2 mai 2012
Chloé Bossard

Le débat d’entre-deux-tours, une tradition venue d’outre-Atlantique

Le désormais traditionnel débat d’entre-deux tours est devenu au fil du temps un passage obligé pour les deux finalistes, et un moment qui rassemble des millions d’électeurs devant leur poste de télévision. En somme, un moment presque institutionnalisé de la République.

Septembre 1960Richard Nixon et John Fitzgerald Kennedy inaugurent le débat télévisé, lors de la présidentielle américaine. C’est la première fois que les électeurs ont l’opportunité de comparer en direct les programmes et idées qui leur sont proposées. Les règles sont alors strictes et courtoises. Les deux candidats prennent en effet la parole tour à tour, sans jamais s’interrompre : chacun se lève rejoindre une tribune avant de s’exprimer. Ce soir là, le président sortant, blessé au genou, fait pâle figure face au jeune et fringuant Kennedy. De l’avis des spécialistes, ce débat s’avère décisif.

 

Mai 1974 , 25 millions de téléspectateurs.  Il a fallu attendre quatorze ans pour que la pratique du débat télévisé s’importe en France. Le 10 mai 1974, Valéry Giscard d’Estaing affronte François Mitterrand dans une émission arbitrée par les journaliste Alain Duhamel et Jacqueline Baudrier. Mais les animateurs se contentent de faire respecter le temps de parole, et laissent les interlocuteurs parler à leur guise. De ce débat, une phrase dévastatrice du ministre des Finances d’alors est restée dans les mémoires : « Vous n’avez pas le monopole du coeur », lançait-il à son adversaire socialiste. Il l’accuse ensuite d’être « un homme du passé ». Valéry Giscard d’Estaing ne pouvait alors pas imaginer qu’il serait battu par François Mitterrand sept ans plus tard.

 

Mai 1981 , 30 millions de téléspectateurs. On prend les mêmes, et on recommence. Mais cette fois, François Mitterrand pose ses conditions. Il envoie ses deux émissaires, Robert Badinter et Serge Moati, proposer un cahier des charges exigeant au camp giscardien, qui accepte les 21 règles. Et en premier lieu, le réalisateur doit filmer à tout instant le candidat qui a la parole. « Vous avez tendance à reprendre le refrain d’il y a sept ans : l’homme du passé. C’est quand même ennuyeux que, dans l’intervalle, vous soyez devenu, vous, l’homme du passif« , assène François Mitterrand, en référence à l’élection précédente. Cette fois ci, il s’en sort à merveille, et sera élu président quelques jours plus tard.

 

Avril 1988, 30 millions de téléspectateurs. « Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre, et vous n’êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité […], vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand » « Mais vous avez tout à fait raison M. le Premier ministre ». Ce dialogue assassin entre François Mitterrand et Jacques Chirac est resté gravé dans les mémoires. La tension palpable sur le plateau reflète la première cohabitation, et les relations exécrables entre les deux protagonistes. Le président sortant prend avantage psychologique sur le candidat du RPR, et sera mandaté pour un second septennat.

 

Mai 1995, 16,78 millions de téléspectateurs. Peu de petites phrases et de passes d’armes. Le débat entre Lionel Jospin et Jacques Chirac reste sage et poli. Les deux protagonistes sont pressés de débattre sans forcément l’emporter par K.O. On note simplement une remarque du socialiste sur la question du passage au quinquenat : « Il vaut mieux cinq ans avec Jospin que sept ans avec Jacques Chirac. Ce serait bien long », lance-t-il. Toute l’émission tourne autour de questions institutionnelles et économiques, sur lesquelles les candidats confrontent leurs visions. Le 7 mai, Jacques Chirac est élu président avec 52,64% des voix.

 

L’élection du 21 avril 2002 ne donnera lieu à aucun débat, Jacques Chirac ayant refusé d’affronter en direct le leader du Front national Jean-Marie Le Pen.

Mai 2007, 20,46 millions de téléspectateurs. Avec l’arrivée de la TNT, le débat entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal est retransmis pour la première fois sur plusieurs chaînes de télévision en continue et stations de radios. Particulièrement vif en raison de la jeunesse et de la nouveauté des candidats, le débat est marqué par « la colère saine » de la candidate socialiste, qui répète « non je ne me calmerai pas », en réponse à son adversaire UMP. Nicolas Sarkozy affirme en effet à plusieurs reprises qu’ « il faut être calme pour être président de la République »… il l’a d’ailleurs bien montré en devenant l’hyperprésident que la France a connu en 2007 et 2008.

 

Grande première, Ségolène Royal a également débattu avec le troisième homme de la présidentielle François Bayrou, mais l’émission diffusée sur Canal+ et BFMTV le 28 avril ressemblait plus à une confrontation d’idées qu’à un débat en bonne et due forme.

Mai 2012. Ce soir, François Hollande et Nicolas Sarkozy s’affronteront face à Laurence Ferrari et David Pujadas. Un seul débat, comme le veut la tradition. Comme l’a voulu le candidat socialiste, au grand dam du président sortant, mal en point dans les sondages.

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