1 fév 2012
Chloé Bossard

Une première biographie du plébéien Mélenchon

De Jean-Luc Mélenchon, on connait le caractère sanguin, l’attachement aux valeurs de la gauche radicale, et les discours incarnés. Son idéologie et son parcours politique, eux, restent méconnus. Pourtant, à 60 ans, l’homme a derrière lui une carrière bien remplie. De ses premières années de militant trotskyste à sa course pour la présidentielle, les journalistes Lilian Alemagna (Libération) et Stéphane Alliès (Médiapart), déroulent cette ascension en 371 pages, dans « Mélenchon le plébéien ». Une première biographie de celui qu’ils voient comme « l’éventuel troisième homme de la présidentielle ».

« Mélenchon n’est pas un populiste, c’est un plébéien », avancent les auteurs en préambule. Durant ses quarante années de politique, il n’a pas dévié de son crédo : redonner de la voix au peuple, contre l’oligarchie dirigeante. Une philosophie cristallisée durant son enfance. Né à Tanger (Maroc) en 1951, le jeune Mélenchon et sa famille en sont chassés en 1962, après l’indépendance de l’Algérie et les accords d’Evian.

Direction la Normandie qu’il déteste. « Cette rupture soudaine et contrainte va compter dans les choix radicaux » qu’il fera ensuite. A quatorze ans, son amoureuse lui offre par hasard une « Histoire de la Révolution française » d’Adolfe Thiers. Deuxième déclic. « Ca a cristallisé ma détestation de ceux qui ont toujours été là, qui ont des droits sur tout », confie-t-il aux deux journalistes. C’est à peu près tout ce qu’on saura de sa vie privée. A peine le livre mentionne-t-il la naissance de sa fille, en 1974.

C’est à Lons-le-Saunier, dans le Jura, que Jean-Luc Mélenchon fait ses premières armes à l’âge de 16 ans. Dans l’effervescence de mai 68, il initie l’action dans son lycée paisible. Déjà excellent orateur, il n’a aucun mal à fédérer ses camarades. « Un tribun s’éveille », commentent les auteurs. Deux ans plus tard, inscrit en fac de philo à Besançon, il délaisse vite les amphis pour se consacrer au militantisme. Commence alors l’aventure trotskyste. Au sein de l’Organisation communiste internationaliste, il s’installe dans le courant lambertiste sous le pseudonyme « Santerre ». Mais, beaucoup trop turbulent, ce trublion qui ne respecte pas le protocole réussit à s’en faire radier en 1976.

Il devient un temps journaliste pour les Dépêches du Jura, avant de partir à la conquête de l’Essonne, et du Parti socialiste, où il restera trente ans. Toujours dans la marge gauche du parti, bataillant pour une laïcité extrême, pour la légalisation du Pacs, et, déjà, pour une VIe République. Il fait d’ailleurs trois mandats de sénateur. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Pierre Joxe, dira de lui : « Comme il est brutal, les gens le prennent souvent pour une grande gueule. Mais il cloue souvent le bec de ses contradicteurs par ses connaissances philosophiques et sa culture. » Jean-Luc Mélenchon est admiratif de François Mitterrand (« le Vieux »), à qui il voue un véritable culte, puis de Lionel Jospin (« le Grand »), qui lui offre le ministère de l’Enseignement professionnel en 2000.

Mais c’est réellement en 2005 qu’il entre sur le devant de la scène, en prenant position contre le projet de constitution européenne. Une fois encore, il est à contre-courant. « Jean-Luc devient une personnalité médiatique avec cette campagne », se souvient Alexis Corbière, conseiller de Paris membre du Parti de Gauche. Finalement, le Non l’emporte. C’est la consécration. Et la voie de l’indépendance. Coupant ses liens avec le Parti socialiste, Jean-Luc Mélenchon lance sa nouvelle formation politique le 12 novembre 2008 : le Parti de Gauche. « A force de voir le PS dériver au centre, il s’en est affranchi. Pour redonner de la voix au peuple », expliquent les auteurs.

Dès lors, Jean-Luc Mélenchon « ne vise qu’un seul et unique scrutin : la présidentielle« , pendant laquelle il représente aussi le Parti communiste français au sein du Front de gauche. « Cette échéance électorale n’est que la suite logique et indispensable de son rêve de marquer l’histoire de la gauche française et de créer une nouvelle donne dans le paysage politique hexagonal », résume le dernier chapître du livre.

Et sa stratégie de communication se contruit un peu malgré lui, à partir d’une vidéo sur lequel il se fritte avec un journaliste du Parisien. « La caricature du bouffeur de journaliste ? Peu importe le risque… Il en fait une marque de fabrique jusqu’à y gagner sa marionnette de râleur Mémélenchon aux Guignols de l’info« . La politique du buzz semble fonctionner.

De là à s’imaginer président, « personne, même pas lui, ne peut envisager l’hypothèse avec sérieux. Mais le simple fait que la question puisse être posée est déjà un succès pour l’ancien sénateur socialiste ». Jean-Luc Mélenchon confie à Lilian Alemagna et Stéphane Alliès ses trois objectifs : dépasser les 10%, devenir le leader de la deuxième force de gauche du pays (devant les écologistes), et battre le Front National. Une chose est sûre, il ne participera « à aucun autre gouvernement » que celui qu’il dirigera. Pas la peine de lui proposer un poste de Ministre. Compris ?

Publié chez Robert Laffont depuis le 19 janvier au prix de 20 euros.

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