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Un roman qui vient du froid. Alors que nous vivons quelques jours d’un automne estival, voilà un livre qui vous donne des sueurs froides. Vraiment. « Désolations » est le deuxième roman de David Vann, l’auteur récompensé et encensé de  « Sukkwan Island ».

Le décor ? C’est celui de l’Alaska, – David Vann y est né –, au coeur de la péninsule de Kenai, sur les rives d’un lac glaciaire. Là, Gary et Irène ont fait leur vie. Lui, l’ancien étudiant en histoire médiévale a fait tous les métiers sans en réussir un seul. Sa femme, elle, est institutrice et férue de tir à l’arc. Ensemble, ils ont eu deux enfants : Rhoda et Mark. La première travaille chez un vétérinaire et vit avec Jim, un riche dentiste coureur. Proche de ses parents, elle connaît toute la douleur de sa mère d’avoir découvert sa propre mère, suicidée, pendue pour ne pas avoir supporté que son mari parte avec une autre. Et puis il y a Mark. Le fils dilettante. Qui fume, qui boit, qui vit avec Karen et qui travaille sur un bateau de pêche dès que l’argent vient à manquer. Ses parents, ils les voient de temps à autre. Chichement.

Ajoutez à ces personnages celui de Monique et de Carl, et vous obtenez une histoire peu banale dans un décor lunaire et forestier à la fois. Pas rassurant. Monique et Carl sont jeunes, beaux… et en vacances en Alaska. La première fera montre de ses charmes auprès de Jim. Le second ira de déconvenue en déconvenue. De bateau de pêche en usine de poissons avant de rentrer dans la VRAIE Amérique.

Et puis il y cette cabane, autre personnage à part entière de l’histoire. Cette cabane, qui restera bralante et ouverte au vent, c’est la lubie de Gary. Il veut la construire sur Caribou Island et y vivre. Avec Irene. Une idée qui tournera court comme toutes les précédentes…

Au fil des 297 pages d’une écriture dense et vivante, le lecteur se rend rapidement compte que l’aventure ne pourra que mal finir. Le ver est dans le fruit.

Irène tour d’abord. Elle tombe malade. Se plaint de terribles maux de tête comme sa mère avant elle. Mais à cause de quoi ? Les médecins ne peuvent pas répondre tandis qu’elle se gave de calmants. Son couple se désagrège sans qu’elle décide de se battre. C’est trop tard mais elle accompagne quand même Gary dans son délire. Pourquoi ? Pour qui ?

Gary non plus n’en mène pas large. Perdu dans ses rêves évanouis, dans ses envies mortes-nées à cause du quotidien, des enfants, d’Irène…

Page 98 :  » C’était censé d’être qu’une situation temporaire, mais Gary n’avait jamais en l’intention de repartir. Il ne finirait pas sa thèse. Il ne brillerait pas dans son champ d’expertise et cette quête de l’Alaska n’avait été qu’une expression de son désespoir, le village imaginaire un signe que Gary n’avait jamais trouvé une façon de s’intégrer à sa vraie vie. […] Cette cabane était un nouveau mensonge, une nouvelle tentative pour atteindre la pureté, pour trouver la vie rêvée dont il avait besoin parce qu’il avait toujours fui ce qu’il était vraiment ».  

 La cabane, l’île et ce mauvais temps qui s’installe alors que l’été finit à peine… Sur Caribou Island, un terrible huis-clos s’installe. Entre un homme et une femme qui, après 35 ans de vie commune, ne savent plus s’aimer. Ni se parler. Tandis que sur le continent, Rhoda et Jim découvrent aussi les limites des sentiments qu’ils se portent mutuellement.

Page 181 :  » Irène se sentait exaspérée à l’idée d’avoir dû prendre soin de cet homme pendant trente ans. Le poids de ses plaintes, de son impatience, de ses échecs, et en retour rien qu’un vide. Comment tout cela avait-il pu lui sembler normal ? « 

 Au fil des jours, la situation dégénère. Devient dramatique. Des silences, des non-dits et cette nature qui n’en finit pas de devenir hostile. La fin du livre est épique. Et ne laisse personne indemne. Pas même le lecteur !

Bref, un très bon roman. Fort. Noir et puissant.

« Désolations », de David Vann, Gallmeister, 23€.

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