Les maires cherchent leur rythme (scolaire)



« La semaine de 4,5 jours est bénéfique pour les enfants. » La phrase est rabachée, remachée, répétée. Sur le principe, les maires sont globalement d’accord : la réforme des rythmes scolaires (engagement 38, lire en bas) est nécessaire. Mais le flou entourant son application, les difficultés organisationnelles et le surcoût pour leurs communes en ont découragé certains.

Le gouvernement a créé un fonds de 250 millions d'euros pour aider les communes à mettre la réforme en oeuvre. (Photo archives NR)

Le gouvernement a créé un fonds de 250 millions d’euros pour aider les communes à mettre la réforme en oeuvre. (Photo archives NR)

C’est le cas d’Alain Pasquer, maire PS du Blanc (Indre), qui a choisi de reporter la réforme à 2014. S’il souligne que sa petite ville de 7.000 habitants a « toujours été candidate aux aménagements de rythmes scolaires », il dénonce cette fois une « mise en oeuvre précipitée ». Selon lui, l’école le mercredi matin aura pour conséquence de condenser toutes les activités culturelles et sportives des enfants le mercredi après-midi et de « surcharger leur semaine ». L’inverse de l’objectif affiché. « Il est parfois important de ne rien faire, de se détendre avec un bouquin », avance cet ancien enseignant.

« J’ai participé aux travaux de la commission sur la refondation de l’école l’été dernier, et tout le monde était d’accord pour cette semaine de 4,5 jours », rétorque Pierre-Alain Roiron, maire PS de Langeais (Indre-et-Loire, 4.000 habitants) et vice-président de l’Association des maires de France. « Si on pense que c’est une bonne réforme, faisons là dès 2013 ! »

« Recruter un éducateur sportif dans une ville de 300.000 habitants, c’est facile ! »

Dans sa commune comme à Montmorillon (Vienne, 6.500 habitants) et à Thouars (Deux-Sèvres, 10.000 habitants), les écoliers reprendront le chemin de la classe le mercredi en septembre prochain. « En 2008, nous sommes passés à quatre jours contraints et forcés », avance Yves Bouloux, maire centriste de Montmorillon, « nous n’avons aucune raison d’attendre 2014″. Patrice Pineau, maire PS de Thouars fait le même raisonnement : « Nous voulions rester aux 4,5 jours en 2008, il est logique que l’on souhaite y revenir ».

Tous regrettent en revanche le flou qui règne autour de l’application de la réforme. Où placer les activités péri-éducatives prévues dans les nouveaux emplois du temps ? Peut-on substituer le samedi au mercredi ? Les communes devront-elles assumer de nouvelles charges ? En tant que président de l’Association des maires de France de la Vienne, Yves Bouloux a organisé des réunions d’information à destination des maires. Et « l’attente était très forte », malgré le guide pratique adressé aux communes par Vincent Peillon.

Car l’organisation l’organisation des activités péri-éducatives, qui devront désormais être proposés aux enfants plusieurs heures par semaine, pose question, principalement dans les territoires ruraux. Autour du Blanc, les écoles d’une même communauté de communes se situent parfois à une plus vingt kilomètres l’une de l’autre. « Recruter un éducateur sportif dans une ville de 300.000 habitants, c’est facile. Mais le recruter pour quinze enfants dans une commune alors qu’on a besoin de lui en même temps pour dix autres enfants dans une autre commune, c’est une autre histoire », lance Alain Pasquer. Le maire pointe également la difficulté de recruter des personnes qualifiées pour les services de cantine, de garderie et de transports.

« Nous allons monter en puissance petit à petit »

Alors, partout, les élus se concertent avec les conseils d’école, les parents d’élèves et les associations pour trouver des solutions. « Il n’est pas sûr que le projet éducatif de Thouars soit prêt de façon optimale dès la prochaine rentrée », concède pourtant Patrice Pineau, « nous allons monter en puissance petit à petit ».

Mais au delà, ce sont bien les questions d’argent qui nourrissent les inquiétudes. Le fonds de 250 millions d’euros mis en place par le gouvernement pour venir en aide aux communes qui changeront de rythmes scolaires dès 2013 est jugé insuffisant.

Les maires demandent au ministre de pérenniser ces aides pour compenser le surcoût. Mais pour le moment, Vincent Peillon ne leur a donné aucune garantie. « Comme c’est un fond d’incitation, pour l’instant il n’est pas pérenne, mais rien n’est fixé », déclarait-il à la Nouvelle République le 15 février.

Un arrêt de cette aide financière l’année prochaine serait « scandaleux au regard de la mission régalienne de l’Etat en matière d’éducation », estime Alain Pasquer, qui a chiffré le surcoût pour sa communauté de communes à 200.000 euros.

« Investir dans la jeunesse ne devrait pas nous retenir »

Les chiffres diffèrent selon les communes. A Thouars, la réforme devrait coûter « seulement » 10.000 euros pour la première année, selon le maire. Une somme « largement absorbable » par le budget communal, et qui ne devrait pas entraîner de hausse d’impôts. Les aides gouvernementales devraient donc principalement bénéficier aux municipalités sous-dotées.

Le maire de Langeais, qui chiffre le coût à 30.000 euros, trouve qu’ « investir dans la jeunesse ne devrait pas nous retenir », et se dit prêt à « faire des économies sur d’autres aspects ». « J’entends tout et n’importe quoi se dire sur cette réforme ! », s’emporte-t-il. Et de préciser qu’il n’aura plus à financer le centre de loisirs le mercredi matin « puisque les enfants seront à l’école »… ni la cantine « puisque l’école s’arrête à midi ».

« Je me mets à la place des pouvoirs publics, ce n’est pas simple », compatit Alain Pasquer. « Ce n’est pas pour rien que l’on butte sur cette question des rythmes scolaires depuis trente ans sans pouvoir la résoudre ».

 

La promesse

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L’action

Dès l’été 2012, le ministre de l’Education Vincent Peillon a installé une commission destinée à formuler des propositions pour « refonder l’école ». Parmi elles figurait la semaine à 4,5 jours pour tous les écoliers. La mesure a été promulguée par décret le 26 janvier 2013.

Il prévoit une semaine de 24 heures d’enseignement sur cinq jours à l’école primaire, chaque journée de cours ne pouvant pas excéder 5h30. Les pauses méridiennes doit être au minimum de 1h30.

Les communes ont la possibilité de reporter l’application de la réforme à septembre 2014. Dans ce cas, elles ne toucheront pas d’aides. Elles ont jusqu’au 31 mars pour se déterminer.

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