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Les vacances d’été, on peut déjà y penser tandis que s’étalent les derniers jours de l’hiver. Pour certains, le repos se prendra dans une maison familiale. Comme pour le personnage de Mathilde, l’héroïne du premier roman de Caroline Lunoir, « La faute de goût« , publié à la rentrée littéraire de l’été dernier, que je vous présente aujourd’hui.

Caroline Lunoir

 

D’emblée, autant vous dire que Caroline Lunoir est plutôt chanceuse. Son premier roman, elle l’a envoyé, à l’ancienne, par la Poste. Et la maison d’édition Actes Sud, excusez du peu, a décidé de le publier. Avocate pénaliste à Paris, l’auteure a écrit ce court roman de 113 pages à Boston, en 2009.

L’histoire ? Elle est simple. Trop, diront certains. Mathilde passe la semaine du 15 août dans la maison familiale. Là, il y a ses grands-parents, ses grands-oncles et tantes, plusieurs cousines et leurs enfants.

 

La maison est cossue. Il y a une piscine. C’est d’ailleurs autour d’elle que va se jouer l’histoire du roman. A cause des gardiens, Antonio et Rosana, qui vivent là avec leur fils adolescent, Julien.

 

Dans cette famille, il y a des héros, des lâches. Comme dans toutes les familles, me direz-vous. Effectivement. Mais le style de Caroline Lunoir arrive à nous faire entrer dans cette famille et à y rester jusqu’au moment de tourner la dernière page. Un peu voyeur peut-être. Une façon aussi pour chacun d’entre nous de se rassurer. Oui, toutes les familles sont compliquées !

Mathilde est venue seule. Sans son compagnon. Lucide et sans illusion sur notre société contemporaine, elle se raccroche à ce qui rassure, la famille en l’occurrence, sans cependant s’empêcher d’en dénoncer les travers, les silences consentis par tous, les fausses vérités…

Critique et loyale à la fois, le personnage de cette trentenaire urbaine incarne ce sentiment d’attraction-répulsion qui entre en action dès qu’on parle de la famille. Qu’elle soit grande ou petite. Pauvre ou riche.

La jeune auteure nous explique dans la vidéo ici  comment lui est venue l’idée du sujet. Un article du Canard Enchaîné sur les problèmes d’une copropriété de luxe dans le Sud de la France à propos de l’utilisation d’une piscine. Dès lors, elle transpose l’histoire dans une famille bourgeoise.

Extraits

 Page 72 : « Tiens, Thérèse a l’air de craquer. Mais sachez que pour Astrid, le verbe pouvoir est ici un euphémisme. jamais elle ne laissera ses enfants seuls, loin de son omniscience. Je regarde notre table. Cécile, Solange, Jeanne, Elisabeth. Le compte est bon, les soeurs ont jugé. Fin de la partie. Thérèse n’a pas voix au chapitre. C’est la belle-soeur, et son mari est mort depuis longtemps. Ceux qui craignent son indépendance disent qu’elle est un peu sotte. »

 Page 94 : « Je reviendrai. Dans un mois ou dans un an, sans raison ou pour un mariage, suppliée par ma mère, contrite ou heureuse d’être là, pour une réunion de famille ou pour un enterrement. Je reviendrai vérifier qui ils sont. Je débarquerai pour soigner un malaise, une solitude, et en récolter d’autres. Je poserai mes valises, je ne reste pas longtemps, hein, juste quelques jours, pour les écouter, pour les regarder vivre. Et je prendrai mon train, attendrie, agacée ou sombre. Un jour, mon dernier jour ici, je serai confusément atterrée de n’avoir pas su retenir des bribes de leurs vies pour ne pas qu’elles passent, sans bruit. Cette maison deviendra mon paradis perdu, un peu nauséeux, celui que je tresse déjà. Beau, fantasmé et triste. Comme pour tous les vieux cons. »

 Mon avis

Un premier roman prometteur. Le sujet de la famille n’est certes pas nouveau mais l’intrigue est l’occasion de revisiter la lutte des classes, aujourd’hui. Entre ceux qui savent et qui possèdent. Et ceux qui essayent de se faire aussi une place au soleil. Le style est agréable. La lecture rapide. Bref, un chouette moment à passer avant de retrouver… sa propre famille. Ou pas.

« La faute de goût », Caroline Lunoir, Actes Sud, 16€.

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