18 nov 2014
Le capitaine des pieds carrés
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Tribune Nord (3) : et si l’on ré(re)formait les trois premières divisions ? par Jérôme Boissel

Jérôme Boissel

Jérôme Boissel

Dans sa chronique (lire les précédentes très intéressantes ici et ), Jérôme Boissel, notre spécialiste marketing, milite pour une refonte des trois premières divisions françaises. L’occasion de jouer de vrais derbys et de disputer des play-offs afin de susciter l’engouement. Et pourquoi pas ?

Juste avant le dernier Bordeaux – Toulouse, L’Équipe publiait un papier intéressant : « Un derby, vraiment ? » Il y était notamment question du lent mais constant désintérêt pour le « derby de la Garonne », qui opposait à ses grandes heures un Téfécé européen aux tout-puissants Girondins de Bordeaux du duo Bez/Jacquet.

Dans cet article, le Serbe de Toulouse Uros Spajic comparait d’ailleurs les joutes des bords de la Garonne aux derbys Étoile Rouge – Partizan Belgrade. Et pour lui, la version française « n’est pas du tout un derby ».

> Le derby Etoile Rouge – Partizan Belgrade, en vidéo, c’est chaud bouillant. L’occasion de tous les antagonismes et de l’expression de revendications sociales.

En foot :

Et en basket :

Mais au fait, un derby c’est quoi ?

Aujourd’hui, un derby est une rencontre sportive entre deux rivaux voisins. Si l’on remonte aux racines historiques du terme, alors le derby est « un jeu traditionnel de la ville de Derby joué pour Mardi Gras auquel se joignait la totalité des habitants et qui débouchait sur de nombreuses fatalités ». La légende veut qu’en 1829 un observateur français ait déclaré : « Si les Anglais appellent ceci un jeu, il m’est impossible de dire ce qu’ils appelleraient une bagarre ».

Bien entendu, au sens originel du terme, il n’existe pas de vrai derby en France, sauf en Corse si les deux clubs bastiais ou les deux clubs d’Ajaccio se rencontrent. Ce qui existe en revanche dans l’Hexagone, ce sont, peut-être, des rivalités locales plus ou moins historiques. En observant la carte de la Ligue 1, on s’aperçoit qu’il existe cinq pôles de rivalité en Ligue 1.

La carte de la L1 2014-2015

La carte de la L1 2014-2015

  • Le derby du Nord est de retour avec la remontée du RC Lens… Au détriment de la rétrogradation d’un autre acteur nordiste : Valenciennes.
  • La Bretagne avec de multiples confrontations entre l’EAG, le Stade Rennais, le FC Lorient et… Le FC Nantes.
  • La Méditerranée avec les rencontres OGC Nice – AS Monaco… où l’OGC joue quasiment deux fois à la maison.
  • La région Rhône Alpes avec une intensité qui se rapprocherait presque des grands derbys européens entre l’ASSE et l’OL.
  • Et donc le derby de la Garonne qui oppose donc deux rivaux voisins… de 250 kilomètres !

Notons que si l’on ouvrait cette carte aux divisions inférieures, on pourrait inclure les joutes de la Vallée de la Loire entre Orléans, Tours et Angers, la rivalité du Centre entre Châteauroux et Tours, les rivalités du Nord-Est entre Nancy et Metz, Colmar et Strasbourg, sans oublier les chaudes rencontres entre Nîmes et Montpellier.

Mais en gros,  si l’on reste sur le Bordeaux – Toulouse, qualifier ce rendez-vous de derby, c’est comme si, au kilomètre près, on parlait d’un Saint-Pourçain-sur-Sioule comme d’un grand cru des Côtes-du-Rhône… ou si l’on disait que les vraies rillettes seraient faites au Mans (elles sont de Tours, c’est bien connu !)…

En fait, le seul vrai match à forte intensité qui se rapprocherait d’un derby dont la proximité des acteurs ne se limiterait pas à la distance physique mais aussi à l’histoire des villes, de leur territoire et des résultats passés serait la rivalité entre… l’OM et le PSG, deux clubs dont les villes sont séparées par 775 kilomètres !!! En gros, le derby le plus éloigné au monde !!!

> OM – PSG 1993 : l’un des plus bouillants de l’histoire du classico

Le principe de collusion en football

Bon les gars, on se crée un adversaire pour se faire du pognon ?

Bon les gars, on se crée un adversaire pour se faire du pognon ?

Dans leur excellent ouvrage OM – PSG / PSG – OM, Les meilleurs ennemis : enquête sur une rivalité, les journalistes Jean-François Pérès et Daniel Riolo retracent comment l’OM – qui terrassait tout sur son passage à la fin des années 80 et au début des années 90 – et Bernard Tapie en particulier, ont œuvré en coulisse pour qu’un deuxième grand club français voit le jour dans la capitale.

C’est ce qu’on appelle le principe de collusion. Ce principe est fondé sur le fait que les clubs ont besoin des uns et des autres pour créer une compétition. On peut penser, notamment à la coopération qui existe pour l’établissement des calendriers (si je reçois la première journée, je me déplace lors de la dernière, etc…), la réglementation des contrats de joueurs, la discipline et les bonnes pratiques.

D’autre part, si les clubs sont effectivement des adversaires sur le terrain, ils ne se battent pas pour récupérer les supporters des autres. En effet, même si le mythe du supporter « à la vie, à la mort » a pris du plomb dans l’aile depuis quelques décennies, peu de supporters changent radicalement d’allégeance. Nuançons tout de même ce point lorsqu’il s’agit des marchés internationaux.

Enfin, le principe de collusion repose sur le fait qu’une des clés de la réussite des clubs professionnels est de maximiser les revenus des supporters et d’autres parties prenantes (sponsors, collectivités, etc…) et de réinvestir vers les postes joueurs et murs (Le Roy, F., Marques, P. et Robert, F., Compétition et performances – le cas du football français).

N’allez surtout pas croire que le principe de collusion est une spécificité franco-française puisqu’il existe un exemple fameux outre-Rhin : après son troisième titre de Bundesliga (2003), le Borussia Dortmund aurait déposé le bilan si… le Bayern Munich n’avait pas avancé l’argent nécessaire (deux millions d’euros !) pour éviter la faillite de son adversaire. Imaginez un peu si le « mur jaune » avait remporté la finale de la Champions League une dizaine d’années plus tard face au Bayern ?

En fait, le principe de collusion est hyper-important en football : il permet de créer des rivalités de toutes pièces afin de multiplier les matches à enjeu. C’est ainsi que sont nés les classicos PSG – OM, les olympicos OM – OL ou encore les poubellico OM – Naples !

Et si l’on allait jusqu’au bout de l’idée ?

Mais si l’on réfléchit bien, je serai pour une fois d’accord avec les économistes du sport. Pourquoi ne pas r(é)eformer – c’est-à-dire réformant en reformant – les trois premières divisions françaises ?

Aujourd’hui, un poste de dépenses clé dans le budget d’un club de Ligue 2, ce sont les déplacements. L’Équipe a récemment évoqué les distances parcourues par le SC Bastia au cours de la saison de Ligue 1, leur plus gros voyage étant celui de Guingamp… sauf que le SC Bastia touche des droits TV qui permettent de rendre ces trajets moins douloureux. Maintenant, imaginons des distances analogues pour un club corse de Ligue 2 ou même (pire encore) de National. Une véritable fortune. Idem pour n’importe quel petit club du continent.

L’idée avancée ici serait de repenser les trois premiers échelons avec une Ligue 1 à 18 clubs et une Ligue 2A et Ligue 2B de 16 clubs chacune. On passerait ainsi de 58 à 50 clubs (mais quand on regarde les finances des 8 plus petits clubs de National, ce ne serait peut-être pas un mal, n’est-ce pas ?). On pourrait voir la chose ainsi :

  • Les trois derniers de L1 descendent.
  • Les deux premiers des deux poules de L2 montent.
  • La troisième montée est attribuée au terme d’un play-off en deux tours : 1. le 2e du groupe A affronte le 3e du groupe B et inversement ; 2. les vainqueurs de ses deux duels s’affrontent pour l’accession en L1.
  • Deux clubs par groupe de L2 sont rétrogradés à la fin de la saison.

L’intérêt ? Financier d’abord ! Les Ligue 2A et Ligue 2B seraient formées régionalement, réduisant ainsi les distances entre les adversaires. Ceci réduira mécaniquement les dépenses liées au trajet mais devrait également accroître l’intérêt de chaque rencontre.

Avouez qu’un Laval – Arles/Avignon est aussi agréable qu’une morsure à la lèvre. En revanche une division Nord et une division Sud permettrait d’alimenter les rivalités de clocher. Et, théoriquement, si vous faites grimper l’intérêt des rencontres, le public devrait être au rendez-vous… tout comme les investisseurs publics et privés.

Enfin, l’instauration d’un système de play-off – si vanté outre-Manche mais peut-être en rupture avec l’idéal olympique français – permettrait d’impliquer les clubs le plus longtemps possible. En effet, ne seraient pas concernés par la montée les 5 ou 6 premiers mais peut-être les 8 premières équipes jusqu’à la dernière ou l’avant dernière journée de championnat.

Cette proposition a autant de chance d’être adoptée par les vieux loups de la Ligue qu’un enfant gay par le couple Boutin, mais il a au moins le mérite de faire réfléchir. Beaucoup critiquent le système français et la DNCG… Cette r(é)eforme aurait au moins le potentiel de gonfler les caisses des clubs des deuxième et troisième échelons. De quoi satisfaire le gendarme financier… à défaut de convaincre les puristes !



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