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Rions un peu en attendant la mort, disait Pierre Desproges. Jean-Louis Fournier, l’ami de toujours,  ne dit pas autre chose. Et même pire, il vient d’écrire un livre de 157 pages dans lequel il évoque avec drôlerie et tendresse, la disparition brutale de sa femme, Sylvie. Au fil des pages d’une écriture vive et quelque fois potache,  il nous fait rire en racontant leurs souvenirs communs mais aussi ce qui fait désormais son quotidien de veuf.

 Prendre la vie du bon côté malgré tout a été une idée fixe chez cet auteur à qui on doit notamment  » Où on va, papa ? » , – il y évoquait la vie auprès de ses deux fils handicapés avec un ton qui aura fait le succès du livre mais aura aussi engendré une polémique notamment du côté de la mère de deux garçons aujourd’hui décédés –, ou encore « Poète et paysan » sans oublier   « Grammaire française et impertinente ».

Là, il attaque frontalement un sujet qui relève souvent du privé, de l’intime : la mort d’un être cher, la façon de vivre ( ou pas) avec, la tristesse que la disparition engendre, etc.

 La première page plante le décor en quelques mots  :  » Je suis veuf, Sylvie est morte le 12 novembre. C’est bien triste. Cette année, on n’ira pas faire les soldes ensemble.  »

 Le ton est donné. A vous de vous lasser prendre ( ou pas ) à cette déclaration d’amour envoyée à cette femme disparue brutalement après 40 ans d’amour et de vie commune. Page 10 :  » Sylvie est partie discrètement sur la point des pieds, en faisant un entrechat et le bruit que fait le bonheur en partant« .

Et Jean-Louis Fournier de raconter les épisodes de leur vie commune par de petits textes brefs. De leur rencontre au quotidien des dernières heures passées ensemble. Page 14 :  » Elle a été ma cale, elle m’a empêché de tomber, je me suis tenu droit à ses côtés. Elle m’a décapé, elle m’a poli, elle m’a fait briller. En échange, je l’ai fait rire. Pleurer, aussi. « 

Le lecteur le suit dans son quotidien de veuf, obligé de faire sans, de faire avec… de continuer en somme. On lui offre un livre pour l’aider avec un conseil : une phrase à répéter comme une prière :  » Tous les jours, et à tout point de vue, je vais mieux, de mieux en mieux. «  De quoi permettre à Fournier des pages d’écriture drôles et enlevées. Qui ne le transforme pas en « Veuf joyeux » mais un veuf savoureux, poète et toujours amoureux.

On sourit quand on ne rit pas franchement… Curieux alors que la camarde a fauché sa femme. Et qu’il nous explique qu’il a pris un chat. Qu’il boit le thé avec des veuves pour essayer d’aller mieux. Tout en essayant de faire comprendre à « Madame SFR » que Sylvie ne téléphonera jamais plus !

Page 39 :  » Quand je voulais te mettre en colère je disais que tu étais une bonne ménagère. Tu rangeais tout et je ne retrouvais rien. Aujourd’hui je n’ai plus rien à perdre.  »

Page 120 :   » J’aimerais bien te couvrir d’or comme les reines d’Egypte. Je ne regarde plus les châteaux à vendre, je n’ai plus envie de château, j’ai perdu ma reine. Je suis un vieux roi qui s’emmerde. Mon or ne sert plus à rien. « 

Bref, un joli texte et une jolie déclaration d’amour. Une belle manière de faire son deuil…

« Veuf », de Jean-Louis Fournier, Stock, 157 pages, 15,50€.

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