Logements sociaux (1/2) : Saint-Maur-des-Fossés, la ville qui n’en voulait pas



Pour le maire de Saint-Maur-des-Fossés, Henri Plagnol (UIM), Cécile Duflot est la ministre « à abattre » : à peine installée au gouvernement, la ministre du Logement a mis en branle la machine législative pour renforcer la loi SRU (loi de Solidarité et de renouvellement urbain) et multiplier par cinq les amendes pour les communes qui refusent de jouer le jeu (22e engagement du candidat Hollande, lire en bas de page).

 

Opposé, comme son prédécesseur, au developpement intensif du logement social, le maire Henri Plagnol fait circuler une pétition contre le loi Duflot.

Opposé, comme son prédécesseur, au developpement intensif du logement social, le maire de Saint-Maure, Henri Plagnol fait circuler une pétition contre le loi Duflot.

Avec à peine 6,5% de logements sociaux, Saint-Maur-des-Fossé, commune pavillonnaire du Val-de-Marne située à moins de 40 minutes de RER du centre de Paris, est régulièrement épinglée par la Fondation Abbé Pierre. Et brandie en symbole de ces communes qui refusent d’assumer leur part de logements sociaux.

Saint-Maur, la plus mauvaise élève des villes de plus de 50.000 habitants selon la Fondation Abbé Pierre.

 

Avec son taux de 6,5% de logements sociaux en 2012, Saint-Maur-des-Fossés est bien loin des 20% exigés jusqu’ici par la loi SRU.  Un écart que ne compte pas rattraper le député-maire, Henri Plagnol (UMP), qui a fait de l’opposition au renforcement de la loi SRU son cheval de bataille. Même si cet écart de 18,5 points avec les exigences de la loi expose la commune à de très lourdes amendes.

A peine moins virulent que son prédécesseur, Jean-Louis Beaumont, Henri Plagnol voit dans la loi SRU une « menace » visant à « défigurer notre urbanisme ou à porter atteinte à votre tranquillité ». C’est en tout cas ce qu’il décrit sur une pétition datée du 19 septembre, un double feuillet A4 distribué dans la ville où s’opposent, encadrés de jaune vif et de bleu roi, de petite structures d’habitations et d’énormes barres HLM des années 70 barrés d’une croix rouge. Barres qui, à Saint-Maur, n’ont jamais existé.

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Les rues qui quadrillent ce bras de Marne sont de calmes enfilades de petits pavillons. Pour trouver des tours… « il faut bien chercher », s’amuse Jeannine, 80 printemps bien sonnés, dont 40 à Saint-Maur. Quelques unes sont debout, à l’ouest de la ville, le long de la rue du Pont de Créteil : un  « mixte » de 490 logements sociaux et d’habitat privé.

« On était un peu considérés comme le cancer de Saint-Maur »

Valérie, la cinquantaine, qui tient une pharmacie au pied de ces hauts immeubles, n’a pas l’air de s’émouvoir outre mesure de ce « cadre de vie ». « Il y a des petits problèmes, du trafic, on ne va pas le nier… Mais dans les quartiers plus riches aussi », affirme-t-elle. « A une époque, on était un peu considérés comme le cancer de Saint-Maur », témoigne pour sa part Remy Esnoult, l’ancien président de l’amicale des locataires de l’habitat social. Ex-HLM, l’ensemble a été vendu par la ville au bailleur privé spécialisé dans le logement social Imobilière 3 F il y a moins de 5 ans.

Après une réhabilitation bienvenue pour les locataires, « le bailleur veut changer leur nom des immeubles », sourit Remy Esnoult. Que la « cité » devienne « quartier » par la magie d’un nouveau baptême.

Les résidences « Alsaces », au sud de la ville, dernier stock de 719 logements sociaux liquidés par l’Office public de l’habitat de Saint-Maur, n’a pas encore eu droit à sa résurrection.  Les petits immeubles datant des années 70, toujours dans leur jus, portent encore la mention « HLM ». « Ca fait trois ans que les locataires attendent une rénovation », dénonce Christiane, 76 ans, qui « habite en face et que ça ne dérange pas ». Voilà pour les barres qui « défigurent l’urbanisme ».

La résidence Guyemer, sur les quais de Marne. (Photo NR)

La résidence Guyemer, sur les quais de Marne. (Photo NR)

 

Le reste est conforme à la volonté des dernières équipes municipales : petit et « saupoudré ». Loin d’être assez pour répondre aux « 2.000 demandes » de logement social en attente, de l’aveux même de Jacques Leroy (UMP), premier adjoint au maire et président de l’OPHL. « Il y a parmi eux des enfants de Saint-Mauriens, des seniors, des couples qui se séparent et qui doivent trouver un deuxième logement sur la commune », décrit l’élu, en gage de compréhension. Alors bien sûr, la Ville « fait un effort ».

Une dizaine de structures de 20 à 25 logements sont en construction selon lui. Dont une partie seront dédiés au logement social. Loin d’être assez pour prétendre atteindre le seuil de 25% d’ici 2025, qui nécessiteraient l’apparition de « 6000 » logements sociaux supplémentaires, selon le décompte de la municipalité. « Nous n’avons pas de la place », plaide l’adjoint au maire, qui n’est « pas contre la construction de logements sociaux, mais dans les communes qui disposent de terres nues et disponibles », comme certaines de ses voisines… déjà largement pourvues.

 

Plan satellite de Saint-Maur-des-Fossés.

Plan satellite de Saint-Maur-des-Fossés.

 

Saint-Maur est dense, en effet. Mais « des terrains, il y en a », affirme Valérie. A l’est de la commune, un centre universitaire qui a fermé ses portes laisse vide un large triangle de terrains. « La construction de 350 logements est programmée, dont la moitié de social, à l’horizon 2017 », avance Jacques Le Roy. Ainsi q’un gymnase, un collège et d’autres équipements. « On aurait eu la place de faire 1.000 logements sociaux sur ce site, admet l’adjoint au maire. Mais on a fait le choix qu’il reste intégré dans la zone pavillonnaire ».

Il y aurait encore, selon Rémy Esnoult, les quelques terrains préemptés par le conseil général –  et la possibilité de jouer un peu sur la hauteur… « mais 6.000 logements de plus, ça paraît difficile », admet-il. D’autant que pour la municipalité, la priorité est de « préserver » le visage actuel de la commune, « c’est que veulent les Saint-Mauriens, c’est la volonté électorale. C’est une politique qu’on assume », assène Jacques Le Roy..

Henri Plagnol, député-maire UMP de Saint-Maur-des-Fossés.

Jacques Le Roy, adjoint au maire de Saint-Maur-des-Fossés.

 

Dans les rues, les habitants sont partagés… selon qu’ils habitent dans le coeur pavillonnaire ou dans les bouts de la commune un peu laissés pour compte.

10 millions d’euros d’amende… le prix du « confort »

Rencontré dans un café cosy du centre-ville, à quelques pas de la mairie, Christian, 57 ans, est catégorique : « personne de veut de ça (les logements sociaux) ici. C’est une ville calme… Ca fait peur aux gens. Il y a beaucoup de vieux ici ».

Medhi, 38 ans, croisé sur son vélo à l’orée des résidences Alsaces considère lui qu’« il faut bien loger tout le monde ». Et « mélanger les gens », donc construire des logements pour les personnes modestes « aussi dans les beaux quartiers, pour éviter les getthos« .

Personne ne veut de « grandes tours ». Mais « ça ne se construit plus des choses comme ça », affirme pour sa part Christiane, qui a vu sortir de terre les barres des années 70. Ce qui n’empêche pas le maire de brandir l’épouvantail sur sa pétition et verbalement, à chaque fois que l’occasion se présente.

Si la loi Duflot passe, les pénalités infligées à Saint-Maur-des-Fossés s’élèvera à 10 millions d’euros. Le prix du « confort », revendiqué par la majorité des Saint-Mauriens, venus goûter les charmes d’une petite commune pavillonnaire au porte de Paris, rappelle Henri Plagnol. Un « confort » payé à prix d’or : le prix du m2 dépasse 4.500 euros pour un appartement. On est loin, là, du logement social.

 

La promesse

Proposition 22 "Je veux faire plus de logements"
Proposition 22 « Je veux faire plus de logements »

 

L’action

A peine installée au ministère du Logement, la ministre écologiste Cécile Duflot a réaffirmé, le 22 mai 2012, l’engagement de François Hollande de relever le taux minimum de logements sociaux de 20% à 25% dans les villes de plus de 3.500 habitants (1.500 en Île-de-France), et de multiplier par cinq les pénalités pour les communes récalcitrantes. Après un coup d’arrêt lié à des problèmes de procédures, la loi Duflot sur le logement social a été adoptée le 27 novembre à l’Assemblée nationale et par le Sénat le 18 décembre.

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4 réponses à Logements sociaux (1/2) : Saint-Maur-des-Fossés, la ville qui n’en voulait pas

  1. Ping : Logements sociaux (2/2) : Saint-Pierre-des-Corps, la ville qui en faisait trop ? | Hollande, ses promesses et moi

  2. Line dit :

    Juste pour votre gouverne, Saint-Maur des Fossés est une commune du Val de Marne (94) et non de Seine et Marne (77) !!
    Comme j’y vis je peux également vous dire que c’est une ville extrêmement agréable et que je ne souhaite en aucuns cas qu’il y ait des logements sociaux qui défigurent notre ville si calme, si vous voulez des logements sociaux allez dans les villes alentours, Créteil est juste séparé par un pont mais Saint-Maur des Fossés n’est pas une ville pour cas-sociaux !!!
    Merci.

    • djam dit :

      vivre dans un hlm ne fait pas de toi un cas social mais quelqu’un qui n’a pas les moyens de payer un loyer hors de prix, ou mieux quelqu’un qui prefere vivre que de mettre tout son argent dans un appartement ou finalement tu ne fais que dormir

      • assez_hlm dit :

        il suffit de regarder les communes qui ont des hlm et vous constateriez vous même les problèmes sociaux que cela engendre. j’ai payé mon appart à 4700 euros/m² à saint maur et c’est le prix de la tranquillité, et s’il faut payer l’amende de 10 Millions on l’a payera !!! car la tranquillité et la sécurité n’a pas de prix.

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