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Rentrée littéraire

OLIVIER ADAMOlivier Adam est de retour ! J’avais découvert ses personnages à travers le roman « Les lisières », dont j’avais particulièrement apprécié la vision de la France des périphéries. J’avais voulu prolonger avec « Peine perdue », que j’avais trouvé moins percutant. Puis avec « La renverse », qui nous rappelait qu’en politique comme ailleurs, la chute peut être terrible, irrémédiable. Tragique même.

Bref, j’ai replongé. Pour le meilleur ou pour le pire ? Allez savoir. Dans ce nouveau roman, Olivier Adam convoque à nouveau son avatar, Paul. Steiner ou Lerner au fil des romans dans lesquels il nous donnent des nouvelles de sa vie, de ses amours… et de ses emmerdes.

Ses emmerdes, justement. A 45 ans, elles voyagent visiblement en escadrille dans la vie de notre auteur qui, faute de succès littéraire donc d’argent, retourne vivre en Ille-et-Vilaine, département qu’il avait quitté avec femme et enfants pour s’installer à Paris. Dans ce roman, où Olivier Adam nous promène entre fiction et autobiographie, nous rencontrons un Paul un peu éteint, qui n’a pas réellement digéré ses années de déveine.

Journaliste dans un hebdomadaire, il tente de s’adapter à son nouveau statut. Un peu dépassé par son environnement. Le plus proche. Il apprend que, Sarah, sa compagne lui ment depuis des mois sur son emploi du temps, qu’elle le trompe avec une femme ; que sa fille aînée, Manon, s’enfonce dans les mensonges jusqu’à se rendre malade. Seul Clément s’en sort. Entre surf et parties de foot via un ordinateur…

Alors que le centre d’hébergement de migrants dans lequel Sarah, sa compagne, est pris pour cible par des racistes, Paul est « approché » par Claire, qui se présente comme sa demi-sœur. L’est-elle vraiment ? Manon, elle, sera « enlevée » par Franck, policier… et mari de Lise, la maitresse de Sarah. Vous suivez toujours ?

Au fil des pages, le roman se transforme en tourbillon. Tout s’enchaîne. Trop ? Allez savoir. Personnellement, je le trouve « too much », mais les réalisateurs devraient se régaler de ces intrigues enchêvetrées.

Un nouveau « livre-bilan » pour Olivier Adam qui comme dans « Falaises », « Des vents contraires », ou « Lisières » en profite pour faire le point, et aborder aussi ce qui meut notre société. Entre accueil des migrants et défense de l’environnement.

 Extraits

Page 40 :« Eric lui serra la main tandis que son chien tirait sur sa laisse, ne voyant pas en quoi un type dans son genre pouvait justifier qu’on interrompe sa promenade. Paul n’était pas loin de penser la même chose. Du reste il n’aurait pas été contre l’idée d’ignorer Eric, depuis plusieurs années déjà, et jusqu’à nouvel ordre. Cela faisait bientôt vingt ans qu’ils se croisaient. Ils avaient publié leurs premiers romans à la même époque. Ceux de Meyerowitz avaient connu un succès tardif mais depuis quelques années il tenait sa revanche et ne quittait plus les cimes des classements des meilleures ventes. »

Page 84 :« Il passa la journée en compagnie d’un fantôme. Celui d’un ami. Celui d’un frère. Qu’il avait, comme tous ceux qu’il avait eus, dans des circonstances nébuleuses. A quoi pouvait bien tenir cette manie de couper les ponts, cette disposition au saccage, auxquelles seule Sarah avait échappé jusqu’ici ? Oui, longtemps, Aurélien avait été un frère pour lui. Comme l’avait été Damien à l’adolescence (une fois entré à l’université Paul ne lui avait subitement plus donné la moindre nouvelle, pas plus qu’aux amis qui gravitaient autour d’eux à l’époque, il avait littéralement disparu de leurs vies. Comme l’avait été son frère aîné, jusqu’à ce qu’au prétexte d’une prétendue incompatibilité politique, culturelle, au cours d’il ne savait plus quelle engueulade, Paul l’éjecte de sa vie. »

Page 344 :« Il leur fallait prendre un peu de distance, se disait-il, se sauver, dans les deux sens du terme. C’était chez lui un vieux réflexe. Quand les choses s’enlisaient, il fallait partir. Pas toujours pour de bon. Mais au moins pour quelques jours. La fuite lui avait toujours paru une stratégie préférable à toute autre. Depuis qu’ils se connaissaient, Sarah et lui, ils n’avaient cessé de jouer à cache-cache avec le malheur, la dépression, l’usure, l’ennui, les échecs, quittant Paris pour la Bretagne, puis la Bretagne pour Paris, et Paris pour la Bretagne, par un curieux mouvement de balancier, d’allers-retours qui ne menait à rien et finissait par leur coller la nausée. Peut-être fallait-il en finir avec tout ça. Ne plus revenir sur leurs pas. Repartir de zéro. S’inventer d’autres racines, d’autres attaches. »

 « Une partie de badminton », Olivier Adam, Flammarion, 21€

 

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