Les catholiques, pas tous opposés au mariage des homosexuels… Parole de curé



Alors que la hiérarchie catholique tente de peser de tout son poids pour s’opposer au projet de loi sur le mariage des couples homosexuels, multipliant les tribunes, activant ses réseaux, poussant ses ouailles dans la rue, de plus en plus de catholiques font entendre une voix discordante en affirmant leur soutien au projet de loi du gouvernement. Parmi ceux qui « ne se reconnaissent pas dans cette Eglise », le prêtre du diocèse de Quimper, Laurent Laot.

Laurent Laot, prêtre du dioscèse de Quimper, s'oppose à la position de l'église. (Photo Le Télégramme)

Laurent Laot, prêtre à Quimper, s’oppose à la position de l’église. (Photo Le Télégramme)

Laurent Laot est prêtre, et érudit. Né à Bourg-Blang, fief du bas Léon, bastion catholique breton, et grandi sur les bancs de Sciences-Po. Curé de campagne, et « pour le mariage des homosexuels », même s’il se pose « plus de questions sur la parentalité ».

Même si, en juillet dernier, 45% des catholiques se déclaraient favorable au mariage pour tous, ce n’est pas une évidence, eu égard à la vision traditionnaliste du mariage, de la famille et de la filiation défendue par l’Eglise. Début janvier, les directeurs de Témoignage Chrétien, Jean-Pierre Mignard et Bernard Stephan, ont parlé au nom de ces catholiques favorables au mariage des homosexuels – souvent plus réservés sur la filiation. Dans une tribune publiée dans Le Monde, ils appellent à « une église pour tous », au nom de la tolérance, de l’évolution de la notion de mariage et de famille, de la reconnaissance de notre « société laïque ».

Laurent Laot, lui, s’est nourri de longues réflexions sur l’anthropologie, sur la science politique, des écrits de la sociologue Irène Théry, et surtout de l’article 1 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme qui dit : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. »

 

Article premier de la Déclaration universelle des Droits de l'Homme

Article premier de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme

 

« L’histoire a chargé le mot mariage de beaucoup de symboliques, pour les catholiques en particulier. Mais on oublie que l’objet de la loi, c’est le contrat civil », argumente-t-il. « Il n’a cessé de bouger ».

74 ans de réflexion et voilà le Quimpérois, bonhomme tout en rondeur, qui porte la plume contre l’avis de l’Eglise. Le 9 décembre 2012, il publie une lettre ouverte aux évêques de l’Eglise catholique en France.

« C’est parti d’un constat à multiples facettes », explique-t-il d’une voix ralentie par la nécessité de se faire bien comprendre. En premier lieu, le changement de ton perçu lors de la conférence des évêques de France, début novembre à Lourdes, où le Cardinal André Vingt-Trois, dans son discours de clôture, encourage « les catholiques de notre pays  […] à parler, à écrire, à agir, à se manifester…« , considéré comme « un engagement pour la promotion d’un bien commun pour notre société ».

 

Extrait du discours de Mgr Vingt-Trois, prononcé le 8 novembre à la clôture de la conférence des évêques de France

Extrait du discours de Mgr Vingt-Trois, prononcé le 8 novembre à la clôture de la conférence des évêques de France.

 

« C’est comme si tous les évêques s’étaient alignés sur une position que tous au sein de l’Eglise doivent tenir, alors qu’au sein de la communauté, certains pensent différemment« , regrette Laurent Laot. Plus grave, selon lui, Mgr Vingt-Trois appelle sans fard à « faire pression sur le législateur« . Pas du goût du curé de Quimper, qui a appris la laïcité sur le tard, mais ne la lâche plus. « Ce n’est pas la rue qui fait la loi, ce n’est pas l’église, c’est le parlement! ». Pour un peu, l’homme d’église se départirait de son calme.

« Les autorités religieuses ont à s’exprimer sur le sujet, mais pas ainsi »

« Je comprends qu’il y ait un « non » à la perspective du mariage pour tous, et les autorités religieuses ont à s’exprimer »,  s’apaise-t-il. Mais pas ainsi. Ce qui lui pose problème, « c’est la forme qu’il prend ». Pas de place au débat, interventionnisme dans le processus législatif, propos et attitude qui laissent « peu de considération pour ceux qui sont pour… alors que le sens de l’autre fait parti du sens de l’humain » prôné par les religions.

Pourtant, les voix catholiques qui se sont élevées à l’approche de la manifestion contre le mariage pour tous, le 13 janvier, existent bel et bien. Comme Laurent Laot jusqu’à ce 9 décembre, comme Elie Geffray, curé de Saint-Brieuc, plutôt  « contre le projet » « d’un point de vue anthropologique » mais « pour une législation » « d’un point de vue politique », et qui, comme maire du village d’Eréac, célébrera des mariages homo, comme l’attaché parlementaire Guillaume Crépin, catholique fervent, qui a lancé une pétition « Jeunes, cathos, pour l’égalité »,  comme les directeurs de la revue catholique Témoignage Chrétien, elles disent ne pas se reconnaître dans « cette » église qui pousse les gens dans la rue contre le mariage « pour tous » et vérouille tout débat au sein de la communauté.

Pour conclure, Laurent Laot, cite Mgrs Schmitt, qui en 1975, au lendemain du vote de la loi Veil relative à l’IVG, contre laquelle l’Eglise s’était prononcée, lançait un appel à la tolérance :

« D’aucun risque de s’en prendre au législateur et de condamner sans recours la loi. Il n’est sans doute pas bon en ce domaine comme en d’autres, de se substituer à la conscience d’autrui. Le pouvoir politique a sa consistance propre et ses responsabilités spécifiques. »

« C’est ça que je voudrais entendre aujourd’hui », avoue Laurent Laot.

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