21 oct 2014
Le capitaine des pieds carrés
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Tribune Nord (1) : Comment sauver la Ligue 1 par Jérôme Boissel

Jérôme Boissel

Jérôme Boissel

Jérôme Boissel est l’un de nos trois experts qui vont intervenir cette saison en « Tribune Nord », la nouvelle rubrique de votre blog de foot adoré. Une tribune signée par des spécialistes, avec un vrai point de vue argumenté. C’est pointu mais cela vous fera briller dans les débats foot…

Aujourd’hui, notre expert marketing s’arrête sur une question récurrente : comment sauver la Ligue 1 ? Réponse du plus diplômé de l’équipe des Pieds Carrés : « Commencez par prendre des leçons de première année de marketing ! »

Dans son édition du jeudi 9 octobre, le quotidien sportif généraliste L’Equipe – par généraliste, comprenez essentiellement football, rugby et sport automobile… Désolé pour les fans du jeu à XIII et des Dragons Catalans : personne ne sait que vous avez atteint les demi-finales cette année – ouvrait un dossier intitulé : Comment sauver la Ligue 1 ?, avec un Vite, la Ligue 1 coule en titre de sa seconde de couv’.

La Ligue 1 aimerait voir plus grand...

La Ligue 1 aimerait voir plus grand…

Titre prometteur s’il en est, la bouée de sauvetage a vite fait plouf tant l’argumentation des journalistes et des intervenants sentait le réchauffé. Comme le précise très bien Rolland Courbis dans son interview de seconde page : « Je constate que l’on ne fait que constater ».

« Marketing-ment » parlant, à chaque relecture du dossier, je suis navré par une chose : la désolation des responsables de clubs quant aux éléments sur lesquels ils n’ont pas de contrôle…  Alors qu’ils feraient sans doute mieux de proposer des actions qui procureraient de la valeur pour les spectateurs – euh, pardon, consommateurs – dans un souci de répondre à leurs besoins et à leurs attentes afin d’établir des relations de longue durée avec eux. Désolé messieurs Kotler et Armstrong, j’ai plagié votre définition du marketing.

Le macro-environnement marketing pour les « nuls »

Comme vous le savez très bien, le cheval de bataille des clubs français porte essentiellement sur le niveau de taxation des clubs et le montant des charges sociales que les clubs doivent payer et qui les empêchent soi-disant d’être compétitifs par rapport à leurs homologues européens.

Le problème, c’est que ces responsables oublient le B.a.-ba. du marketing : le niveau de taxation et le montant des charges sociales sont des éléments du macro-environnement marketing des clubs.

  • Le macro-environnement, si l’on reprend la définition de Kotler et Armstrong, c’est l’ensemble des « facteurs généraux qui affectent le micro-environnement : démographiques, économiques, naturels, technologiques, politiques et culturels ». Ces facteurs étant « généraux », la pression qu’ils exercent sur les acteurs d’un même marché reste unilatérale. C’est-à-dire que, par exemple, un gouvernement passera des lois ou adoptera tel ou tel système fiscal (facteur politico-légal) et les clubs n’y pourront rien.

J’entends déjà des contestations et, oui, je conçois qu’il existe, sur certains marchés, des lobbies suffisamment puissants pour faire plier une réforme particulière. Mais ce n’est pas le cas du football et encore moins du foot français. A une époque, le G14 a effectivement pu constituer une menace (création d’une super-ligue européenne non affiliée à l’UEFA ni à la FIFA, etc…) mais le mouvement a disparu des radars depuis quelques années déjà.

Bref, si les clubs n’ont pas d’influence réelle sur les facteurs macro-environnementaux, la situation est-elle irrévocable ?

La réponse est non ! D’ailleurs, L’Equipe effectue quelques propositions : certaines sérieuses, d’autres beaucoup plus hilarantes (comme la 10 : recruter un entraîneur argentin fou)…

La chimère de l’animation du spectacle de football

La proposition la plus sérieuse émise par L’Equipe est, selon moi, la plus tristement hilarante : « Proposition 7 : transformer les stades en salles de spectacle » !

Soyons sérieux deux minutes ! Lorsque l’on fait une telle proposition, avec, pour illustration, une photo d’un tifo géant au Camp Nou lors d’un match du Barça, tout est dit ! Les animations peuvent effectivement marcher en Allemagne, en Angleterre ou dans certains clubs très huppés, mais là, il s’agit de sauver la Ligue 1.

En France, seuls Lyon, Marseille et le PSG peuvent vraisemblablement envisager la piste des animations mais croyez-vous franchement que les spectateurs de Lorient, Bastia et compagnie aspirent à des concerts d’avant-match et un festival pyrotechnique d’après-match ?

Les feux d'artifices, c'est bien beau, mais hormis éventuellement au Parc des Princes, cela ne marchera pas...

Les feux d’artifices, c’est bien beau, mais hormis éventuellement au Parc des Princes, cela ne marchera pas…

La réponse est non : ce que veulent ces supporters c’est un trajet rapide et bien signalé vers le stade, une place de parking confortable aux abords du stade, une entrée sans encombre et sans nécessairement être fouillés, des boissons fraîches à la buvette, des sandwiches non-avariés, et un retour rapide à la maison une fois le match terminé.

Evidemment, ces arguments déplaisent aux responsables des clubs car mettre en place une politique marketing de service serait de leur ressort… Et ils ne pourraient pas chercher de coupable à leur incompétence ailleurs qu’au sein de leurs équipes administratives.

Une petite merguez carbonisée ?

Une petite merguez carbonisée ?

Car, c’est une aberration de voir dans quelles conditions certains clubs accueillent leurs spectateurs en 2014 !

D’ailleurs, certains acteurs de l’industrie du loisir l’ont très bien compris : regardez l’accueil au cinéma, au bowling, au théâtre, etc… Le consommateur est au cœur de leurs préoccupations. Et ce sont ces offres ludiques qui font du tort au spectacle de football aujourd’hui.

« Chérie, ça te dit d’aller voir Metz contre Evian ce soir ?

- Euh non merci mon amour, je préfèrerai manger ma propre langue sur un barbecue à Guantanamo Bay ou… à défaut, aller au ciné et manger une crêpe avec toi après…

-  OK, de toute façon j’aurai le résultat sur smartphone après ! »

Voici le processus cognitif de prise de décision pour une sortie le samedi soir !

En outre, pensez à l’équilibre coûts/ recettes de ces animations ! Combien coûte un billet pour un match entre Lorient et Toulouse ? Aucun rapport avec un Stoke contre Newcastle. Or, comment financez ces fameuses animations ? Ce serait complètement suicidaire de la part des clubs… Et pourtant, c’est ce que nous propose les journalistes de L’Equipe et bien d’autres têtes pensantes du football français.

Mais comme me le faisait remarquer le Directeur commercial et marketing (encore une aberration ça, Directeur commercial ET marketing ou comment être juge et partie à la fin d’un exercice commercial…) d’un club : « Démontre-moi par a + b que animations = + de monde au stade et donc + de recettes ? Tu ne peux pas ! »

Et il n’a pas tort : aujourd’hui, personne n’a vérifié la corrélation entre animations et recettes additionnelles. D’ailleurs, peut-être faudrait-il se pencher sur le poids de ces initiatives dans la valeur globale perçue d’un spectacle de football dans l’esprit des spectateurs…

Allez au contact des spectateurs !

Encore une fois, Messieurs les dirigeants des clubs français, agissez en vrais stratèges ! Prenez vos responsabilités, arrêtez de vous lamenter sur le macro-environnement politique et légal, vous êtes incapables – sauf peut-être si vous mettez des bonnets rouges – de faire plier le législateur.

En revanche, revenez aux bases du marketing, faites tout ce qui est en votre pouvoir pour proposer l’expérience de consommation la moins pénible possible à vos spectateurs, et vous verrez, petit à petit, vos recettes augmenteront sur le long terme.

Pour cela, évidemment, il faudrait peut-être aller à la rencontre des spectateurs pour découvrir ce à quoi ils aspirent vraiment… Après tout, le football est un sport de contact, non ?



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