Ces familles qui se sentent menacées par le « mariage pour tous »



Veste en cuir pour lui, baladeurs et baskets pour ses deux ados. Ce matin du 13 janvier, assis au fond de l’un de six cars au départ de Tours pour Paris et la « Manif pour tous », grand raout des opposants au mariage des couples homosexuels, Jean-Christophe Pittet n’a pas les attributs du catholique passéiste.

Le Tourangeaux Jean-Christophe Pittet était parmi les 340 à 800.000 opposant au mariage homosexuel qui ont défilé le 13 janvier à Paris.

Le Tourangeau Jean-Christophe Pittet était parmi les 340 à 800.000 opposants au mariage homosexuel qui ont défilé le 13 janvier à Paris.

Sur les trois banquettes devant lui, cinq enfants blonds et bleu marine, barette et chemisette, sages ; devant eux leurs parents, à leur image ; plus loin un trentenaire, chemise bleu clair, cheveux coupé court ; de l’autre côté de l’allée, un frère en robe crème, un quadragénaire en pull fushia. Trois heures de route entre Tours et Paris. Pas un bruit.

Jean-Christophe Pittet a six enfants, âgés « de 11 à 25 ans » – deux sont à ses côtés, le petit est à la maison, la grande « beaucoup plus militante que lui », est partie de Nantes, la veille, pour participer au service d’ordre de la manifestation. Avec son épouse, « auxiliaire de vie et tapissière », ils forment une famille « catholique, pratiquante, mais pas régulièrement », plutôt « indépendante » des réseaux militants. Politiquement, disons que ce chef d’entreprise trouve que « deux mesures phares de Hollande : la taxe à plus de 75% et le mariage pour tous » sont des inepties.

Le projet de loi sur le mariage et l’adoption des couples homosexuels, il y est opposé. Pas par ce qu’il renie aux homosexuels le droit de s’aimer, assure-t-il – le Pacs, il n’était « pas contre » – mais parce qu’il redoute qu’en touchant au mariage, « une institution ancestrale », on ne mette à bas la notion même de famille. Sa notion de famille, avec « un père et une mère ».

Guilhem, Jean-Christophe et Constance Pittet, venus ensemble à Paris défendre leur modèle familial.

Guilhem, Jean-Christophe et Constance Pittet, venus ensemble à Paris défendre leur modèle familial.

La famille, pour ce Tourangeau de 48 ans qui a fondé sa boite de dermato-cosmétologie, c’est « un repère dans un monde qui bouge très vite ». Repère qu’il refuse de voir bouger. Les divorces, les familles recomposées (1,2 millions d’enfants), les familles monoparentales, les enfants nés hors mariage (56% des naissances en 2012), les 10 à 30.000 enfants élevés par des couples homosexuels, il ne nie pas leur réalité. Mais continue, malgré les chiffres, à considérer cela comme marginal, des « accidents », dont il ne faut « pas faire une norme ».

« Ca m’ennuie qu’on appelle ça mariage », lâche-t-il finalement. Pour lui, le « mariage » « appartient » aux familles, qui dans sa vision « de l’héritage de la France », ne peuvent être fondées que par un couple hétérosexuel. Et de renvoyer dans les cordes égalitaristes, féministes, et autres défenseurs de la parité : pour lui une femme et un homme, qui se « déclinent naturellement comme un père et une mère », présente des différences « dans la manifestation de l’affection, la psychologie »… Différence que, selon lui, il ne peut y avoir entre deux personnes de même sexe.

Pour les opposants au mariage gay, aucun autre modèle familial que le couple père-mère mariés n'est acceptable.

Pour les opposants au mariage gay, aucun autre modèle familial que le couple père-mère mariés n’est acceptable.

S’il a fait quatre heures de route sur une banquette au fond d’un bus, alors qu’il aurait « préféré venir en moto », c’est pour se retrouver avec d’autres familles, identiques à celles dessinées naïvement sur les drapeaux agités durant la manifestation des opposants au mariage pour tous ce dimanche 13 janvier : un homme, une femme, deux enfants. Une famille « modèle ». Un « modèle »auquel, comme les milliers d’autres parents, pour la plupart eux aussi catholiques, venus manifester, il s’accroche. C’est pour lui ce qui « aide l’adulte à se construire ». Ce qui le définit. Pour lui, hors de question d’admettre que c’est un modèle dépassé, même si les nouveaux s’affichent en vitrine.

 

La promesse

 

 

Les déclarations de campagne

Dans une interview au magazine féminin Grazia, paru le 24 février 2012, François Hollande s’engageait à aller plus loin que le mariage et l’adoption, en évoquant le statut de beau-parent et l’accès pour les femmes homosexuelles à la procréation médicalement assistée :

« Vous vous prononcez en faveur de l’assistance médicale à la procréation et du mariage gay. Vous avez une conception de la famille qui n’est pas exactement la même que celle de vos adversaires… »

« La famille a évolué. Nos grands-parents se mariaient à 20 ans, finissaient leur vie ensemble ; le divorce était rare. Aujourd’hui, c’est très différent, et il convient d’accorder —j’y veillerai — un statut aux beaux-parents. Ils doivent avoir des droits en cas de disparition du père ou de la mère naturelle, pouvoir adopter, transmettre une partie de leurs biens. Je ne porte pas de jugement de valeurs, je ne fais pas de hiérarchie entre les familles. C’est pour ça qu’en matière de procréation médicale assistée, une femme doit pouvoir y recourir, soit parce qu’elle ne peut pas avoir d’enfant, soit parce qu’elle ne souhaite pas avoir une relation avec un homme.  »

L’action

Le projet de loi présenté le 7 novembre en Conseil des ministres prévoit d’ouvrir « le droit au mariage aux personnes de même sexe et par voie de conséquence l’accès à la parenté à ces couples, via le mécanisme de l’adoption. Ce sont donc à titre principal les dispositions du code civil relatives au mariage et à l’adoption qui sont modifiées ainsi que celles relatives au nom de famille, qui nécessitent des adaptations », selon l’exposé des motifs.

Projet de loi visant à ouvrir le mariage aux couples du même sexe

En ouvrant le mariage au personnes de même sexe et l’adoption aux couples homosexuels mariés, François Hollande se tient à l’engagement pris dans son programme de campagne.

Il a en revanche reculé sur le statut du beau-parent, qui concerne aussi les parents hétérosexuels, et l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) au femmes célibataires et/ou homosexuelles. Ces deux mesures ont été sorties du projet de loi pour être étudiées dans le cadre d’une réforme plus large sur la famille, qui devrait voir le jour fin mars.

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