Saison brune : la fin du monde arrive sur la pointe des pieds



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Voilà un ouvrage qui demande beaucoup à ses lecteurs. Du temps tout d’abord (près de 500 pages d’une lecture dense), et, à l’orée de l’été, l’envie de bien vouloir remarquer les nuages qui s’amoncellent à l’horizon.

Cette bande dessinée laisse pourtant peu de place à la polémique : l’enquête fouillée détaille de façon didactique et exhaustive les données connues sur le réchauffement climatique, ses causes et ses conséquences, qui sont tant environnementales, qu’économiques ou sociales. C’est là tout le propos de Philippe Squarzoni. Le problème climatique est un problème global, qui concerne l’organisation de nos sociétés tout autant que nos pratiques individuelles au jour le jour.

Sauf que l’ouvrage semble tourner autour d’une absence. Une fois prouvée et reprouvée cette évidence du réchauffement climatique, à grand renfort d’interviews et de données, vient le temps des questions cruciales : que faire ? Apparaît alors l’aspect dérisoire des réactions individuelles. Ne pas prendre l’avion, mais d’autres le font, blâmer les 4×4, mais tout de même conduire une voiture.

Saison Brune fait état de cette situation, de cette cinquième saison durant lequel la neige fond et le printemps se fait attendre dans le Montana. Cet entre-deux rend compte de notre propre indécision face à la fin d’un monde moins totale et moins glamour que ne la présentent les films catastrophes. Lentement mais sûrement, nous approchons de cette porte qui se referme, flânant au milieu d’une opulence tout en sachant que nous trouverons porte close.

La lecture de Saison Brune laisse apparaître les limites de l’humanité : la conscience récente d’appartenir à une même planète ne suffit pas à contrebalancer les mythes de consommation grimpante, de croissance infinie qui causeront notre perte à long terme. La prise de conscience de l’urgence ne suffit pas non plus à sortir du nœud de contradiction dans lequel tout Occidental se trouve plongé.

Est-ce que finalement il ne s’agirait pas d’abattre les mythes de progrès permanent ? Saison Brune semble esquisser la voie vers un nouveau type d’humanité et de vivre-ensemble, un état d’esprit qui accepterait pleinement sa place au sein d’un écosystème et d’un collectif. L’ouvrage trouve sa limite face à l’énormité de la tâche : comment penser ce qui n’est pas encore ?

Philippe Squarzoni prend acte de cette impossibilité, et fait ce qu’il sait faire au mieux : étendre sous nos yeux les données du problèmes, susciter la réflexion, et laisser à chacun prendre conscience, en souhaitant, sans grand espoir, que l’urgence fasse réagir la société dans son ensemble.

  • Saison Brune
  • Auteur : Philippe Squarzoni
  • Éditeur : Delcourt
  • Prix : 29,95 €
  • Sortie : 2 avril 2012
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3 réponses à Saison brune : la fin du monde arrive sur la pointe des pieds

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