Quand l’Algérie passait par Nanterre



« Ca n’est pas une maison, ça c’est une cabane, dans une cabane il pleut, dans une cabane, il fait froid! ». Quand Soraya débarque à Orly avec ses deux enfants pour rejoindre son mari Kader, elle ne se doute pas encore de ce qui l’attend, là, du côté de Nanterre…Nous sommes en 1962. La guerre d’Algérie prend fin.

Dans la France de ces années-là, encore en pleine reconstruction, les travailleurs immigrés sont les bienvenus. Portugais, Espagnols et Maghrébins fournissent une main d’oeuvre bon marché aux industries du bâtiment et de l’automobile. Mais où loger ces « nouveaux prolétaires », chassés des meublés et des garnis des centres-villes qui ne peuvent plus les accueillir? On élève alors des baraques aux périphéries des grandes villes, à proximité des chantiers et des usines. Ceux-ci deviendront vite des bidonvilles…

C’est le cas à Nanterre. Rue de la Garenne, celui dit de « La folie » s’étendait sur 21 hectares et accueillait environ 1.500 ouvriers et 300 familles. Il se tenait sur les terrains du futur établissement public pour l’aménagement de la défene ( EPAD). Pas d’électricité, pas d’eau courante, et une seule adresse administrative, le 127 rue de la Garenne. C’est ce pan d’histoire méconnu, voire oublié, que retrace Laurent Maffre dans Demain, Demain, un beau et dense roman graphique que publie ces jours-ci Actes Sud BD.

Le rêve d’un logement décent

A la croisée du documentaire et de la fiction, Demain, Demain nous fait vivre sur quatre ans (1962-1966) le destin d’une famille algérienne en quête de dignité. Celle qui consiste, qui que l’on soit, à vivre dans un logement décent.

Finalement, au terme d’incessantes démarches auprès d’une administration française peu pressée de donner satisfaction à ces « étranges étrangers », Kader et sa famille seront relogés, dans un bâtiment en dur où ils découvrent l’eau et l’électricité…

Le trait de Laurent Maffre est fouillé et précis. Pour parvenir à cette vérité, l’auteur s’est notamment appuyé sur le travail de Monique Hervo, militante et témoin de l’époque, qui a vécu 12 ans à « La Folie », auteur de Chroniques du bidonville (Seuil).

 Demain, Demain se lit comme une chronique de la misère ordinaire, pleine de tristesse et de petites joies, avec en toile de fond un portrait sans fard de la France des Trente glorieuses et l’écho de ses guerres qui ne voulaient pas toujours dire leur nom…

  • Demain, Demain, Nanterre bidonville de la folie 1962-1966.
  • Auteur : Laurent Maffre
  • Editeur: Actes Sud BD/arte éditions.
  • Sortie: le 28 mars.
  • Prix: 23 euros.
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À propos de Jean-Michel Gouin

Jean-Michel Gouin est journaliste à La Nouvelle République du Centre- Ouest depuis une quinzaine d'années. Il s'intéresse tout particulièrement à la BD à travers ses relations avec l'univers du polar et de l'histoire...
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