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Le sujet aurait pu être âpre. Tellement aride. C’était sans compter le talent d’Eric Reinhardt pour raconter des histoires.

Pour raconter la nôtre, par le prisme, cette fois, d’une aventure technologique. Imaginez un peu  : ils nous parlent d’internet et du fait que la France n’a pas su ( pas pu ?) saisir sa chance pour en être le berceau. Rien que ça.

Eric Reinhardt, auteur prolixe, signe ici son roman le plus politique et le plus acerbe sur notre pays, sur sa droite et sur les lobbies qui, toujours, tirent les ficelles… Mais quelle drôle d’idée !

C’est en lisant Libé en 2013 que l’auteur tombe sur une brève qui lui dit que Louis Pouzin, un ingénieur français, va être décoré par la reine d’Angleterre. Et pour quelle raison ? « Avoir été l’un des pères d’internet « . Alors l’auteur de « Cendrillon » ou « Le système Victoria » cherche, rencontre Louis Pouzin qui lui confirme que  » l’entourage de Valéry Giscard d’Estaing, en 1974, avait écarté son invention, le datagramme, au profit du Minitel, et que les Américains, pas cons, s’en étaient immédiatement emparés pour créer et lancer internet  » (Les Inrocks du 19 août 2020).

 

Une décision « désastreuse » derrière se cache un homme, Ambroise Roux, l’un des grands patrons français d’alors. L’autre héros de ce roman riche, solide et éclairant sur les pratiques giscardiennes.

Pour nous raconter tout cela dans le détail, un jeune journaliste, Dimitri, qui  jusqu’à son décès tragique, ne lâchera pas son sujet. Tout en se mettant en quête d’une jeune femme dont il est persuadé qu’elle est faite pour lui. Qu’il la croise dans une rue espagnole, dans une salle de théâtre parisienne ou une cave à concerts à Bordeaux.  Voilà, entre autres, ce que nous raconte « Comédies françaises ».

La quatrième de couv nous dit ceci : « Fasciné par les arcanes du réel, Dimitri, jeune reporter de vingt-sept ans, mène sa vie comme ses missions : en permanence à la recherche de rencontres et d’instants qu’il voudrait décisifs. Un jour, il se lance dans une enquête sur la naissance d’Internet, intrigué qu’un ingénieur français, inventeur du système de transmission de données qui est à la base de la révolution numérique, ait été brusquement interrompu dans ses recherches par les pouvoirs publics en 1974. Les investigations de Dimitri l’orientent rapidement vers un puissant industriel dont le brillant et sarcastique portrait qu’il en fait met au jour une «certaine France» et le pouvoir des lobbies. »

Sur ce blog, j’ai déjà fait part de mon admiration pour cet auteur ici mais aussi .

Extraits

Page 64 :[…] « Une puissante nostalgie attachait Dimitri à ce qui lui apparaissait comme un paradis perdu : une nostalgie pour une période à laquelle il se sentait relié par ses parents et grands-parents, la proximité des années 70 était irrécusable, sanguine, troublante, un peu magique, elles le hantaient comme peuvent le faire au réveil les souvenirs d’un rêve érotique que l’on a fait, c’était curieux comme sensation. » 

Page 245-246 :« […] Les notables français. La grande bourgeoisie française  sûre de  ses certitudes, de sa supériorité sociale et intellectuelle, accrochée à ses prérogatives de caste comme à un dû imprescriptible, arrogante et dédaigneuse, dans une continuelle et fastidieuse reproduction d’elle-même. Ne se remettant jamais en question, ne songeant qu’à servir ses intérêts personnels et non pas, en dépit des apparences, l’intérêt général. Jouissant d’une éternelle impunité, ne subissant jamais aucune sanction pour ses erreurs ou son incompétence, lorsqu’elles sont avérées. […] » 

Page 345 :« […] Ambroise, je t’attribue solennellement la paternité de la mise à mort des débuts d’Internet sur le territoire français, ainsi que la la dissolution surprise, à des fins purement personnelles, du consortium européen Unidata, qui aurait pu devenir l’Airbus de l’informatique. C’est ce que l’on peut appeler en effet, pour une fois l’appellation ne me semble pas usurpée, l’oeuvre d’un puissant lobbyiste. […]« 

« Comédies françaises », Eric Reinhardt, Gallimard, 22 euros.

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