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Rentrée littéraire

RENVERSE OK

Olivier Adam est de retour ! Deux ans après « Peine perdue » dont vous trouverez ma critique ici et quatre ans après « Les lisières », formidable roman sur les classes moyennes grâce auquel j’avais découvert cet auteur quadragénaire désormais installé du côté de Saint-Malo ( à découvrir ), il revient dans les piles de romans de la rentrée littéraire de l’hiver avec « La renverse ».

La renverse ? C’est cette période, de durée variable, séparant deux phases de marées (montante ou descendante) durant laquelle le courant devient nul. La renverse, cette situation d’étal, c’est ce que vivra Antoine des années durant. Pour oublier. Pour ne plus penser.

L’histoire ? Elle nous plonge dans la rubrique faits divers de notre histoire contemporaine française. Au fil des pages, on reconnait, en filigrane, plusieurs élus, parfois de haut rang, qui se sont illustrés dans des affaires sordides. Dans le désordre, Georges Tron, Dominique Strauss-Kahn, Patrick Balkany ou encore Jérôme Cahuzac.

 

 

L’histoire, c’est donc celle d’Antoine, le narrateur. On le trouve en Bretagne, employé dans une librairie. Là, il vit une histoire avec Chloé. Une histoire dans laquelle il ne s’investit pas. Et plus il y a l’annonce. Celle de la mort de Jean-François Laborde. Ministre éphémère, il a été, des mandats durant, le sénateur-maire de la ville dans laquelle Antoine a grandi, en région parisienne. Il vient de mourir dans un accident de voiture. D’un coup, une énorme vague submerge le jeune adulte. Et pour cause.

OLIVIER ADAM

Olivier Adam

Dix ans plus tôt, l’homme était éclaboussé par un scandale politico-sexuel. Sordide. Antoine s’en souvient. Sa mère, Cécile Brunet, était la maîtresse de Laborde. Sa complice aussi, diront les victimes. L’enquête conclut finalement à un non-lieu. Mais à quel prix ? Deux familles détruites, des gamins livrés à eux-mêmes et une rumeur qui n’en finit pas d’enfler.

Alors Antoine, le lycéen inspiré, fuit. Son frère, ses parents, sa ville, sa vie. Finit par s’en aller avec Laetitia, la fille de Laborde. Sans chercher à comprendre. Sans vouloir savoir vraiment ce qui est faux, ce qui est vrai.

Par flash-backs, il raconte les affres du pouvoir et la déflagration provoquée par le fait divers : le calvaire des enfants, l’impossibilité pour les victimes, des petites gens, à pouvoir être entendues, le traumatisme toujours vivace même dix ans après. A-t-il été à la hauteur ? A-t-il réagi comme il aurait fallu ou s’est-il dérobé ? Sa mémoire, elle, reste sélective…

J’ai retrouvé avec plaisir le style d’Olivier Adam sur un sujet effectivement jamais abordé, celui des victimes collatérales à tout scandale. L’occasion aussi de plonger dans les descriptions toujours justes de l’auteur, des abords, des lisières de nos décors contemporains. Un bon moment de lecture.

Extraits

 Page 37 : « […] Ecrivant cela j mesure d’ailleurs combine déjà, avant même la renverse, nous nous parlions pue, en dehors des aspects pratiques de la vie que nous menions côte à côte. Je mesure combine sous ses abords banals nous formions une famille singulière, désertée par la joie, plombée par l’esprit de sérieux, glacée par une tristesse diffuse, indéfinissable, figés dans une réserve et une pudeur maladives, qui interdisaient toute étreinte, toute confidence, toute tendresse manifeste, toute intimité réelle. De toute façon, tout allait de soi à mes yeux. Comme tout va toujours de soi pour les enfants. Le lieux dans lesquels ils vivent. Le couple que forment leurs parents. Rien ne leur paraît vraiment étrange ni déplacé , ni simplement questionnable. Evidemment aujourd’hui, je ne peut m’empêcher de penser que quelque chose clochait. »

Pages 124-125 : « […] L’affaire elle-même était loin, tout le monde avait été blanchi, Laborde avait été réélu et ma mère virée de ses listes, on disait partout qu’il l’avait répudiée, que sa femme l’avait exigé et je savais que c’était vrai. Tout cela était enterré mais Camille en avait conscience, nous n’en aurions jamais vraiment terminé. Le suel moyen d’en finir était de couper le lien, nous l’avions fait et de devions sous aucun prétexte revenir en arrière. Nos parents étaient des dingues, notre mère avait du sang sur les mains. Notre mère était une folle détraquée et narcissique, qui ne faisait même pas pitié. Son cynisme et son égocentrisme maladifs interdisaient qu’elle puisse nous en inspirer une once. Camille savait cela aussi bien que moi, j’ignorais comment mais il en savait autant, quand je croyais lui apprendre quelque chose que je tenais de Laetitia, il le savait déjà. Il disait : mais toi, t’étais jamais là. Avant mon départ pour Bordeaux t’étais jamais là. Toujours fourré chez Nicolas, enfermé dans ta chambre. Tu évitais les dîners, les soirées, mais moi… Moi, j’ai tout pris de face. « 

Page 189 : « Le suicide de Celia B. ne changea rien. Une fois le non-lieu prononcé, pour ce que j’en sais, à M. tout reprit son cours tranquille. A quelques détails près. Laborde n’était plus ministre délégué et la configuration politique était sur le point de basculer. Personne au gouvernement ne songea à le réintégrer. Il allait devoir patienter avant de regagner sa place, ça prendrait des années, et il n’en semblait plus si loin quand l’accident qui avait provoqué sa mort s’était produit. Il avait certes perdu son siège de sénateur dans l’histoire, mais les prochaines élections qui s’annonçaient se profilaient avantageusement le concernant : la nouvelle majorité avait déçu et une alternance s’annonçait, dont il serait l’un des bénéficiaires. En attendant, un peu moins d’un an après la clôture de l’instruction, il fut réélu triomphalement à la mairie de M., à la tête d’une liste où ne figurait pas ma mère. »

« La renverse », Olivier Adam, Flammarion, 19€.

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