Le silence de Lounès, nouvelle fresque sociale de Baru



lounès 1Depuis ses débuts fracassants dans Pilote en 1982, Hervé Baruléa, alias Baru, n’a de cesse de tirer le portrait de cette classe ouvrière qu’on dit aujourd’hui défunte.

Pourtant, d’histoire en histoire, d’album en album, ce grand de la BD dessine et raconte inlassablement la geste des exclus du système, des supers héros de l’ordinaire, de ceux qui rêvent d’une vie meilleure.

« Quéquette blues », « Les années Spoutnik », « Cours camarade! », « L’autoroute du soleil » ou encore tout récemment l’adaptation du roman de Jean Vautrin, « Canicule » en portent témoignage.

Que faisiez-vous pendant la sale guerre?

Dans « Le silence de Lounès », Baru laisse le crayon à un jeune dessinateur dont on reparlera certainement, Pierre Place. Son trait sûr et son sens du cadre valorisent parfaitement le scénario imaginé par Baru. Soient Gianni et Nouredine, deux gamins grandis ensemble dans le Saint-Nazaire des années soixante. Le premier est fils d’immigrés italiens, le second né de parents kabyles arrivés en France après la guerre d’Algérie. C’est elle, cette « sale guerre » qui sert de toile de fond à cette histoire d’amitié et de révolte. Devenus comme leurs aînés ouvriers sur les chantiers navals, ils vont rejouer une autre guerre, sociale celle-là, faite de piquets de grève et d’affrontements avec les CRS, pr^tes à beaucoup de sacrifices pour sauver leur emploi.loun 5

Si Gianni tente de rester sur le chemin de la légalité, Nouredine est plus révolté. Plein d’une colère rentrée, il n’a pas pardonné à son père, Lounès, son attitude de « planqué » durant le conflit algérien. « Putain, Gianni, tu te rends compte que ton père, lui, il a aidé le F.L.N., et le mien il a rien fait. Tout son pays se battait, et lui il a pas remué le petit doigt. »

Nouredine va peu à peu se radicaliser et choisir le sabotage pour fair entendre sa voix et celle de ses camarades. Condamné par la justice française, il va devoir quitter le pays. Sa fuite l’emmène vers l’Algérie, la terre de ses ancêtres qu’il ne connaît pas…Le reste sera fait de non-dits, de confrontations douloureuses avec le passé… Le scénario savamment ficelé par Baru est fait de multiples flash-backs entre les luttes sociales ( en France) et les luttes pour l’indépendance ( en Algérie)

On apprendra pourquoi le père de Nouredine s’est enfermé dans le silence, comment ce même Lounès n’a pu transmettre autre chose à sa descendance que des images brouillées, pleines de violences et d’espoirs déçus.

C’est un bel album, traversé de part et d’autre par un souffle tragique. Longtemps après sa lecture, le silence de Lounès résonne encore à nos oreilles.

  • Le silence de Lounès.
  • Scénario: Baru
  • Dessins et couleurs: Pierre Place
  • Editeur: Casterman
  • Parution: 27 novembre 2013
  • Prix: 18 euros
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À propos de Jean-Michel Gouin

Jean-Michel Gouin est journaliste à La Nouvelle République du Centre- Ouest depuis une quinzaine d'années. Il s'intéresse tout particulièrement à la BD à travers ses relations avec l'univers du polar et de l'histoire...
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