19 avr 2012
Presidentielle 2012

L’immigration coûte-t-elle cher à la France ?

C’est un élement fort de certains programmes et notamment de celui de Marine Le Pen qui souhaite réduire drastiquement l’immigration afin d’en dégager près de 40 milliards de recettes nouvelles en 5 ans. Le Président sortant a également déclaré qu’il entendait réduire de moitié la part de l’immigration légale en France. Deux élements qui posent la question de ce que coûte l’immigration à la France.

En 2005, deux chercheurs, Xavier Chojnicki et Lionel Ragot étaient arrivés à la conclusion inverse. L’immigration ne coûte rien à la France et en 2005, elle avait même rapporté près de 4 milliards d’euros. Sept ans plus tard, alors qu’ils voulaient que ce rapport commandé par le ministère des affaires sociales ne reste pas dans les oubliettes, ils ont écrit plusieurs papiers pour le site Telos ou le Cepii ou encore collaboré à une nouvelle série de livres édités par les éditions Eyrolles et Les Echos intitulés « On entend dire que ».

 

 » Nous ne sommes pas des habitués des médias et des créneaux habituels de diffusion de l’information, explique Xavier Chojnicki. Lorsque nous avons remis ce rapport, […] nous nous sommes dits que c’était un peu dommage qu’il reste dans les archives du ministère parce qu’on imaginait, justement, qu’il pouvait alimenter un peu le débat politique et donner un certain nombre d’arguments et de contre arguments à des personnalités politiques et notamment d’extrême droite qui avancent parfois des chiffres sans que ceux-ci paraissent fondés. »

Il précise :  » Un de vos collègues journaliste m’avait envoyé le détail du chiffrage du projet de Marine Le Pen et effectivement, on voit à quel point c’est partisan car certaines formes de dépenses liées à l’immigration sont effectivement intégrées lorsque d’autres formes de recettes n’apparaissent volontairement pas dans le bilan. Je ne sais pas trop comment me placer par rapport à ça, je n’ai pas envie de me placer comme opposant de ce bilan et ce qui peut être proposé par Marine Le Pen, pour autant, notre étude apporte des éléments qui permettent de nuancer ces propos. »

Dans cette étude, reprise dans le livre de la série « On entend dire que… » la conclusion peut se résumer à  » ce qui ressort de ça et des études menées à l’étranger, pour différents pays  » est que « globalement, l’impact est de l’immigration est relativement neutre qu’il soit positif ou négatif. Dans notre étude, pour 2005, nous obtenions un impact (positif) de l’ordre de 4 milliards d’euros. Si on rapporte ça au PIB qui est d’environ 2.000 milliards d’euros, ça représente une goutte d’eau, ça reste toujours proche de zéro. »

10,6 % d’immigrés en France

Le livre rappelle, selon les études de l’Insee que la France comptait en 2008  » 5,2 millions d’immigrés  » dont  » 1,6 millions avaient acquis la nationalité française ». En 2010,  » la part des immigrés serait de 10,6 %  » de la population. Moins que pour des pays comme l’Australie (21,9 %), le Canada (21,3 %), l’Espagne (14,1 %), les Etats-Unis (13,5 %) ou l’Allemagne (13,1 %). Enfin, il rappelle que  » ce sont environ 200.000 ressortissants étrangers qui s’établissent chaque année en France depuis 2002.  »

Une façon pour Xavier Chojnici de mettre en rapport les effets de grandeurs.  » L’un des intérêts des résultats est de montrer, qu’en dépit de ce qui est souvent annoncé, comme un surcoût de l’immigration, de risques de dépenses publiques et de risques sociaux… cela ne représente qu’une fraction marginale des dépenses publiques. Dire que l’immigration pèse fortement sur les dépenses de chômage, sur les dépenses d’assistance sociale, de famille » serait à comparer avec ce qui est « redistribué chaque année en France. Ça représente une fraction très très faible. Les dépenses de protection sociale concernent pour 75 ou 80 % d’entres elles, des dépenses de retraite ou de santé, c’est-à-dire des risques où l’immigration est largement sous représentée. Essentiellement parce que cette immigration est plus jeune, elle n’a pas atteint l’âge de la retraite, elle se situe dans les âges où on est a priori en bonne santé… c’était une intuition qui nous semblait relativement simple et qu’on a cherché à confirmer dans ce rapport, au travers de méthodologies aussi strictes que possibles.  »

Les chercheurs précisent également qu’il y a des données, à ne pas oublier.  » Les migrants sont soumis à un taux de chômage plus élevé que les autochtones, pour autant pour la grande majorité d’entre eux travaillent, ils paient des impôts, des charges sociales, ils consomment et paient de la TVA. Ce sont des choses dont j’avais un peu l’impression qu’on oubliait parfois. » Leur taux d’activité moyen  » n’est que très légèrement inférieur à celui des autochtones » lit-on dans le livre 67,8 % contre 70,5 %.  Il en conclue aussi un effet  » peu évident  » de l’immigration sur le chômage.

Tenir compte des dynamiques

« Le plus intéressant, ajoute-t-il, est de regarder sur le cycle de vie des individus. Car les migrants vont aussi vieillir, et ils vont au fur et à mesure du temps en France s’intégrer, percevoir des salaires plus élevés et à terme au bout de 30 ou 40 ans ces migrants partiront à la retraite ou rentreront au pays. Il est donc intéressant de tenir compte de ces dynamiques c’est pour ça que dans notre rapport nous avons mené une étude sur le moyen et le long terme, à l’horizon 2050 voire 2100.  » Sans compter que les parcours souvent chaotiques des migrants au cours de leur vie professionnelle fait que les pensions et leurs retraites sont moins élevées.

Le livre reprend ces tavaux en posant notamment la question de « l’illusion économique d’une politique de l’immigration », du « niveau optimal » d’immigration, de la protection sociale qui pourrait être sauvée (ou pas) par l’immigration. Xavier Chojnicki et Olivier Ragot se sont appuyés « uniquement sur les sources de données officielles : le recensement de la population, les enquêtes de l’Insee sur le budget des familles, soins santé, des données du ministère de l’Éducation nationale sur le coût de l’immigration… tout ça pour essayer de désagréger l’ensemble des dépenses et des recettes publiques qui tournent autour de ces sous populations. »

Et au final de leur étude fouillée, ils se posent encore la question d’un certain intérêt.  » Est-ce que ça a un intérêt de le faire ? Quand nous avions remis ce rapport c’est parce qu’il y avait un manque d’études sur le cas français, qu’on lisait tout et n’importe quoi, qu’il n’y avait pas beaucoup de littérature académique sur ce thème. Est-ce que ça a vraiment un sens de vouloir chiffrer le coût de l’immigration ? Je pense que non personnellement car on ne se pose pas la question du coût d’un chômeur, le coût d’une personne déficient physique ou mental. Aller si loin dans le chiffrage on en revient à remettre en cause notre système de redistribution. Cela pose un certain nombre de questions mais ça ne vaut pas la peine d’aller plus loin et de créer des sources statistiques qui mal exploitées pourraient amener à se poser un certain nombre de questions par rapport à ça.  »

Ce qui n’empêche, au final, les débats à l’intérieur de la société française et que le travail de Xavier Chojnicki est souvent opposé à celui de Jean-Paul Gourévitch qui estime, au contraire, à 30 milliards le coût de l’immigration sur les finances publiques françaises. Sans qu’il adopte exactement les mêmes modes de calculs que les deux chercheurs.

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