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PEINE PERDUEA l’heure de la rentrée, on évoque souvent celle de la société, du climat social. On prend la température. En général, elle n’est jamais favorable. Annonce des lendemains qui déchantent, des grèves et des contestations tous azimuts. Avec son nouveau roman, Olivier Adam poursuit son travail de décryptage des classes moyennes et basses, de cet entre-deux qui ne s’en sort plus. De ces hommes et ces femmes dont la paupérisation est enclenchée. La France de la débrouille.

Un thème récurrent pour l’auteur dont j’avais découvert l’univers avec son précédent roman, « Les lisières », terrible radioscopie d’une France en panne. Vous retrouvez mon post ici.

Dans « Peine perdue », Olivier Adam nous raconte une histoire à travers celles de 22 personnages. Au départ, il y a Antoine. Un trentenaire un peu perdu, un peu violent, toujours triste d’avoir perdu sa mère, séparé de la mère de son fils Nino.  Dilettante, c’est cependant le leader de l’équipe de foot de cette cité balnéaire du sud de la France. Une équipe de CFA qui doit disputer les quarts de finale de la Coupe de France contre Nantes… Mais sans Antoine. Lors du précédent match, il a donné un coup de boule à l’un de ses adversaires. Le lendemain, il est frappé de coups de batte de baseball, par deux hommes. Il est laissé pour mort devant l’hôpital. Finira par sortir du coma alors que tout le littoral panse les plaies d’une terrible tempête.

Qui a fait le coup ? Pourquoi ? Au fil des pages, l’histoire se dessine. Plus cruelle et abjecte qu’on pouvait le penser. Les personnages liés de près ou de loin à Antoine font le point. Sur leur vie. Sur ce qu’elle aurait pu être.  Il y a Marion, la mère de Nino, en ménage avec un nouveau compagnon. Paul et Hélène, retraités fatigués qui ont décidé d’en finir en profitant de la tempête ; Léa, jeune femme perdue, en déshérence qui ne se remet pas de la mort de son petit ami drogué ; Serge ; Anouck ;  Eric ; Clémence ; le sale Perez ; Louise, la soeur d’Antoine… mais aussi Grindel, l’inspecteur de police un peu débordé par les événements, l’équipe de foot en partance pour le stade de la Beaujoire et Jeff, le meilleur ami d’Antoine qui ne dit pas toute la vérité. Loin de là.

Un tableau assez sombre et déprimant d’une population qui tente de garder la tête hors de l’eau.

 Extraits

Pages 55-56 : « […] Et quand Nino se met à lui raconter ses histoires de gosse, un de ses rêves, ou ce qu’il a fait avec un de ses copains ou ce qu’il a mangé à la cantine, il ne parvient jamais à fixer son esprit, à s’y intéresser vraiment. C’est plus fort que lui. Il n’y peut rien. Parfois il se dit que ça sera différent quand il s’agira de son gosse à lui. Même s’il n’est pas certain d’en avoir un un jour. En tout cas avec Marion. Bien sûr elle le rend dingue, mais il n’est pas certain que ce soit réciproque. Ou si ça l’est l’intensité n’est pas la même. Elle lui répond toujours qu’il ne devrait pas se poser ce genre de question, qu’elle est bien avec lui, qu’il est solide et responsable, qu’elle se sent protégée, que c’est ça dont elle a besoin. Si quelqu’un sait ce que ça a à voir avec l’amour qu’il vienne l’éclairer parce que pour lui on en est à des millions de kilomètres. Souvent il se dit qu’à ses côtés elle se repose, elle récupère. Et qu’un jour elle repartira au feu. Il ne peut pas s’empêcher de penser que pour elle il est juste une parenthèse. Et qu’il faudra bien qu’il s’en contente. » 

Pages 78-79 : « A l’école, ils étaient tous à la ramasse mais personne n’avait l’air d’y voir un problème. Ni eux ni les parents. Qui y étaient à peine allés et pensaient qu’on avait besoin de ça pour s’en sortir, considéraient tout ce qui suivait le lycée d’un mauvais oeil. Un truc pour les autres. Quels autres ? Même les profs semblaient trouver ça inévitable. Les notes pourries. Les orientations à la con. Si elle réfléchit bien elle ne connaît personne de ce temps-là qui ait même songé un jour à être un bon élève, à faire des études, à quitter le coin pour Paris ou ailleurs. Un bon salaire, un job haut de gamme, une autre vie. A part Antoine à cause du foot. Tout le monde y croyait. Tout le monde pensait qu’il deviendrait le prochain Zidane. Mais il faut croire que tout le monde se faisait des idées. Parce que aucun club ne l’a jamais approché. « 

Page 261 : « […] Quant à son frère il ne fallait pas compter sur lui pour prendre la relève et accomplir le vieux rêve paternel. Le sport ce n’est pas son genre. Il a pris ça en grippe très tôt. Une sorte de rejet. Mais ça se comprend au fond, quand tu grandis dans une famille où il n’y a que ça qui compte. Soit tu y adhères, soit tu le vomis. Lui il était plutôt dans les bouquins. Il est prof aujourd’hui. Et ni Florian ni les parents ne l’ont vu depuis des années. Il ne sait même pas comment ça a démarré. Personne ne se souvient des motifs de la brouille. De l’engueulade définitive. Sûrement une conversation politique qui a mal tourné. Parce que faut l’avouer, le père, il est comme tous les vieux d’ici. Toujours à râler sur les Arabes. Et l’Etat. Et les impôts. Et les politiques en général. Le vrai facho de comptoir basique comme on en ramasse à la pelle. »

 Mon avis

Ils auront beau essayer, tenter des changements, il est des destins qui ne se transforment pas sous l’impulsion d’une baguette de fée. C’est peine perdue ! Olivier Adam a le talent pour faire parler ces oubliés, ces laissés-pour-compte. Le procédé des chapitres par personnages a fini par me lasser (un peu). La fin du roman offre un rebondissement qui, malheureusement, ne permet pas d’espérer d’éclaircies avant un bon moment dans ce ciel chahuté. Même au bord de la Méditerranée.

« Peine perdue », Olivier Adam, Flammarion, 21,50€.

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