Flux pour
Articles
Commentaires

Rentrée littéraire

147289_couverture_Hres_0Un premier roman ? Comme c’est curieux ;-)

Oui, je sais, ils pullulent sur ce blog. Et celui dont je vais vous parler aujourd’hui fait partie des très très bonnes surprises de cette rentrée littéraire.

Blizzard est un huis clos à ciel ouvert. Un roman choral qui nous mène dans le froid et les arcanes sombres de l’âme humaine.

Marie Vingtras (il ne s’agit pas de son patronyme) signe là un roman dont chaque chapitre porte la voix d’un personnage différent. On y trouve BessBenedictCole, mais aussi Freeman. L’affreux Clifford s’y ajoute, en filigrane.

L’histoire ? Le roman, vif et totalement maîtrisé, s’ouvre sur une scène qui s’annonce tragique : Bess vient, pour refaire ses lacets, de lâcher la main de Thomas, l’enfant dont elle s’occupe avec Benedict, avec qui elle habite et qui a grandi là avec ses parents et son frère, parti depuis longtemps. Cole, l’ami de la famille, vient à sa rescousse. Freeman aussi, ce drôle de type arrivé là pour on ne sait quoi…

 

Le blizzard fouette les visages et entrave déjà la marche. Pas de temps à perdre, il faut le retrouver. Vite.

On ne connait alors pas les liens qui les unissent. Le lecteur les découvre au fil des pages. De quoi faire monter la tension.

Oui, tous cherchent cet enfant. Mais tous disent aussi des choses bien plus profondes sur leur histoire et, in fine, ce qui les unit ou les éloigne. Et c’est grandement mené. Là, au coeur de l’Alaska. Un endroit isolé. Choisi pour certains des personnages, subi pour d’autres.

Le suspense est incroyable tandis que le blizzard fait rage et met chacun face à son histoire, ses manquements, ses doutes et ses tumultes. Les questions de l’abandon, de la culpabilité et de la paternité sont notamment abordées.

 

Marie Vingtras, quadragénaire née à Rennes, signe là un premier roman qui rend hommage à la littérature contemporaine américaine qu’elle aime particulièrement.

Extraits

Page 17 : Bess

« Je ne vois rien. La neige s’envole au sol en tourbillons et lorsqueje lève les yeux vers le ciel c’est une vraie purée de pois. L’air est incolore, comme si toutes les couleurs existantes avaient disparu, comme si le monde entier s’était dilué dans un verre d’eau. Je regrette de ne pas avoir fait plus attention quand Benedict essayait de décrire le fonctionnement des blizzards au petit. J’aurais peut-être su ce qu’il fallait faire, à part ne pas sortir, bien sûr, mais ça, il était trop tard pour le regretter. Je tourne le dos au vent, appuyée sur ce que je suppose être un rocher. A moins que ce ne soit un ours qui hiberne, ce qui réglerait mon problème. Je ne parviens pas à réfléchir à la conduite à tenir, mais je vais me transformer en bonhomme de neige si je ne bouge pas. Je ne suis pas complètement idiote, je sais dans quel pétrin je me suis fourrée. »

Page 63 : Benedict

« Il était parti depuis un an quand papa m’a dit que cela ne pouvait plus durer. Il n’était plus comme avant, je crois qu’il avait peur de ne jamais revoir son fils. Quant à maman, elle n’allait pas tellement mieux. Elle ne dormait plus, elle disait qu’un jour elle finirait par oublier le visage de son propre enfant et cette idée la rendait folle. Je me rendais bien compte que tout était différent de notre enfance et de notre adolescence alors que je nous avais cru éternellement heureux. Tout était bancal, comme s’il nous manquait une jambe. En partant comme un voleur, sans rien nous expliquer, il nous avait définitivement privés d’équilibre. Je ne parvenais pas à comprendre comment il avait pu nous faire ça et encore aujourd’hui je n’arrive pas à concevoir qu’il ait pu prendre une telle décision. Fermer la porte de sa maison, monter dans sa voiture et disparaître. »

Page 133 :  Bess

 » Je suis dans cette maison abandonnée, immobile dans cette partie du monde comme j’ai rarement été immobile depuis que je suis partie de chez ma mère. Je m’étais promis de ne pas rester trop longtemps au même endroit, pas assez longtemps pour nouer des amitiés ou rencontrer quelqu’un que j’aurais pu aimer. Etre de passage, telle une comète, puis disparaître, toujours repartir, toujours sur la route. On peut dire que j’ai fait tous les petits boulots que ce pays peut offrir, le respectable et le sordide. Rien ne m’a rebutée, tout était purement alimentaire. Rien qui puisse être plus humiliant que ce que j’avais connu, rien de plus douloureux que le poids des souvenirs, rien de plus insoutenable que le poids de la honte. »

Blizzard, Marie Vingtras, Editions de l’Olivier, 17€.

Laisser un commentaire

*