27 jan 2012
mariellaesvant

Dis-moi qui tu es, je te dirai pour qui tu votes : zoom sur les électorats sociologiques

Les jeunes seraient plutôt à gauche, les plus de 60 ans plutôt à droite, les femmes… insaisissables. Précisez avec qui vous couchez et quel dieu vous priez. Alors, peut-être, on pourra vous dire pour qui vous allez voter le 22 avril 2012. A quelques mois du premier tour, les chercheurs dissèquent l’électorat français à coup de catégories sociologiques. Age, sexe, métier, classe sociale, religion…

Manifestation contre le congrès du Front National à Tours.

Eclatées politiquement, certaines "catégories d'électeurs" se retrouvent autour de combats communs.

Que vous soyez homme ou femme ; jeune, vieux ou entre deux âges ; croyant ou non ; hétérosexuel ou non ; ouvrier, agriculteur, cadre sup’, commerçant ou fonctionnaire ; chasseur ou fan de ping pong ; pied-noir ou Breton ;… en cherchant bien, chaque profil électoral existe. Après, c’est un peu comme l’astrologie avec la courbe des astres. L’influence du lieu de vie, du niveau de revenu, du statut, de l’éducation joue avec les valeurs, les convictions, le degré d’engagement... S’y ajoute l’ordre du monde comme l’agencement de planètes. A ceci près que les études électorales sont beaucoup plus étayées que les profils astrologiques.

Les seniors, les plus mobilisés

Ils sont plus politisés, suivent la campagne avec attention et se déplacent massivement aux urnes. Parce qu’ils se mobilisent, les 13 à 14 millions de seniors pèsent lourd dans une élection. Un tiers de l’électorat effectif si l’on regarde en arrière. Et la plupart croit encore en la politique. Selon une étude du cevipof, « 28% des plus de 65 ans croyaient en 2007 que l’élection présidentielle permettrait d’améliorer sensiblement les choses en France contre 16% des 35-49 ans et 9% des 18-24 ans ». Sans dire qu’ils « font » une élection, leur choix est déterminant au premier tour. Du haut de leur sagesse, ils « sélectionnent » les candidats crédibles. Avec une préférence pour ceux qui paraissent légitimes. Les candidats sortants ont leur préférence, surtout s’ils sont à droite. Une expérience ministérielle peut aussi les rassurer, comme c’était le cas pour Nicolas Sarkozy en 2007. Au seconde tour, ils étaient 67% à voter pour lui. Pour 2012, rien n’est joué.  Une enquête de l’institut Ipsos pour la Fondapol début décembre plaçait en tête du premier tour Nicolas Sarkozy et François Hollande, avec respectivement 36 % et 29 % des intentions de vote. Car le candidat socialiste  derrière lui 11 ans à la tête de son parti, et pourrait bénéficier de l’enthousiasme des « jeunes seniors » qui ont été cueilli par mai 68 et se sont enthousiasmés pour la Mitterrand en 1981. Une génération plus à gauche.

Les jeunes, inconstants et dispersés

François Hollande leur a dédié sa campagne… Et pourtant, ils ne pèsent pas lourd, les jeunes. 15% du corps électoral tout au plus, dont la moitié se perd en abstention. Ce n’est pas que la politique ne les intéresse pas, plutôt qu’ils sont peu sensibles au rite des urnes. Et puis un jeune, c’est inconstant. Pas pressé d’aller voter en 2002, surtout au premier tour, ils ont presque égalé leurs aînés en 2007. On les dits plutôt à gauche, mais surtout dispersés. Pas un candidat ne peut se prévaloir de les avoir à sa botte. Des écologistes au parti socialiste en passant par le front de gauche, les moins de 30 ans papillonnent. Ils se frottent aussi au centre – François Bayrou a arraché plus de 20% de leur voix en 2007 – à droite et à l’extrême droite. A un an du scrutin, Frederic Dabi, de l’Ifop, comptait 20% de moins de 30 ans près à voter pour Marine Le Pen. Même constat pour Anne Muxel, du Cevipof qui explique cette tendance par la fracture sociale : en 2007, 22% des jeunes n’ayant pas le bac ont voté pour Jean-Marie Le Pen. La conclusion c’est que pour 2012… rien n’est joué du côté des jeunes, même si certains annoncent une participation en berne.

Les femmes, « abonnées au « 80% » »

Marche pour l’égalité aidant, le vote féminin n’est plus une catégorie à part. Sauf que, comme le rappelle  Janine MOSSUZ-LAVAU, de petites différences sociologiques persistes. Preuve que les féministes ont encore du boulot. « Elles sont abonnées aux « 80% »: elles occupent 80% des emplois à temps partiel, forment 80% des travailleurs pauvres et effectuent 80% des tâches domestiques ». Et sont plus nombreuses à vivre sous le seuil de pauvreté, moins présentes dans les postes à responsabilité,  moins bien payée – elles gagnent en moyenne 26,7% de moins que les hommes -, moins représentée en politique. La liste, synthétisée dans un rapport de l’Observatoire des inégalités, est longue. Et suffit à faire des femmes une catégorie électorale à part entière. Plus sensible à la lutte contre la précarité, aux injustices, et moins portée vers les extrêmes, les femmes voteraient plus à gauche que les hommes. Selon une enquête Harris Interactive datant de septembre,  » les femmes voteraient un peu moins que les hommes pour Jean-Luc Mélenchon, François Bayrou et Marine Le Pen. Un peu plus pour Nathalie Arthaud, Eva Joly, Dominique de Villepin et Nicolas Sarkozy. Jean-Louis Borloo et Nicolas Dupont-Aignan feraient jeu égal. » Mais souvent, femme varie…

La religion : les catholiques à droite, les musulmans à gauche

Pour certains, la politiques est une religion. Pour d’autres, c’est l’inverse, ou presque. Et quand près de 50% de la population déclare une appartenance religieuse, c’est une donnée à prendre en compte dans le délicat exercice des prédictions électorales.

A quelques semaines d’intervalle, deux enquêtes sont allées sonder les catholiques. L’enquête TNS Sofres pour l’hebdomadaire catholique Pélerin place les catholiques plus à droite que l’ensemble de la population (32% contre 24%) avec une faveur pour Nicolas Sarkozy (33% contre 25%) au détriment de François Hollande (25% contre 30% pour l’ensemble de la population). Marine Le Pen aussi grapille quelques voix (21% contre 18%). Paradoxalement, Christine Boutin, la présidente du Parti chrétien démocrate, qui fonde sa campagne sur des valeurs catholiques, plafonne autour de… 0%, comme pour l’ensemble de la population. Le sondage de l’Ifop précise en faisant la distinction entre pratiquants et non pratiquants. La différence avec l’ensemble de la population s’estompe à mesure que la fréquentation des églises baisse.

Pour la deuxième religion de France, l’islam, les tendances d’inversent. Selon une étude de Claude Dargent les musulmans sont plutôt ancrés à gauche. Et même franchement. En 2007, selon l’enquête électorale du Cevipof, « sur 100 suffrages exprimés au second tour, 95 se sont portés sur Ségolène Royal – et donc 5 seulement sur Nicolas Sarkozy ». Une tendance qui ne s’explique pas seulement par le profil sociologique des musulmans, moins fortunés, plus précaires, plus jeune que l’ensemble de la population. Ni par leur passé d’immigrés, d’après les gommages statistiques effectués par le politologue.

Gays, bis et lesbiennes : plus engagés et plus à gauche

L’orientation sexuelle influencerait-elle l’orientation politique ? Oui, répond une étude du Cevipof menée par François Kraus, de l’Ifop. En tous cas chez les pratiquants… Selon l’Ifop, 6,5 % de la population se déclare homosexuel ou bisexuel. Un électorat qui se distingue par sa dominante masculine (à 66%), plutôt jeune et urbain, moins sensible à la religion et plus politisé. Résultat, les bis et homosexuels voteraient plus à gauche (50% se déclarent proche d’un parti ancré à gauche contre 33% de l’ensemble de la population). S’ils boudent la droite, ils sont presque aussi nombreux à se sentir proche du Front national que l’ensemble de la population.

(crédit Cevipof)

 

Une multitude de « profils »

La profession et le milieu d’appartenance sont souvent posés sur la table de dissection. Ainsi, on apprend que les « classes moyennes », ou « professions intermédiaires », selon la politologue Elisabeth Dupoirie, votent plutôt à gauche. Mais ces 20% d’électorat ne sont pas pour autant acquis au Parti socialiste. Tentées par l’écologie politique au dernières européennes ou par le centre de François Bayrou à la présidentielle de 2007,  les classes moyennes ont tendance à s’éparpiller sur l’échiquier politique.

Le vote des ouvriers fait aussi parti des Graals des candidats. Selon les dernières enquêtes, le Front National séduit toujours la plus grosse part de ces 20% de l’électorat. Après avoir voté massivement à l’extrême gauche, les « classes populaires » ont basculé. En 1995, 30% des ouvriers ont voté pour Jean-Marie Le Pen. En 2012, selon  Frédéric Dabi, de l’Ifop « 24% d’intentions de vote pour Hollande, 16% pour Sarkozy, 39% pour Le Pen et seulement 6% pour Mélenchon ».

Les chasseurs, qui représentent 1,4 millions d’électeurs potentiels, se porteraient eux aussi plus vers la candidate du Front National. Selon une étude du Cevipof datant de novembre, 25% des chasseurs donneraient leur voix à Marine Le Pen en 2012 (contre 19% de l’ensemble des Français), 22% à François Hollande (contre 29% de la population totale), 16 % à Nicolas Sarkozy (contre 22,5% de l’électorat totale), et 11% voteraient Jean-Luc Mélenchon (contre 6% de l’ensemble). Les autres candidats se partagent le reste.

Reste à savoir ce que voterait une femme chasseur et catholique, un jeune ouvrier musulman ou un retraité homosexuel… Encore trois mois pour affiner les études !

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