Rentrée littéraire
Deux femmes. deux histoires. Et pourtant un lien. Finalement. Jusqu’au bout. Clarisse et Eve ont eu le même père. La première a beaucoup voyagé. S’est brûlée les ailes souvent et s’est abîmée dans des histoires d’amour sans issue. Jusqu’à la dernière qui lui coûtera la vie.
Clarisse vit à Paris, entourée de ses trois fils, si proches et si distants à la fois. Eve, elle, a quitté la France depuis bien longtemps.
A New-York, elle a fait carrière, créé son entreprise et construit une famille solide. Deux personnalités, deux idéaux. Deux manières d’envisager la vie. Et une même quête de bonheur.
Chapitre après chapitre, leurs deux vies se mélangent. Des années 80 jusqu’au janvier 2021, au moment de l’enterrement.
Au final, la fresque d’une époque, des années quatre-vingt à nos jours qui interroge le rapport des femmes au corps et au désir, à l’amour, à la maternité, au vieillissement et au bonheur.
On y retrouve des thèmes chers à Catherine Cusset dont j’avais parlé ici pour L’autre qu’on adorait.
La quinquagénaire signe ici son quinzième roman. Agrégée de lettres classiques, Catherine Cusset enseigna de 1990 à 2002 aux Etats-Unis avant de de se consacrer entièrement à l’écriture. J’avais découvert son univers avec « La haine de la famille », paru en 2001 puis avec « Un brillant avenir », en 2008.
Un roman dans lequel on se laisse finalement entraîner. Tant pis pour les quelques aspects caricaturaux qui ponctuent les chapitres.
Extraits
Page 161 : » Le dimanche où Eve aurait dû décoller pour Paris, la semaine qu’elle aurait dû passer là-bas s’étaient écoulés sans qu’elle y pense. Elle avait appelé Sébastien le dimanche matin avant de retourner à l’hôpital, pendant que Paul prenait sa douche. Elle avait laissé un message disant que sa fille était très malade. Elle n’était pas du genre à disparaître sans un mot. Mais la peur qui avait envahi son corps quand son mari avait appelé de Saint-Vincent la nuit du vendredi avait mis fin à l’envoûtement comme un électrochoc. Sébastien n’était rien. Seuls comptaient Paul et ses filles. »
Page 253 : » Elle avait faim. Une faim incroyable. De sucré. Elle finit par trouver un antique paquet entamé de biscuits mous qu’elle dévora, debout contre le comptoir. Au fond d’un tiroir elle dénicha une moitié de tablette de chocolat praliné. Et dans le placard, la fin d’un pot de miel de châtaigne. Elle mangea tout.
Vers une heure elle reçut un texto de Lucas : il était chez Simon, ils avaient regardé un film. En se lavant les dents elle remarqua les joints craquelés de la douche et un carreau décollé.
Le message de Lucas n’avait pas desserré l’étau. Elle se retournait dans son lit sans glisser dans le sommeil. De ses trois fils, deux avaient mis un océan entre eux et elle. Le troisième n’arrivait pas plus à vivre que sa mère. Elle n’avait jamais réussi à garder un homme ni un boulot. Elle avait voulu écrire et jamais pu finir. Son unique création, l’appartement, s’effondrait sur elle comme un tombeau. «
Pages 296-297 : « […] A la fin de la semaine, elle était tellement fatiguée que j’étais soulagée qu’elle parte : j’avais peur qu’elle n’ait une autre accident de vélo ou ne laisse tomber le bébé. Elle s’est endormie si profondément sur le canapé juste avant de prendre le métro pour l’aéroport que j’ai eu du mal à la réveiller. Pour la première fois depuis que je la connaissais, personne ne l’attendait à Paris.
Pour la première fois aussi, il y avait du non-dit entre nous. J’étais lasse de lui remonter le moral. Quand on aime on a vingt ans, mais pas ceux qui nous entourent. J’avais passé des mois à réconforter Hannah après sa première grande rupture, et n’avais pas envie de remettre ça avec ma soeur de cinquante-six ans. «
La définition du bonheur, Catherine Cusset, Gallimard, 20€.