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 Olivier Adam aura été le grand perdant des prix littéraires de cette année 2012 ! Annoncé dans la première sélection pour le prix Goncourt puis dans  plusieurs autres « short-lists », il n’a finalement rien gagné. Qu’importe. L’auteur remporte les suffrages du public dans les librairies avec son dixième roman,  « Les Lisières ».

Un long roman au fil duquel une question se pose : Que devient-on pour le monde dont on est issu quand on le quitte ?

 

 

Olivier Adam a 38 ans. Il a grandi en région parisienne et vit actuellement en Bretagne, à Saint-Malo.

 

 

Son premier roman, « Je vais bien, ne t’en fais pas » a été adapté pour le cinéma par Philippe Lioret (pour qui il a également signé le scénario de « Welcome »), tout comme « Poids léger » et « Des vents contraires » (adapté par Jalil Lespert). 

Olivier Adam est également l’auteur de « Passer l’hiver » (Goncourt de la nouvelle en 2004), « A l’abri de rien », « Des vents contraires » et plus récemment « Le Coeur régulier ».

 

 Dans ce nouveau roman, Olivier Adam nous parle d’un autre lui. Un écrivain, Paul Steiner. Il a quitté sa banlieue, puis Paris avant de s’installer à Saint-Malo. Là, il écrit, mais essaye surtout de se battre contre ses démons. Contre la Maladie, un mélange de folie et de dépression.

Sarah, sa femme, l’a quitté. Il a deux enfants, Manon et Clément. Entre névroses et alcool, il doit se rendre à V. , la ville où vivent toujours ses parents, en grande banlieue parisienne. La santé de sa mère vacille.

Pendant l’ hospitalisation de cette dernière, il passe une semaine avec son père. Vingt ans qu’il n’a pas passé un peu de temps là où il a grandi. De quoi plonger dans les souvenirs. De quoi marcher dans les pas d’autrefois. Un peu contraint et forcé. Il retrouve d’anciens camarades de lycée. Se plonge dans leurs quotidiens. Lui, a tout fait pour quitter cet univers qu’il a toujours considéré comme étriqué.

Alors Paul Steiner nous parle. Beaucoup. Il raconte son histoire mais aussi celle des classes moyennes françaises. Celles qui vivent souvent à la périphérie, à la lisière des choses. Que ce soit géographiquement ou socialement. Ses parents se sont battus, en s’oubliant eux-mêmes pour l’avenir des deux frères. L’aîné est vétérinaire, le second, écrivain. Ils ont réussi. Ont quitté cette banlieue et leur vie d’avant.

Comme Annie Ernaux – auteure chérie par Quatrième de Couv – Olivier Adam connait ces sentiments paradoxaux entre la fidelité à son milieu d’origine et le fait de s’en être extrait, de l’avoir voulu de toutes ses forces, mais de ne pas se sentir non plus à sa place dans un autre milieu qui pourtant, vous accueille de bon coeur. Pas simple, donc !

Il s’en explique dans l’émission La Grande librairie, ici avec François Busnel.

http://www.youtube.com/watch?v=Irtv_Vmx0qw

Extraits

Page 35 : « […] Depuis combien de temps n’avais-je pas passé plus de trois ou quatre heures là-bas ? Quand nous venions, une fois par an, nous déjeunions puis laissions les enfants pour filer vers Paris rejoindre les amis que nous avions abandonnés en nous installant en Bretagne. Ou bien j’avais mille rendez-vous, éditeurs, journalistes, réalisateurs de cinéma. […] Sitôt un pied dans la maison j’étouffais, je cherchais le moindre prétexte pour sortir. J’avais l’impression confuse que le passé allait me sauter la gorge, me mettre les menottes et m’enfermer là pour toujours. »

Page 325 : « […] Il martelait que mes livres lui avaient fait du mal, beaucoup de mal. Non pas parce que j’en étais l’auteur mais du fait même de leur contenu. Mes livres et ceux de mes confrères n’aidaient nullement les gens, au contraire, ils enfonçaient les plus fragiles, les plus inaptes, ils les confortaient dans leurs humeurs les plus noires, leur maintenaient la tête sous l’eau, dans l’étang poisseux de la dépression, la vase verdâtre de la mélancolie. »

Page 349 : « Mon père ne m’avait jamais aimé. Voilà ce qui me sautait soudain au visage, et cette révélation avait la force de l’évidence, la texture inquestionnable d’une lapalissade. Mon père ne m’a jamais aimé. Voilà ce que j’aurais dû dire à ce psy d’opérette, pensais-je, avant de lui parler des bordures géographiques et sociales, et sans doute étaient-ce les mêmes, où j’avais grandi. Mon père ne m’a jamais aimé. Et j’ai perdu mon frère au moment de naître au monde. Tout est là. Voilà à quoi je pensais en faisant de nouveau le trajet qui devait me mener des finistères où je vivais aux banlieues où j’avais grandi. »

Mon avis

Tourments et désenchantements. Deux mots qui résument assez bien ce volumineux roman. Ceux d’une génération, d’une classe sociale qui croyait pouvoir faire mieux ou qui en a rêvé avant de se fondre dans le moule. Olivier Adam va au bout des choses quitte à faire mal à ceux qu’il aime. Qu’importe. Lui-même ne s’est pas ménagé dans ce roman.  Il plonge le lecteur dans ses souvenirs, dans son présent. Les longueurs, les redites sont nombreuses – pour tout vous dire, je trouve ce roman un peu trop bavard à mon goût ( longueurs et redites) – mais le fond est riche et nous oblige à regarder ce que nous sommes devenus. Malgré nos contradictions. Bien vu !

Olivier Adam, « Les Lisières », Flammarion, 21 euros.

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