire, une rien de rouge et puis plus rien. Mais on ne meurt pas de désespoir, en tout cas pas si facilement. »

Mon avis

 Virginie Despentes est de retour ! Enfin ! Si son propos est moins cru, moins « border-line » que par le passé, son regard sur notre société qui va (ou pas) est toujours aussi aiguisé. Percutant. Elle nous parle d’elle, de ses anciennes vies et de nous aussi. Un roman qui nous mène de personnages en situations, sans perdre de vue Vernon Subutex, son fil rouge.

Le ton et le style de l’auteure font mouche. Elle triture les mots, leur donne du rythme. Et une énergie folle. Vivement le tome suivant !

« Vernon Subutex 1″, de Virginie Despentes, Grasset, 19,90€.

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