10 mar 2012
Presidentielle 2012

Les enjeux de la dernière ligne droite selon Frédéric Dabi de l’Ifop

De manière quotidienne, l’Ifop mesure le poids des candidats à la présidentielle et le rapport des électeurs à différentes questions de la campagne. Sur la page d’accueil, des courbes montrent sur le moyen terme l’évolution des  » cotes  » des différents candidats et mesure leurs progressions ou leurs reculs.  

Présidentielle 2012 : l’enjeu européen par Olivia_Augis
 

Les candidats à l’élection présidentielle ont jusqu’au 16 mars pour déposer au Conseil constitutionnel la liste de leurs 500 parrains. Condition sine qua none pour pouvoir se présenter.

Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, directeur du département opinion et stratégies d’entreprise a donné à la Nouvelle République ses refléxions alors que la dernière ligne droite de la campagne s’amorce.

> Le temps de l’égalité médiatique.

« Cela peut favoriser des petits candidats qui auront une plus forte exposition médiatique. On se souvient de l’exemple d’Olivier Besancenot qui avait explosé en 2002 alors qu’il était pratiquement inconnu et qui avait fini la campagne à pratiquement 4,5 % devant Alain Madelin et Robert Hue, à l’époque. Et on sait très bien que ce moment de campagne officielle d’égalité de traitement entre les candidats, se sont des moments difficiles pour les principaux favoris qui voient leur score s’éroder, s’élimer.

Maintenant, ce rapport de force électoral ne bouge guère. On a eu un rapprochement de courbes la semaine dernière, un “ re-rapprochement ” ces derniers jours entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Mais on est encore sur un rapport de force qui est inédit sous la Ve République où le président sortant, le tenant du titre, ne fait pas la course en tête. Ce n’était jamais arrivé, y compris à Giscard-d’Estaing qui a fait toute la campagne de 1981, dans les enquêtes et le jour du vote, en tête au premier tour. « 

> Les enseignements des élections présidentielles.

« Il y a déjà eu des inversions de courbe avant cette dernière ligne droite. En revanche, par rapport à 2002 et 2007, nous avons beaucoup de Français sûrs de leur choix. Nous avons, en gros, dix points de plus de Français qu’en 2007, quinze points de plus qu’en 2002 qui déclarent qu’ils sont sûrs de leur choix. C’est une part importante. C’était moins le cas en 2007 où il y avait beaucoup plus de zapping entre Sarkozy et Bayrou, Bayrou et Royal, Marine Le Pen et Sarkozy. C’est moins le cas là. « 

> La montée de Jean-Luc Mélenchon

« Chez nous à l’Ifop, Jean-Luc Mélenchon a commencé la semaine à 7,5 % et il la termine près des 10 % ce qui est du jamais vu pour un candidat soutenu par le Parti communiste depuis 1981 et le score de Georges Marchais qui était de 15,5 %. Il y a eu deux phases. Il y a déjà eu l’après proposition de François Hollande de taxer à plus de 75 % les revenus au-delà de 1 million d’euros qui lui a permis de reprendre la main à gauche, de poser un marqueur à gauche et qui a érodé, asphyxié un peu Jean-Luc Mélenchon. Désormais, l’effet d’annonce est un petit peu passé, Jean-Luc Mélenchon a un peu progressé. »

> Les voix de Ségolène Royal

« En 2007 l’addition des voix PC plus extrême gauche faisait 8 % environ et Jean-Luc Mélenchon est largement au-dessus des 8 %. Il prend un nombre croissant des voix des électeurs de Ségolène Royal de 2007, qui jugent, peut-être la campagne de François Hollande pas assez à gauche. Il peut en prendre 10 %, ce qui paraît peu, mais rapporté au score de Ségolène Royal le 22 avril 2002 c’est 2,2 % (de l’ensemble des électeurs), ce qui explique ce score qui est presque de deux chiffres chez nous. « 

> Les marqueurs à gauche de François Hollande

« François Hollande fait la course nettement en tête. Il n’y a pas de danger actuellement d’incertitude à la participation au second tour. Mais désormais Jean-Luc Mélenchon sera aussi présent que François Hollande dans les médias. Le candidat socialiste sera obligé d’apporter un marqueur à gauche fort, autre que les 75 % d’imposition au delà du million de revenus, et on doit s’attendre, à mon avis, à d’autres annonces pour montrer qu’il n’est pas que le candidat du centre gauche, mais le candidat de la gauche et pas affadi par rapport à Jean-Luc Mélenchon. « 

> Le traumatisme du 21 avril  2002

« Il exsite un phénomène de vote utile qui joue pour François Hollande. Tant que la gauche n’aura pas gagné une élection présidentielle, le traumatisme du 21 avril 2002 restera. Mais si, quelques semaines François Hollande est toujours en tête avec 26, 27, 28 ou 29 % et s’il n’y a pas beaucoup, pour les militants de gauche, d’incertitude sur la qualification de François Hollande ça peut desserrer le frein du vote utile et bénéficier à Jean-Luc Mélenchon en fin de campagne. Mais ce ne sont que des hypothèses. Cela n’oblige pas François Hollande à infléchir son discours à gauche mais ça l’obligera périodiquement pendant la campagne à remobiliser à gauche, recréer du clivage gauche droite et semer des petits cailloux, faire des piqûres de rappel sur un ancrage à gauche. Comme avec les 75 %, comme au Bourget où il s’est déclaré ennemi du monde de la finance. »

> Un président sortant qui ne cherche pas à rassembler

« Un président sortant, de De Gaulle à Chirac, a toujours mené des campagnes de rassemblement. Nicolas Sarkozy fait une campagne de rupture et de très fort clivage gauche/droite. Depuis sa déclaration de candidature et son interview dans le Figaro magazine, il mène une campagne de rassemblement à droite toute, des sympathisants de droite, des sympathisants UMP, des électeurs FN, des électeurs FN pas sûrs de leur choix – il y en a pas mal – et d’électeurs de l’UMP tentés par un vote de MLP.

Ça paye relativement depuis son entrée en campagne, malgré un léger ressac en fin de semaine dernière, mais ça ne paye que partiellement car il n’est pas passé en tête au premier tour. Deuxièmement ce virage à droite toute lui fait perdre des voix au centre, car il doit gérer deux électorats antagonistes, ceux de Marine Le Pen et de François Bayrou. Si le report des voix Marine Le Pen au second tour s’est fortement amélioré ces derniers jours, les reports auprès de François Bayrou ne sont pas bons où il y a une majorité qui voterait François Bayrou, ce qui n’était pas le cas en 2007. »

> Des sujets loin des préoccupations des Français.

« Il peut y avoir deux risques. D’une part, une critique de la part des Français qui lui reprocherait de n’avoir qu’une approche sociétale – immigration, sécurité, viande halal – alors que ce qui les intéresse vraiment ce sont les questions économiques et sociales (leur sondage pour Dimanche Ouest-France), où on voit que chômage, emploi, pouvoir d’achat et dette, sont en tête des préoccupations des Français. Et le second risque est qu’on le ramène systématiquement à son bilan. Le souci quand on est président sortant, c’est qu’on a un bilan et Nicolas Sarkozy traîne le sien un peu comme un boulet, il est mal perçu par les Français et toute proposition qu’il va faire va être décodée comme réactivation d’une mesure qu’il n’a pas fait dans le passé et qui n’a pas été faite dans le cadre de son bilan. »

> L’hypothèse de son départ

« Enfin, la mise en scène de son départ comporte aussi deux vrais risques. Parler de sa défaite, c’est déjà la faire exister, dire que c’est possible. Un peu comme quand Alain Juppé avait dit à François Hollande dans des Paroles et des Actes “ On fera ce que vous ferez quand vous serez président ”. C’est un vrai danger, ça rend l’expérience possible, crédible. Et puis, il y a une telle personnalisation de l’élection contre lui où au second tour qu’on n’a pas l’impression que les Français ne répondent pas : “ voulez-vous voter pour Nicolas Sarkozy ou François Hollande “ mais plutôt “ voulez-vous arrêter ou continuer avec Nicolas Sarkozy ”. Personnaliser encore l’élection en disant, “ si je perds, j’arrête ” ou “ après moi, le chaos ”, en continuité avec toutes les interventions depuis fin novembre où il dit “ je suis le seul capable de faire le job ”, ça personnalise l’élection et ça peut exacerber ce qu’on observe dans notre enquête, ce second tour inédit de part sa force en faveur du candidat socialiste en par rapport au président sortant on a un référendum anti-Nicolas Sarkozy. »

 

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