Y a-t-il une vie avant la BD ?



RAS« Ecoute Lénika, je peux t’embaucher si tu veux. J’aime bien la bande dessinée. Mais je pense que ça n’a pas grand-chose à voir avec la sécurité. Alors on m’a mis dans un hôtel de luxe au sud de Paris. Un hôtel de luxe, mais pas de charme… » Voici planté le décor de RAS, un petit album original de Lénaïc Vilain, auteur de BD ( Christophe Colomb, Alimentation générale) et aujourd’hui blogueur de renom avec Est-ce ainsi que les hommes vivent?

Rondes de nuit

En mars 2005, l’auteur est à la recherche d’un emploi pour arrondir ses fins de mois. En cette période où déjà le chômage fait rage, il ne va rien trouver de mieux qu’un poste d’agent de sécurité dans un grand hôtel parisien, la nuit. De quoi laisser du temps libre pour écrire et dessiner…

C’est cette expérience de veilleur de nuit qu’il restrace ici. Au terme d’une formation étriquée censée lui apprendre les arcanes du métier, voilà notre drôle de bonhomme longiligne et barbu qui va devoir arpenter chaque nuit les couloirs des 23 étages du grand hôtel. Apprendre à dire bonsoir au client qui passe, lutter contre le sommeil, apprivoiser le silence, vaincre la peur aussi, tel sera le lot quotidien de ce lui qu’on appelle « Vilain ». Dans ce récit autobiographique tendre et décalé, on découvre aussi le portrait d’une profession et d’un univers tout à la fois proches et mal connus. L’agent de sécurité, c’est celui qu’on ne voit pas, qu’on ignore à dessein ou que l’on traite au mieux avec indifférence, parce qu’il fait partie du décor. « En fait, en y réfléchissant bien, je crois que pas une fois je n’ai été utile en ces six ans de rondes de nuit », lance le héros au cours de ces pages.

Si parfois on sourit à l’évocation de certaines anecdotes, on s’arrête à d’autres, plus sérieuses et plus profondes. Au cours de ses longues traversées nocturnes, muni de son seul talkie-walkie qui le relie encore au monde, le veilleur peut s’abandonner. « L’aventure  » aura duré six ans. Lui qui ne croyait pas y rester huit heures. A la fin du récit, Vilain lâche: « Comme à la fin d’un film d’épouvante, le soleil se levait, symbole d’une délivrance prochaine. »

Avec un minimum de crayonnés (ici c’est le dessin qui se met au service du scénario) l’auteur arrive à nous faire entrer totalement dans le monde gris et mélancolique de l’agent de sécurité. RAS? Pas tout à fait. Il y aura une suite à ce premier opus, joliment mis en page par les éditions Poivre et Sel, une jeune maison indépendante Belge, fondée en 2010. A suivre…

  • RAS, tome 1
  • Auteur: Lénaïc Vilain
  • Editeur: Poivre et Sel
  • Parution: mars 2013
  • Prix:  11 €
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À propos de Jean-Michel Gouin

Jean-Michel Gouin est journaliste à La Nouvelle République du Centre- Ouest depuis une quinzaine d'années. Il s'intéresse tout particulièrement à la BD à travers ses relations avec l'univers du polar et de l'histoire...
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