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La Russie d’aujourd’hui dans toutes ses contradictions. Et un regard aiguisé sur une jeunesse qui, loin des villes, tente de se faire une place dans une société désormais ouverte à tous les vents venus de L’Ouest et de l’argent. Voilà ce que propose le jeune Zakhar Prilepine, auteur de 36 ans qui après avoir été vigile, manutentionnaire et barman, est parti faire la guerre en Tchétchénie lors des conflits de 1996 et de 1999. Là, ce militant politique à la fois poète et romancier propose onze nouvelles intitulées « Des chaussures pleines de vodka chaude ». Un titre pour le moins étrange… Continuez à lire »

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Rions un peu en attendant la mort, disait Pierre Desproges. Jean-Louis Fournier, l’ami de toujours,  ne dit pas autre chose. Et même pire, il vient d’écrire un livre de 157 pages dans lequel il évoque avec drôlerie et tendresse, la disparition brutale de sa femme, Sylvie. Au fil des pages d’une écriture vive et quelque fois potache,  il nous fait rire en racontant leurs souvenirs communs mais aussi ce qui fait désormais son quotidien de veuf.

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Première rencontre pour moi avec l’univers de Véronique Ovaldé. Je n’avais pas plongé dans  » Ce que je sais de Vera Candida », énorme succès de librairie, – le titre vient d’ailleurs de sortir chez J’ai lu, en poche donc –, pas plus que dans ses précédents romans. Au détour d’une émission de radio, j’ai eu envie de me laisser envahir par  » Des vies d’oiseaux », qui est paru à la rentrée aux Editions de l’Olivier.

Jolie rencontre, pour le coup !

Dans un pays qui n’est jamais nommé, Vida Izzara mène une vie de femme oisive et riche à la fin des années 90. Tirée de son environnement originel et de la terrible ville d’Irigoy (dont on dit qu’autrefois les hommes et les chiens s’y sont mélangés), la fille d’un pauvre joueur de luth vit avec son mari Gustavo et leur fille unique et adorée Paloma sur la colline Dollars, cité prospère et protégée de la misère.

Mais un jour, tout bascule. Paloma, 21 ans, quitte brutalement ses parents pour rejoindre Adolfo, ce jeune jardinier que sa mère lui avait présenté. Depuis un an, les deux tourtereaux, pour ne pas dire les deux coucous, écument les maisons vides de leurs propriétaires, partis en vacances. Ils y vivent, piochent dans les victuailles, les alcools… sans jamais rien y voler cependant.

Un flic, Taïbo, alerté par Vida qui sait que quelqu’un est venu dormir chez elle en son absence, se penche sur ces affaires et…  tombe amoureux de cette femme délaissée.

Au fil du roman, ce sont ces personnages que l’on suit. Vida la pauvre devenue riche mais vide. Gustavo et ses signes extérieurs de richesse, Paloma et la rage qui l’habite depuis qu’elle a compris comment fonctionnait le monde… et le couple de ses parents, Adolfo enfin. L’enfant abandonné par sa mère, maltraité par son père et qui, coûte que coûte, arracherait avec les dents s’il le faut sa place au soleil… Lui aussi vient d’Irigoy.  Tragique estampille comme nous le raconte Véronique Ovaldé, à la page 64 :  » Dire que vous veniez d’Irigoy équivalait à dire que vous veniez d’un territoire qui ressemblait à la banlieue du monde, un terrain vague entre deux échangeurs au milieu de rien. Le strapontin du monde. « 

Comme pour des oiseaux dans le ciel, l’auteure croise ces trajectoires. Tout aurait pu être si différent dans une autre vie !

Celle de Taïbo, d’abord. Page 33 :  » Taïbo fait semblant d’avoir une vie normale de célibataire qui loge dans un mobil-home. Parce qu’ici personne ne peut comprendre cela. On peut vous écouter ou vous consoler une ou deux semaines après un deuil ou une rupture. Mais dix ans après on vous prendrait pour un maniaque. « 

Celle de Vida, ensuite  (page 42) :  » Mais si Paloma revient à la maison, n’est-ce pas une façon de montrer à son amoureux la manière dont ses parents vivent, Paloma doit la juger comme on juge ses parents à vingt ans et Vida n’a pas grand-chose à dire pour sa défense, ou du moins pas ce soir, alors elle se couche, elle est infiniment triste, et juste avant d’éteindre la lumière elle se dit “Mon Dieu il me semble bien être vivante dans ma tombe ” ».

Puis celle d’Adolfo. Page 133 :  » L’étrange coucou que c’était. Qui avait choisi de se civiliser ( jusqu’à un certain point), mû par le désir de séduire tout un chacun, de répondre à l’attente, de s’infiltrer partout, dans tous les milieux et de regarder le monde à travers les yeux de ceux qui n’avaient rien vu de ce que lui-même avait vu. N’est-ce pas toujours ainsi qu’il opérait ? « 

Et celle de Paloma, enfin. La jeune femme n’appelle plus ses parents « papa » et « maman » depuis qu’elle a 8 ans. Fille unique, elle avait une amie, Chili, morte d’une leucémie. Elle court, s’entraîne et se désespère du piège dans lequel son tombés ses parents.

Entre Paloma et Adolfo, ce sont deux univers qui se téléscopent. La petite fille riche étudiante en droit et le gamin qui, à 14 ans, a compris qu’il devait fuir son père tout en protégeant son petit frère.

Au final, plusieurs histoires d’amour qui se tissent sur une trame faite de désillusions et de repentirs. Une quête de liberté à plusieurs voix aussi. Pour rappeler qu’elle s’acquiert souvent ( tout le temps ?) dans la fuite.

Chouette voyage !

 

« Des vies d’oiseaux », de Véronique Ovaldé, aux Editions de l’Olivier, 236 pages, 19€.

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Christian Oster est un drôle de type. Au fil de ses livres, il nous raconte des histoires de rien. Impossible pourtant de lâcher le livre avant la fin. L’ancien auteur récurrent des Editions de Minuit, passé aujourd’hui aux Editions de l’Olivier réussit à nouveau l’exercice avec son dernier roman,  » Rouler ». Cette fois, le héros, – dont on apprend le prénom, Jean, qu’au beau milieu du livre –, part. Prend la route. La première phrase du roman est claire. Limpide.

 » J’ai pris le volant un jour d’été, à treize heures trente, j’avais une bonne voiture et assez d’essence. «  Tout est dit. Ou justement pas. Pourquoi cet homme, père d’un fils adulte, quitte-t-il subitement Paris pour le Sud. Dans sa ligne de mire, Marseille. Sans raison. Alors il roule. Rencontre des gens, s’interroge sur sa vie mais ne se retourne pas.

Page 65 :  » Vous allez où finalement ? a-t-elle dit soudain. Qu’est-ce que vous faites ? Je ne sais pas, ai-je répondu immédiatement, je roule comme ça, je me déplace, je n’ai pas a priori. Pour l’instant, je vous l’ai dit, je me dirige vers Mende. Je n’avais pas envie de lui dire que j’allais à Marseille, comme, je m’en rendais compte, je l’avais finalement décidé. « 

Jeunes autostoppeurs impudiques ; Claire, jeune femme déprimée qui quitte son mari ; un ancien camarade de classe Fred Malebranche qui tient des chambres d’hôtes, André et les autres clients de chez Fred… Autant de personnages que Jean rencontre, fuit, écoute, aide, déteste… Les situations sont parfois cocasses mais ici, pas de renversement de situation ou de rythme extravagant. On suite les nationales, les routes départementales tandis que le personnage poursuit sa quête. Ou sa fuite. Tout juste apprend-on que la femme qui l’a quitté vient de mourir. Rien d’autre. Pas question pourtant qu’il nous laisse sur le bord de la route !

Page 85, Jean retrouve Fred Malebranche par le plus grand des hasards :  » […] il resurgissait de façon obscène, avec tout ce passé sur la figure. Or je voulais être seul, avec du temps devant moi et le moins possible derrière. « 

Page 96, notre héros est à nouveau confronté à ses difficultés. Celles d’avancer.  » Alors comme ça, a-t-elle dit, vous vous êtes perdu ? J’ai eu l’impression de revivre la scène de l’avant-veille, chez Paul et Claire, j’ai pensé que je n’arrêtais pas de m’exposer à la faim et de me perdre, que ça voulait sûrement dire quelque chose et que ça m’était égal ».

Avec André Ségustat, Jean trouve à qui parler. Sans cependant aborder les sujets. Mais une entente s’installe. Protectrice. Jusqu’à la fin, Jean tente de trouver des solutions à sa situation. Mais ses certitudes s’effondrent. Faut-il rester seul et reprendre la route ? Rester avec les autres clients de Fred ? A quoi bon ?

Page 153 :  » En même temps, je trouvais contraignant de partir le lendemain en minicar avec tout le monde. Je ne voulais pas, en attendant d’arriver à Marseille, avoir à me supporter au-delà du nécessaire. J’étais davantage disposé à m’ennuyer. « 

Je ne vous raconte pas la fin. Comme souvent dans les livres de Christian Oster, elle tient à un détail. Un regard partagé, un sourire.  Et comme toujours dans les romans d’Oster, on se laisse prendre à la petite musique de ses mots. Douce, réaliste et fine.

 » Rouler  » de Christian Oster, Editions de l’Olivier, 176 pages, 15€.

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Les Rendez-vous de l’Histoire se sont achevés à Blois. De quoi me pousser à me plonger dans un témoignage essentiel, primordial, celui de Jan Karski, mis en mots par Yannick Haenel ( Prix Interallié 2009).

Résistant polonais, catholique, Jan Karski ( 1914-2000) aura été le témoin d’une grande tragédie : celle de l’extermination des juifs du ghetto de Varsovie. Sa mission aura été d’alerter les Alliés et le président Roosevelt en personne. En vain. Personne ne l’a écouté. Et lui a vécu avec le poids de la culpabilité. En 1944, il écrit un livre  » Mon témoignage devant le monde  » mais personne n’est encore prêt à l’entendre. Ce n’est qu’avec le tournage de Claude Lanzmann pour « Shoah », diffusé en 1985,   que Jan Karski sort de l’oubli.

 

 

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Jean Hatzfeld, je le connaissais surtout pour ces livres coups de poing sur le génocide rwandais ( « Dans le nu de la vie »,  » Une saison de machettes » et  » La stratégie des antilopes « ). Pas pour ses romans. En lisant  » Où en est la nuit », je me suis aventurée dans l’univers de ce journaliste et grand reporter. Avec délice. Continuez à lire »

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Un roman qui vient du froid. Alors que nous vivons quelques jours d’un automne estival, voilà un livre qui vous donne des sueurs froides. Vraiment. « Désolations » est le deuxième roman de David Vann, l’auteur récompensé et encensé de  « Sukkwan Island ».

Le décor ? C’est celui de l’Alaska, – David Vann y est né –, au coeur de la péninsule de Kenai, sur les rives d’un lac glaciaire. Là, Gary et Irène ont fait leur vie. Lui, l’ancien étudiant en histoire médiévale a fait tous les métiers sans en réussir un seul. Sa femme, elle, est institutrice et férue de tir à l’arc. Ensemble, ils ont eu deux enfants : Rhoda et Mark. La première travaille chez un vétérinaire et vit avec Jim, un riche dentiste coureur. Proche de ses parents, elle connaît toute la douleur de sa mère d’avoir découvert sa propre mère, suicidée, pendue pour ne pas avoir supporté que son mari parte avec une autre. Et puis il y a Mark. Le fils dilettante. Qui fume, qui boit, qui vit avec Karen et qui travaille sur un bateau de pêche dès que l’argent vient à manquer. Ses parents, ils les voient de temps à autre. Chichement.

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Coup de poing. Voilà ce que m’inspire le premier roman d’Elisabeth Filhol,  » La Centrale  » sorti en 2010 et qui sera disponible chez Folio en poche dès ce jeudi 6 octobre 2011.  Six mois après la catastrophe de Fukushima et en plein débat pro et anti-nucléaire, lire ce court roman est l’occasion de plonger dans l’univers des travailleurs du nucléaire. Pas celui des agents EDF, statutaires. Mais celui des intérimaires, des saisonniers ambulants de l’arrêt de tranche qui se succèdent de mars à octobre à travers les centrales françaises. Yann et Loïc en font partie.

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Un objet littéraire non-identifié. Voilà ce que j’ai pensé en refermant  » Sols » de Laurent Cohen. Le livre a paru l’an dernier chez Actes Sud qui a d’ailleurs modifié son format habituel pour répondre aux exigences de ce roman déroutant. Il a fallu la mise en place du club de lecture à la médiathèque de Romorantin pour que je découvre Laurent Cohen et ce premier roman.

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Quelques heures. D’une traite. Impossible pour moi de lâcher  » Rien ne s’oppose à la nuit » de Delphine de Vigan avant de l’avoir terminé. D’être allée au bout de cette histoire familiale. De cette tragédie.

En janvier 2008, l’auteur Delphine de Vigan ( « No et moi »,  » Les heures souterraines » notamment), découvre sa mère, étendue sur son lit. Sans vie.  Agée de 61 ans, Lucile a choisi,  quelques jours plus tôt, de mourir au terme d’une vie chaotique.

Avec le soutien de sa soeur Manon, Delphine de Vigan va alors fouiller, sonder, triturer. Essayer de comprendre pourquoi sa mère, Lucile Poirier, troisième enfant d’une fratrie de neuf ( trois de ses frères perdront la vie jeunes) en est arrivée là. Lucile, la très belle enfant qui enchaînait les photos pour les campagnes de réclame d’alors, Lucile la jeune fille qui ne disait jamais rien, Lucile qui ne comprenait pas la distance que sa mère avait instauré entre elles, Lucile qui fut soumise au désir de son père, Lucile qui avait du mal à s’en sortir avec le réel…

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