« L’année sacrifiée » des futurs profs



A l’IUFM de Tours, les étudiants sont mitigés sur le grand chamboulement opéré par Vincent Peillon dans leur formation. Si les futurs enseignants s’accordent à dire que le retour à la pratique était indispensable, ils critiquent le chaos dans lequel s’opère la transition.

Elsa, 22 ans, se prépare au CAPES d'Histoire-géographie.

Elsa, 22 ans, se prépare au CAPES d’Histoire-géographie.

« C’est l’année sacrifiée, l’année de l’arnaque ! » tonne Elsa, 22 ans, qui se destine à devenir professeure d’Histoire-Géographie. « On s’est inscrit en master pour un certain programme, un certain calendrier, et au bout d’un mois et demi de cours on nous a annoncé que tout allait changer, sans savoir dans quels termes », explique l’étudiante. A côté d’elle, ses amis acquièscent.

Ce grand chambardement vient de la réforme portée par Vincent Peillon, qui vise à rendre la formation des futurs enseignant plus professionnalisante. Elsa est en première année de master, celle qui devra subir la transition entre l’ancien système et le nouveau.

Cinq mois de moins pour réviser

Jusqu’à l’an dernier, les écrits du concours avaient lieu en novembre, et les oraux en juin. Mais en 2013, les étudiants devront plancher sur les écrits en juin, et passer les oraux seulement un an après, à la fin de leur formation. « C’est un peu injuste », commente Adrien, 21 ans, futur professeur d’Histoire-géographie, « on a cinq mois de moins que prévu pour réviser ».

Pour Adrien, 21 ans, la rémunération de la formation est "motivante".

Pour Adrien, 21 ans, la rémunération de la formation est « motivante ».

Entre les cours, leur mémoire de recherche, les séminaires d’Histoire et la préparation du Capes, « on est en mode marathon« , résume Elsa. « Pour ceux qui arriveront l’an prochain, quand les maquettes de cours auront pris en compte ces changements, ce sera tout bénef ».

Tous les deux regrettent aussi la supression du stage pratique d’un mois, qui devait leur donner une première expérience en classe. « On a juste fait un stage d’observation en début d’année, mais on n’est pas confronté à la réalité du terrain », déplore Adrien.

On ne sera pas lâchés dans la fosse aux lions !

Ce n’est que partie remise. Car s’ils réussissent le concours écrit en juin, les étudiants pourront prendre une classe en responsabilité l’année prochaine, à raison de six heures par semaine, et sous l’égide d’un tuteur.

Pour Adrien, « ça motive encore plus ». Elsa estime qu’ils seront ainsi « mieux préparés pour l’oral », durant lequel ils devront notamment donner un cours au jury. Et « comme on sera affecté près de chez nous, on ne sera pas lâchés dans la fosse aux lions ! », se rassure-t-elle.

D’autant que cette année de stage sera rémunérée, un argument non négligeable. « Quand on arrive à 22 ou 23 ans, avoir une aide financière est important », assure Elsa, « car on a besoin d’être indépendants. » Quand aux nouvelles écoles supérieures du professorat et de l’éducation, elle ne seront que des « IUFM new look, avec un nom plus brillant ».

L’éducation est importante, il faut bien que quelqu’un s’y colle !

Adrien espère que ces paillettes – et surtout la nouvelle formation – susciteront un regain de vocations. « La difficulté des concours, mais aussi les médias qui évoquent des agressions envers les professeurs et l’irrespect de la part des adolescent découragent beaucoup les candidats », regrette-t-il.

Lui a eu le raisonnement inverse. Ce jeune géographe s’était d’abord dirigé vers l’aménagement du territoire avant de changer de filière. « Je me suis rendu compte qu’il n’y avait aucune perspective d’emploi dans cette branche », raconte-t-il, « et finalement je me plais bien mieux dans l’enseignement ».

Idem pour Elsa. La jeune femme voulait s’orienter vers un doctorat pour devenir historienne. Mais « à un moment donné, il faut bien se mettre à travailler », et « l’éducation est tellement importante, il faut bien que quelqu’un s’y colle ! » Quitte à servir de « cobayes » au gouvernement.

 

La promesse

 

Les déclarations de campagne

Le 16 avril 2012, Vincent Peillon déclarait dans une interview au Monde : « La formation initiale et continue des enseignants a été détruite ces dernières années. (…) Nous allons recréer cette formation avec une ambition aussi grande que celle qui avait présidé au début de la IIIe République à l’établissement des écoles normales qui ont permis la mise en œuvre de l’école obligatoire, gratuite, laïque. »

Il prévoyait déjà, en cas de victoire à la présidentielle, la création d’écoles supérieures du professorat et de l’éducation (Espé), le rétablissement d’une véritable année de stage et le dispositif « emplois d’avenir » pour l’éducation nationale.

L’action

Le ministre de l’Education a présenté le 23 janvier son projet de loi pour la refondation de l’école. Il met en place les Espé, chamboule le calendrier des épreuves pour le concours de recrutement des enseignants, et donne la possibilité aux étudiants de prendre une classe en responsabilité six heures par semaine durant la dernière année de formation.

Concrètement, un étudiant ayant validé une licence pourra s’inscrire en master Métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation. Au bout d’une année, il pourra présenter les écrits du concours. S’il est admissible commence alors une année de formation dans une Espé, pendant laquelle il pourra se retrouver face à une classe. Puis, en juin seulement, il présentera les oraux du concours. S’il est reçu, le voilà professeur.

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Une réponse à « L’année sacrifiée » des futurs profs

  1. Gautier Arnaud dit :

    Un peu facile pour ces étudiants en M1 de parler de génération sacrifiée. Oublient-ils déjà les 3 générations passées par la masterisation version Sarkozy et qui n’ont disposé que d’un stage d’un mois rémunéré en M2? (contre un tiers-temps payé mi-temps pour ces M1 futurs M2)

    L’argument des 5 mois en mois ne me semble pas vraiment défendable non plus puisque la préparation aux écrits se faisait à 95% en M1 même lorsque ceux-ci avaient lieu en novembre l’année du M2 et les deux mois de cours en M2 constituaient du rebrassage pour l’essentiel des cours. Malgré tout, je suis d’accord pour dire du M1 qu’il s’agit d’une année extrêmement chargée et qu’avancer le concours ne fait qu’alourdir celle-ci, mais il est bien naïf de croire que les maquettes seront idéales pour les étudiants dès l’an prochain car une maquette n’est jamais parfaite la première année et la prochaine promo de M1 essuiera tout autant les plâtres des réformes que les autres.

    Merci enfin de signaler que les IUFM existent toujours, contrairement à cette contre-vérité récurrente que l’on entendait partout, à savoir que les IUFM n’existaient plus et que Peillon allait les rétablir. Etudiants du CRPE, Capétiens, Agrégés, professeurs stagiaires, tous ces publics continuaient d’assister à des cours dans les IUFM.

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