Flux pour
Articles
Commentaires

 Laurent Gaudé fait partie de mon panthéon littéraire personnel. De son vivant ! Oui, je sais, c’est une sacrée chance !

SALINA

 

Presque vingt ans que je suis cet auteur, roman après roman. C’est d’ailleurs grâce à l’un d’eux (« Danser les ombres ») que j’ai eu envie de découvrir Haïti, sac sur le dos.

Romancier, auteur de théâtre et de nouvelles, poète, Laurent Gaudé manie les mots et les univers. Convoquant la mythologie antique pour mieux expliquer l’actualité brûlante. Et ça fonctionne.

Vous trouverez des posts sur ses oeuvres ici mais également là  et enfin par ici.

 

« Salina : les trois exils », c’est donc l’histoire d’une femme. Et celle d’une vengeance. Salina, c’est l’histoire d’un nouveau-né déposé par un cavalier dans un village dont on ne saura jamais le nom, ni le pays dans lequel il se situe.

Là, dans le clan des Djimba, Salina, recueillie finalement par Mamambala, va grandir.  Tombera éperdument amoureuse de Kano dont elle a partagé tous les jeux, mais sera forcée d’épouser le frère de celui-ci, Saro, fils aîné du roi Sissoko. Qui la violera le soir de ses noces. Alors Salina va ourdir sa vengeance.

Son dernier fils, Malaka, la raconte au fil d’un roman court. Dense et puissant. Impossible en effet de pouvoir enterrer le corps de sa mère dans l’île cimetière sans que le récit soit approuvé par les pêcheurs. Il faut convaincre. Malaka s’y emploie des nuits durant.

Son auteur en parle ici :

https://dai.ly/x6wj28t

 

AVIGNON

 

Laurent Gaudé, que j’ai rencontré le 8 juillet au festival d’Avignon où il présentait le spectacle issu de son nouveau livre « Nous l’Europe, banquet des peuples », signe ici un roman, ou devrais-je dire un conte, court, d’une puissance qui rappelle « La mort du roi Tsongor »« Salina : les trois exils » est un petit bijou. Réellement.

Salina s’y venge, mais parvient, in fine, à dépasser sa vengeance.

 

Olivier Py, directeur du festival d'Avignon ; Laurent Gaudé et le comédien Charles Berling.

Olivier Py, directeur du festival d’Avignon ; Laurent Gaudé et le comédien Charles Berling.

 

Extraits

Page 21 :  » Dès qu’elle voit la première monture, elle entend également le cri poussé par son cavalier. Cela n’a plus rien à voir avec ce qu’elle a entendu du haut des dunes de roche : c’est un cri aigu, log, qui se termine par une sorte de jappement. Elle est frappée par sa puissance. Il est tendu, avec une intonation voilée qui déchire l’âme. Elle sait ce que cela signifie : que la colonne ramène avec elle un mort. »

Page 73 : […] Elle voudrait que la route soit longue, infiniment longue. Qu’il faille la porter jusqu’au mont Tadma et bien au-delà. Tant qu’elle est dans cette chaise, elle n’est pas mariée. Et tant pis s’il y fait chaud, si les bracelets la serrent… Tant pis si elle prisonnière d’or et de tissus, elle n’est pas mariée. Elle serre les dents pour ne pas hurler. Elle sait que cela ne servirait à rien. Et puis enfin, la chaise à porteurs se fige. Les quatre hommes qui la tiennent la déposent au sol. Une main pousse le voile d’un geste brusque. Elle la reconnaît. C’est la main de Khaya.

Pages 102-103 : « Lorsqu’il se réveille quelques heures plus tard, la barque est bercée par le roulis des vagues. Le soleil a disparu et la lumière du jour décline à vue d’oeil. Toute la flotte est à l’arrêt et attend visiblement qu’il poursuive son histoire. Alors il parle à nouveau et la c’est la deuxième nuit des mots : 

 » Moi, Malaka, fils d’une mère qui a fait naître seule son enfant, je reprends l’histoire de Salina que j’ai laissé dans le sable, car c’est dans le sable, toujours, qu’elle a vécu. Koura Kumba était né et il avait faim de combat. Elle ne l’avait mis au monde que pour cela. J’évoque ce frère que je n’ai pas connu mais qu’elle m’a raconté tant de fois, et ses yeux pleuraient toujours de fierté et de tristesse lorsqu’elle le faisait. » »

« Salina : les trois exils », Laurent Gaudé, Actes Sud, 16,80€.

Laisser un commentaire

*