Homosexuels et parents, une réalité, avec ou sans loi



A peine lancé sur les bancs de l’Assemblée nationale, la promesse 31 du candidat Hollande (lire en bas de page), devenue projet de loi sur le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels, a levé un front d’opposants. Catholiques en tête, ils mènent une campagne à coup de manifestations et de campagnes médiatiques. De leur côté, les partisans du « mariage pour tous », selon la terminologie gouvernementale, demande l’égalité des droits : en matière de couple, mais aussi de parentalité. Alors que la France s’écharpe sur le sujet, des enfants grandissent au sein de couples homosexuels.

Nathalie, Nadine et Eliot, portrait de famille

Nathalie, Nadine et Eliot, portrait de famille. (Photo NR)

  

« Pour sonner c’est facile : il y a trois noms sur la sonnette ». Colocation, famille recomposée ? Nadine et Nathalie préfèrent « famille composée ». De deux mamans, d’un bambin, d’un père « hors foyer », de trois ados qui passent à l’occasion… Voilà pour le noyau dur.

Nathalie, 31 ans, fait ses premiers pas de mère de famille ; Nadine, 53 ans, a déjà élevé trois enfants avec un compagnon, dont elle s’est séparée avant de rencontrer Nathalie ; Anthony, 24 ans, se rêvait papa : il l’est, un peu « beau-papa » aussi. Un exemple parmi tant d’autres de famille homosexuelle.

« Je vois pas de différence avec une famille hétérosexuelle »

Nadine, du haut de sa « première vie », l’affirme sans ambage « aucune différence avec une famille hétérosexuelle ». Surtout que les familles d’aujourd’hui, quelque soit l’orientation sexuelle des parents, sont multiformes. C’est ce que martèle en boucle les associations et les défenseurs de la loi sur le « mariage pour tous » :  familles mono-parentale, familles recomposées, familles homoparentales… le modèle traditionnel cher aux pourfendeurs de la loi n’est plus qu’un cas parmi d’autres. Et des parents homosexuels, c’est une réalité pour « au moins 30.000 enfants » rappelle Dominique Boren, président de l’Association des parents gays et lesbiens. C’est en tout cas celle d’Eliot, 18 mois, tout en boucles et en sourires.

C’est l’heure du goûter. Eliot a pris sa place autour de la table basse du salon, dans son fauteuil XXS, entre ses deux mamans. L’une, Nathalie, est sa mère biologique. L’autre, Nadine, est sa « mère sociale », puisqu’il faut bien nommer les choses. « Papa » est à Paris, où il finit ses études. « Un peu comme un papa divorcé, il s’occupe d’Eliot un week-end sur deux et une partie des vacances », explique Nathalie. Le principe de cette garde partagée a été décidée avant même la conception, quand Nadine et Nathalie ont décidé de saisir la proposition d’Anthony – insémination ‘ »artisanale », et parentalité partagée.

« Nous sommes obligés de palier les vides juridiques, d’inventer un système à nous, de prévenir les accidents de la vie : séparation, accident, décès… »

Sans l’aide d’un cadre légal, les futurs parents se sont entendu sur une « charte de co-parentalité ». Modalité financière, partage des gardes, prises de décisions, fêtes familiale… « Il faut penser à tout, précise Nathalie. Nous sommes obligés de palier les vides juridiques, d’imaginer un système à nous. » Et d’envisager les accidents de la vie. Car en cas d’accident ou de séparation houleuse, seules Nathalie et Antony sont assurés juridiquement d’un lien avec Eliot.  Pour aider les co-parents l’APGL propose une trame de charte d’engagement parental.

Exemple de charte d’engagement parental

 

 Pour Nathalie et Nadine, le projet de loi porté par la nouvelle majorité est « un début ». Mais on est loin selon elles « d’atteindre le principe d’égalité ». Manque notamment l’accès à la procréation médicalement assistée, sortie du projet de loi pour être étudiée plus tard dans le cadre d’une réforme générale sur la famille, et dont les couples hétérosexuels mariés ou justifiant d’au moins deux ans de concubinage peuvent bénéficier. « Aujourd’hui les femmes homosexuelles sont contraintes d’aller en Belgique pour bénéficier d’une PMA. C’est une démarche coûteuse, car il y a de nombreux aller-retours à faire entre la France et la Belgique, et dangereuse, et peu de gynécologue français acceptent de suivre ces femmes, le suivi médical est parfois très fragile…. », explique Nadine.

Elles regrettent aussi qu’il n’y est rien « sur le statut du deuxième parent », et plus largement sur la co-parentalité ». « Le mariage ce n’est pas ça qui compte pour nous », explique Nathalie, exaspérée par les opposants au projet de loi qui « s’accroche » à ce mot. « Ce que l’on veut c’est un cadre légal pour l’enfant, un statut pour Nadine », résume-t-elle simplement. Pour elle il est urgent de « repenser la loi pour prendre en compte les familles recomposées et les situations complexes : certains parents, beaux-parents hétérosexuels ou parents homosexuels, élèvent un enfant pendant 10 et, après une séparation, ne peuvent plus jamais les revoirs. »

A Paris ou en région (ici à Tours), les partisans du "mariage pour tous" réclament l'égalité des droits. (Photo NR, P. Deschamps)

A Paris ou en région (ici à Tours), les partisans du « mariage pour tous » réclament l’égalité des droits. (Photo NR, P. Deschamps)

Sur le site de l’association Les enfants arc en ciel, les témoignages abondent. Anne, maman « sociale » d’une petite fille de 6 ans, raconte la non-reconnaissance de son statut de parent à l’école ; Stéphanie, maman d’un petit garçon, la douleur des allers-retours en Belgique pour la PMA : « Entre les rendez-vous (4), les IAD (au nombre de 6) et la FIV, nous avons fait 11 voyages pour accéder au droit d’être MAMANS ! Ce chemin a été long, douloureux, coûteux… » ; Emmanuelle, maman d’une fillette de 5 ans, réagit aux manifestations contre le mariage pour tous : « Quand j’entends la violence des mots proférés sans complexe ces derniers mois, je revois l’ado que j’étais. Cela aurait achevé de me désespérer… »

« J’ai ressenti beaucoup d’homophobie pendant ces manifs« , remarque Nathalie. En tant que membre d’un réseau de soutien aux victimes d’homophobie, elle a constaté, comme l’association Le Refuge, une forte hausse des signalements et des appels de détresse depuis décembre. La faute à une parole homophobe de plus en plus décomplexée, qui touche les ados qui se cherchent. « Si nos enfants rencontrent des difficultés, ce sera à cause de ce type de préjugés« , prévient Nathalie.

 Comme beaucoup d’autres, Nadine, Nathalie et Eliot participent aux manifestations en faveur du mariage pour tous « On demande juste l’égalité des droits, rappelle Nathalie. Les gens qui ont manifesté le 13 janvier ont leur valeurs, c’est leur problème. Nous on ne se mêle pas de ce qui se passe dans leur famille, de comment ils élèvent leurs enfants, qu’il nous laissent élever les nôtres dans un cadre légal. Ca ne leur enlève rien. » 

« Plutôt sereine  » quant à l’adoption du projet de loi suite au débat au parlement qui commence le 29 janvier, elle redoute un retour du climat homophobe à l’occasion des discussions sur la PMA, prévue pour mars. « Il faudrait une parole politique ferme par rapport à certains propos, aux débordements », appelle-t-elle. Surtout, la possibilité est grande que ce soit l’occasion d’un enterrement discret. Nathalie Mestre, présidente de l’association Les enfants arc-en-ciel, « ne croit pas vraiment à une loi en deux temps ». « Il y a beaucoup d’autres choses à traiter dans le pays, les gens sont lassés de ce débat », explique-t-elle.  Natalie et Nadine, elle espèrer que « dans dix, vingt ans », on n’en parlera plus. Et qu’Eliot sera libre de se marier ou non, d’avoir des enfants ou non, quelque soit le sexe de son conjoint… 

La promesse

 

Les déclarations de campagne

Dans une interview au magazine féminin Grazia, paru le 24 février 2012, François Hollande s’engageait à aller plus loin que le mariage et l’adoption, en évoquant le statut de beau-parent et l’accès pour les femmes homosexuelles à la procréation médicalement assistée.

Vous vous prononcez en faveur de l’assistance médicale à la procréation et du mariage gay. Vous avez une conception de la famille qui n’est pas exactement la même que celle de vos adversaires… « 

« La famille a évolué. Nos grands-parents se mariaient à 20 ans, finissaient leur vie ensemble ; le divorce était rare. Aujourd’hui, c’est très différent, et il convient d’accorder —j’y veillerai — un statut aux beaux-parents. Ils doivent avoir des droits en cas de disparition du père ou de la mère naturelle, pouvoir adopter, transmettre une partie de leurs biens. Je ne porte pas de jugement de valeurs, je ne fais pas de hiérarchie entre les familles. C’est pour ça qu’en matière de procréation médicale assistée, une femme doit pouvoir y recourir, soit parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant, soit parce qu’elle ne souhaite pas avoir une relation avec un homme.  »

L’action

Le projet de loi présenté le 7 novembre au conseil des ministres prévoit d’ouvrir « le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de l’adoption. Ce sont donc à titre principal les dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui sont modifiées ainsi que celles relatives au nom de famille, qui nécessitent des adaptations », selon l’exposé des motifs.

Projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples du même sexe

En ouvrant le mariage au personnes de même sexe et l’adoption aux couples homosexuels mariés, François Hollande se tient à l’engagement pris dans son programme de campagne

Il a en revanche reculé sur le statut du beau-parent, qui concerne aussi les parents hétérosexuels, et l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) au femmes célibataire et/ou homosexuelle. Ces deux mesures ont été sorties du projet de loi pour être étudiées dans le cadre d’une réforme plus large sur la famille, qui devrait voir le jour fin mars.

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3 réponses à Homosexuels et parents, une réalité, avec ou sans loi

  1. blondel dit :

    après le « MARIAGE POUR TOUS » on veut « LA RETRAITE POUR TOUTES » les mères de familles composées ou recomposées, hétero ou homo, ayant les mêmes devoirs selon l’art 213 du code civil, alors que la loi 1646-2009 (24-12-2009) discrimine les belles mères qui élèvent des enfants dont elles n’ont pas accouché !

  2. Phil dit :

    100% avec blondel, je viens de rentrer et france, j’apprends que la loi a été voté ..

    C’est une vrai avancé pour la france, félicitation !

    Phil, du site net ref

  3. normal 2 dit :

    Si pour les « socialistes » la famille se résume à ça,

    en tattendant la commercialisation des enfants, comme des chiots !

    c’est la pleine décadence, il vont tout détruire

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