23 avr 2012
Chloé Bossard

En 1999, un premier débat Sarkozy-Hollande sur l’Europe

Nicolas Sarkozy réclame trois débats d’entre-deux-tours, François Hollande répond non. On en parle dans les médias, on crie à l’opportunisme ou à la lâcheté. Mais qui se souvient que ces deux là se sont déjà affrontés lors d’un débat télévisé ? C’était sur TF1, en mai 1999, lors de la campagne pour les élections européennes. Les deux têtes de liste RPR et PS étaient invités à répondre aux questions de Michel Field, présentateur de l’émission Public.

Une fois passé le générique aux lettres dorées ultra-kitch, on arrive sur un plateau tout simple. Une table rouge, un fond noir, trois sièges. La présentation des candidats laisse place à la publicité au bout d’une minute : nostalgie à la vue des Imac de toutes les couleurs, et de la Lancia Upsilon première génération. Treize années ont passé depuis, un monde. Mais les idées, elles, sont restées les mêmes. Les éléments de langage aussi.

Nicolas Sarkozy ouvre l’émission. Sa coiffure est la même qu’en 2012. Il a juste quelques rides et cheveux blancs en moins. « Cette élection a été présentée comme un affrontement entre deux hommes. Ca n’est pas du tout ça. C’est un affrontement entre deux projets politiques« , commence-t-il. Retour au présent : depuis dimanche soir, il répète au contraire qu’il s’agit d’une bataille « à un contre un ». Passons.

« M. Hollande est pour l’Europe socialiste, je suis pour l’Europe de la liberté et de la modernité », poursuit-t-il, « Je suis pour l’Europe des nations« . Cette expression rappelle ses discours récents : « Les pays qui résistent sont ceux qui défendent la Nation », a-t-il encore déclaré aujourd’hui à Saint-Cyr-sur-Loire. « Les socialistes veulent exporter en Europe tout ce qui de mon point de vue ne marche pas en France : les 35 heures, les dépenses publiques, les emplois publics », attaque-t-il, dans un discours toujours d’actualité aujourd’hui. Et de prendre comme exemple le voisin germanique : « regardez l’Allemagne : il n’y a pas de chômage des jeunes en Allemagne ».

Au tour de François Hollande. Avec ses grosses lunettes rondes sur le nez et ses joues rondes elles-aussi, on constate quelques progrès physiques opérés depuis. « L’Europe elle ne doit pas être simplement pour l’économie, pour le marché », déclare-t-il d’emblée, « l’Europe elle est là pour les femmes et les hommes qui y vivent ». Treize ans après, l’argument est le même. Le socialiste emploie par la suite un mot qu’il aime beaucoup : l’utilité. Il assure vouloir mener une « campagne utile ». Ses priorités sont l’emploi et la construction d’une Europe sociale… la lutte contre le chômage n’est-elle pas le principal thème de campagne en 2012 aussi ? « Nous les socialistes européens, nous sommes en mesure de tourner une page de la construction européenne », déclare enfin celui qui aujourd’hui se définit comme le « candidat du changement ».

Mais à la différence de la campagne actuelle, le débat de 1999 reste très cordial. Lors de la deuxième question, François Hollande vole même la parole à Nicolas Sarkozy, sans aucune protestation. Une situation impensable aujourd’hui.

« Voilà qu’il en a de l’ambition François Hollande ! », lance tout de même le leader de la liste RPR au bout de quelques minutes. Il ne croit pas si bien dire. Déjà, Nicolas Sarkozy propose un « travailler plus pour gagner plus » maquillé : « l’avenir ça n’est pas de travailler moins, c’est au contraire de gagner davantage pour assurer la promotion sociale de sa famille », avance-t-il. Bien sûr, c’était avant la crise économique. Sa politique pour rétablir l’emploi : « il faut diminuer les dépenses publiques et diminuer les impôts ». A croire que ces deux là préparaient leur programme présidentiel depuis une quinzaine d’années.

La gauche avait finalement remporté haut la main les élections européennes : la liste Construisons notre Europe de François Hollande avait recueilli 21,95% des suffrages, contre 12,82% à la liste Union pour l’Europe de Nicolas Sarkozy et Alain Madelin. Encore une prémonition ?

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