19 avr 2012
Chloé Bossard

L’engagement des candidats : l’insécurité (8/10)

Les tueries de Toulouse et Montauban ont, l’espace de quelques jours, remis le thème sécuritaire au coeur de la campagne. Sitôt le deuil achevé, les problématiques économiques ont vite repris le devant. Alors que la sécurité avait été centrale lors de la campagne de 2007 (souvenez-vous du « Kärcher » et des « bandes de racaille »), elle n’apparaît même pas au second plan cette fois-ci. L’insécurité figure pourtant en huitième position dans les priorités des Français. Voilà pourquoi le blog NR Présidentielle 2012 a voulu faire un tour d’horizon des différentes propositions des candidats sur le sujet.

(Photo NR)

Nicolas Sarkozy. Le président sortant n’a de cesse de louer son bilan en terme de sécurité. Mais son programme se révèle bien maigre dans ce domaine. Tout juste propose-t-il de réformer « en profondeur » la justice des mineurs pour endiguer la montée de la délinquance, et donner aux victimes le droit de faire appel des décisions des cours d’assises et des tribunaux correctionnels. Au delà d’un certain âge, explique-il dans sa lettre aux Français, « il faut confier à deux juges distincts la mission de protection de l’enfance en danger et la mission de répression de la délinquance des mineurs ».

François Bayrou. S’il est élu, le candidat centriste compte avant tout faire voter une loi-cadre sur la violence conjugale, en vue d’améliorer la prévention et l’accompagnement des victimes. Il n’en précise pas la substance. Par ailleurs, il compte développer les alternatives à la prison pour les primo-délinquants, et maintenir une justice spécialisée pour les mineurs. Le système pénitentiaire serait également réformé pour « le mettre en conformité avec les normes européennes ». Dans ce cadre, François Bayrou veut mettre l’accent sur la formation et la préparation à la réinsertion du détenu. Durant le temps de la détention, « la privation de liberté doit être la seule sanction qu’il peut recevoir », précise-t-il. Enfin, il souhaite renforcer la vidéosurveillance dans les quartiers difficiles, en complément d’un « dispositif humain ».

Eva Joly. La candidate écologiste envisage la délinquance d’abord sous sa forme financière. Elle veut « en finir avec la corruption et les lobbies ». Ainsi, selon son programme, les élus condamnés pour corruption pourraient être rendus définitivement inéligibles, et les citoyens auraient la possibilité d’agir collectivement en justice. Son autre cible : la drogue. Eva Joly souhaite renforcer la politique de prévention, mais surtout légaliser et encadrer la consommation de cannabis « afin de combattre les mafias criminelles ». Enfin, elle compte restaurer la police de proximité, mais aussi alourdir les peines pour les crimes racistes, antisémites, sexistes et homophobes.

Marine Le Pen. Conformément à la tradition frontiste, la candidate brandit la sécurité comme sa troisième priorité dans cette campagne. Son programme sur le sujet prône la tolérance zéro. La présidente du Front National entend démenteler tous les réseaux de banditisme, de « grands frères » et de caïds, sans toutefois préciser comment. Elle préconise également d’exercer une pression policière sur les bassins de criminalité et développer une « vraie » politique de renseignements, qui ne serait pas réservée seulement à la lutte antiterroriste. Pour réaliser ces objectifs, elle compte ramener les effectifs de police et de gendarmerie à leur niveau de 2005, et améliorer les moyens matériels de la police et de la gendarmerie (armes, véhicules, télécommunications,…).

Du côté de la justice, Marine Le Pen veut renforcer les sanctions contre les délinquants récidivistes. Plus aucune prestation sociale ne leur sera versée, ainsi qu’aux criminels condamnés à un an de prison ou plus. Et la candidate compte organiser un référundum sur la sanction maximale : les Français auraient le choix entre le rétablissement de la peine de mort ou la réclusion criminelle à perpétuité définitive et irréversible. La responsabilité pénale serait aussi accrue pour tous les mineurs de plus de 13 ans, et les aides sociales aux parents d’enfants récidivistes seraient supprimées. Enfin, des tribunaux pénaux de proximité seraient créés, sur le modèle des tribunaux d’instance.

Jacques Cheminade. Le candidat de Solidarité & Progrès veut créer de toute urgence, dans toutes les maisons d’arrêt, un quartier pour les courtes peines avec des mesures de sécurité allégées et « cesser le mélange des petits délinquants avec les autres ». Il compte également stopper l’incarcération des mineurs non récidivistes, des sans-papiers et des grands malades. Pour leur permettre une plus grande présence sur le terrain, il préconise de libérer policiers et gendarmes des tâches administratives en embauchant des administratifs. Par ailleurs, il veut « arrêter la culture du chiffre » et établir un Observatoire national de la délinquance (OND) indépendant. Une coordinatrice sociale devra être présente dans les gendarmeries et les commissariats pour accueillir, aider et conseiller les victimes. Jacques Cheminade prône l’établissement d’une police de proximité dans les zones périurbaines tard dans la soirée et la nuit, et la création dans les cités de maisons du citoyen, associées à des maisons de droit, pour traiter les conflits en amont et assurer une prévention vis-à-vis des « jeunes à problèmes ». Enfin, il veut créer un comité d’éthique composé de policiers, de gendarmes et de personnalités issues de la société civile, pour lutter contre les éventuelles dérives policières.

Nicolas Dupont-Aignan. Le souverainiste propose de recruter 10 000 personnes pour combler intégralement les départs à la retraite qui n’ont pas été remplacés depuis 2007, et de construire 20 000 places de prison supplémentaires pour limiter la surpopulation carcérale et favoriser l’application des peines. Le candidat de Debout la République compte donc revenir sur la loi dite des « deux ans » votée en 2009, qui exonère d’application les condamnés à des peines de moins de 2 ans, ainsi que sur la double peine. Il entend supprimer les remises de peine automatiques en appliquant au moins deux tiers des peines, et instaurer une véritable perpétuité légale. Il compte par ailleurs s’attaquer aux mafias qui contrôlent les réseaux de drogue, ainsi qu’à la délinquance financière.

François Hollande. Comme il l’a annoncé depuis la primaire socialiste, François Hollance veut mettre sur pied une nouvelle police de proximité dans les quartiers. Cette sécurité proche des habitants serait opérée par la gendarmerie dans les territoires ruraux. Le candidat socialiste compte aussi créer des zones de sécurité prioritaires où seraient concentrés davantage de moyens. Il souhaite par ailleurs doubler le nombre de centres éducatifs fermés pour les mineurs condamnés par la justice en les portant à 80 durant le quinquennat. Enfin, mille postes seraient créés chaque année pour la justice, la police et la gendarmerie.

Jean-Luc Mélenchon. Prévention, dissuasion, sanction : les trois exigences de Jean-Luc Mélenchon en matière de sécurité. En premier lieu, le candidat du Front de gauche veut abroger la loi LOPPSI 2 et les lois sécuritaires « attentatoires à nos libertés ». Il entend ensuite élargir l’aide juridictionnelle et les indemnités des avocats présents pendant la garde à vue. Les dispositifs de « lois anti-jeunes » seront aussi abrogés. Le président du Parti de gauche veut par ailleurs stopper la baisse des effectifs de la police et recruter. Les forces de police bénéficieraient d’une formation déontologique « fondée sur le respect des personnes ». Toutes les polices de sécurité publique seraient intégrées dans un service unique. La carte des tribunaux serait rétablie sur l’ensemble du territoire, et un vaste plan « d’humanisation de l’univers carcéral » serait lancé rapidement en cas d’élection. Jean-Luc Mélenchon veut encore revoir la répartition des forces de police sur le territoire : un effort conséquent serait opéré pour répondre aux besoins des communes populaires. Un effort relayé par un plan de construction de locaux et d’ouverture de commissariats, et la création d’une police de proximité. Enfin, le candidat souhaite doubler l’aide de l’État aux actions de prévention et d’aide sociale, destinée aux collectivités territoriales et au mouvement associatif.

Philippe Poutou. Dans une veine anarchiste, le candidat du NPA se prononce pour un désarmement de la police et une suppression de la BAC. Il demande en ce sens « la fin de l’impunité policière, qui se résout toujours dans le sens de jeunes et moins jeunes issus de l’immigration ». Pour lui, il est impératif d’abolir les centres d’enfermement pour les mineurs. Il plaide enfin pour l’arrêt de la destruction des camps de Roms, la fin de la traque des sans-papiers, et une loi-cadre contre les violences faites aux femmes.

Nathalie Arthaud. Selon la candidate communiste, « la délin­quance est le pro­duit de la décom­po­si­tion sociale ». Pour s’y attaquer, elle préconise avant tout la lutte contre le chô­mage. Elle appelle donc à une mobi­li­sa­tion du monde du tra­vail autour d’un pro­gramme de lutte, pour garan­tir les emplois et les salai­res. C’est, d’après elle, « la condi­tion pre­mière pour faire recu­ler l’insé­cu­rité sous toutes ses formes ».

1 Comment

  • Le discours sécuritaire permet, aux classes dominantes, de mener une politique d’agression inouïe contre les classes populaires, en se présentant sous un visage protecteur et universaliste. Parler de lutte contre l’insécurité, c’est construire une représentation rassurante du pouvoir en place et justifier toutes les régressions sociales et démocratiques par la nécessité de vaincre les ennemis de la liberté et de la sécurité.

    http://2ccr.unblog.fr/2011/05/05/le-discourt-securitaire/

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