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Rentrée littéraire hiver 2019

RENTREE BLOG

C’est reparti ! Les livres font leur rentrée. Celle de l’hiver. Pas celle des prix littéraires, donc. Une course de fond quand même pour des hommes et des femmes qui, pour la première fois et pas, sont présents sur les tables des librairies. Une course et une aventure.

Au fil des mois de janvier et février, 493 nouveaux romans vont sortir. Parmi eux, 336 romans français. Parmi eux également, 77 premiers romans ( soit une hausse de 20% par rapport à la rentrée littéraire de l’hiver 2018).

Alors, parce qu’il n’y a pas que Michel Houellebecq dans la vie ( son nouveau roman est édité à 320.000 exemplaires !), je vais essayer de vous donner envie de plonger dans les (autres) romans de ce rendez-vous littéraire. Une sélection, forcément subjective. C’est parti !

PREMIERE DAME

 

On commence notre collection avec « Première dame » de Caroline Lunoir. Un roman que l’on put, pour les amateurs de cases, ranger dans celle dédiée à la politique !

Caroline Lunoir, avocate pénaliste installée à Paris, je l’ai découverte avec son premier roman « La faute de goût », en 2011. Un joli souvenir.  Je vous en parlais ici.

Après « Au temps pour nous », la voici de retour avec « Première dame », donc. L’idée ? Suivre Marie, épouse d’un candidat à l’élection présidentielle, jusqu’aux marches du palais… de l’Elysée.  Ancienne journaliste, mère des quatre enfants de Paul, Marie nous livre par le menu et sous la forme d’un journal de bord, le long décompte d’une victoire annoncée.

Rien ne nous sera épargné ! A elle non plus d’ailleurs. Au fil des pages, des mois et des saisons, l’image de sa famille, de son mari et aussi la sienne vont s’écorner. Quoi ? La famille de Marie et Paul n’est donc pas si parfaite, pas si lisse, pas si respectable. Il y aura les comptes bancaires ouverts à l’étranger, la maîtresse de Paul, la dépression de Marie, etc.

Toute ressemblance avec des candidats à l’Elysée ou d’anciens présidents de la République n’est évidemment absolument pas fortuite ! On devine ici François Hollande et la volcanique Valérie Trierweiler, François et Pénélope Fillon, Nicolas et Cécilia Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn aussi…

Si le journal de Marie commence dans l’euphorie de l’annonce de la candidature de son mari aux primaires du parti, l’horizon va finir par s’obscurcir. La chronique attendrie, admirative va virer à la récrimination. Au règlement de comptes. Puis à l’abnégation. Marie se rend compte qu’elle a donné sa vie pour son mari et ses enfants. Amer constat d’une femme qui se croyait libre et affranchie.

Personne n’a anticipé ni pris la mesure des conséquences sur la vie de la famille, issue de la grande bourgeoisie. Les mauvais coups viendront de partout, même des amis. Alors les communicants gambergent, trouvent des parades, etc.

Entre compromissions et petits arrangements, un portrait peu reluisant d’une « caste » définitivement coupée de la réalité de ceux qu’elle voudrait gouverner. Cynique.

Extraits

Pages 55-56 :

« J-147 (Dimanche 25 novembre) 

Un choc de bonheur. Une claque d’euphorie. 

Il y a cette tension joyeuse qui monte, au milieu des rires, des plaisanteries et d’une bonne humeur tenace avec les retours des bureaux de vote. Le téléphone qui sonne en continu. Le portable de Paul qui clignote de messages. Les fouilles des poubelles où le bulletin de Paul serait rare, les journalistes qui arrivent de plus en plus nombreux, jusqu’aux non-alignés qui choisissent comme par hasard, sans s’être annoncés, sur le coup de dix-huit heures, dix-neuf heures, de « vivre cette soirée avec nous ». 

J’ai encore le baiser de Paul sur mes lèvres. D’une gourmandise ! « 

Page 123 :

« J-31

J+59 ( jeudi 21 mars)

[…] Paul tranche, encourage, plaisante, avec ténacité. Il a dénoué sa cravate et abandonné sa veste sur une chaise. Il se tient debout, en bras de chemise, devant le tableau, un sandwich de rillettes dans une main, un marqueur pour exposer son plan de bataille dans l’autre. Ceux qui viennent d’intégrer l’état-major découvrent son sens du commandement et son énergie. A l’écouter, j’entends presque se lever la clameur de nos villages, de nos provinces, d’un pays tout entier prêt à porter nos convictions et notre souffle. 

Pourtant, je surprends des regards qui s’attardent sur moi et plongent ailleurs quand je relève la tête. Pourtant, derrière l’espoir, derrière les mots d’ordre et les promesses que l’on se fait, derrière la fougue de Paul et l’implication nouvelle de Victor qui anime l’équipe dédiée aux réseaux sociaux, il y a des noms que l’on ne prononce plus et, souvent, la colère qui affleure. 

En réalité, je nous sens assiégés. »

Pages 182-183 :

« Dimanche 5 mai

Les salles sont combles. Je croise des visages amis, des familiers, des connaissances, certains que j’exècre, d’autres qui ne me disent rien. Ils reviennent au siège du parti comme la marée. Ils font ma vie, lui donnent son sens et l’aliènent. 

Nous nous reconnaissons, nous, acteurs des coulisses du feuilleton du pouvoir. Tous, un jour, premier rôle, espoir, doublure, figurant, vieille gloire. 

J’ai mon sourire de Joconde. 

Parce que dans les fidélités comme dans les haines, dans les sacres comme dans les chutes, il est un principe qui surnage et écorne le mépris : le respect de celui qui sait encaisser. 

Parce que celui qui, tombé à genoux, ne baisse pas la tête, se relèvera, et attestera, sous le regard de ses pairs, qu’un retour est toujours possible. 

Les salles sont combles mais je suis vide. »

« Première dame », Caroline Lunoir, Actes Sud, 18€

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